Ratio et Fidei 004
Un
méritoire mois de mai !
Il
semble que l’Église a choisi dans le trésor des mois, le plus riche de tous
pour l’offrir à la Madone, imitant en cela Dieu qui donna à la très sainte
Vierge ce qu’il avait de meilleur. Aussi depuis des siècles, l’Église n’a cessé
de confirmer la valeur spirituelle de ce mois. Elle a autorisé, encouragé et
recommandé la célébration des témoignages de confiance et de recours à Notre
Dame. Les témoignages traditionnels de la piété mariale, notamment la
récitation du chapelet, le port du scapulaire, les chants des cantiques, les
cérémonies de consécration, les offrandes de cierges et de fleurs, les
processions et les pèlerinages, sont des manifestations bien ordonnées et
mesurées tirant leur valeur réelle et efficace des dispositions de foi et de
confiance qui les animent et dont Dieu seul est juge. Cependant, il est
opportun de souligner l’objet des messages de Notre Dame dans les différentes
apparitions, par exemple à Lourdes, à Fatima, etc. Ils sont un appel non
seulement à la prière mais aussi et surtout à la conversion. Peut-être trop de
chrétiens ont-ils préférablement opté pour la prière et omettent-ils de se
convertir ? C’est là une solution de facilité qui mutile et qui amoindrit
le message constant de Notre Dame. La conversion que réclame Notre Dame pour
inséparable qu’elle soit de la prière, rend cette dernière plus valable et
efficace. Se convertir n’est-ce pas d’abord se tenir aux écoutes du Seigneur et
lui répondre loyalement ? N’est-ce pas en plus, accepter de mettre en
péril de fausses certitudes, dévoiler nos propres mensonges, minimiser notre
réputation, reconnaître de ne pas être infaillible, se soumettre à l’humilité
de la prière et des sacrements, respecter une tradition sacrée, révérer la
présence de Dieu dans les pauvres et fraterniser avec eux ? À ce compte
toute conversion devient exigeante et laborieuse. Elle ne s’improvise pas.
Cette même conversion doit être pensée et priée afin que les étapes
progressives de son cheminement reçoivent l’aide indispensable du Seigneur. Il
est inexact de dire que toute conversion réside et jaillit de la seule volonté
de devenir meilleur, de renoncer aux désordres, de bonifier sa façon de
vivre ! Il faut aussi que la grâce divine épaule les vouloirs humains, et
cette grâce s’obtient par la prière. Ils l’ont ainsi compris les pèlerins du
mois de mai qui, purifiés par la confession et munis du viatique eucharistique,
recourent à Notre Dame pour demander la paix de l’âme, la joie, la douceur, la
charité et l’héroïque courage de vivre effrontément leur foi chrétienne.[1]
Fides et Ratio nous rappelle aussi
que les pèlerins du mois de mai sont ceux-là qui se laissent illuminés par
l’espérance de Marie, et ils la prennent comme modèle d’espérance en Dieu. Tous les chrétiens sont appelés à être associés à la résurrection du
Christ. Mais en Marie, à cause de son union sans pareille avec Jésus-Christ tout
au long de sa vie terrestre, et la communion à sa croix et à sa résurrection,
se trouve déjà anticipé ce à quoi nous sommes appelés : la résurrection du corps.
En outre, Marie a mis au monde l’auteur de la vie et, par son oui, elle a
contribué de façon spéciale à la victoire de la vie sur la mort. À elle
s’applique dès maintenant cette parole de l’Évangile: «La mort a été engloutie
dans la victoire» (1 Co 15, 54). Marie élevée dans la gloire du ciel (Assomption)
brille comme «un signe d’espérance assurée et de consolation devant le peuple
de Dieu en pèlerinage».[2] Dans une époque où certains continuent à rendre un véritable culte à la
chair, tandis que d’autres la prennent en haine, parce qu’ils se sentent
enfermés sans espoir dans des structures et des idéologies de toutes sortes, il
ne servirait pas à grand-chose que l’Église proclame seulement des programmes,
des principes et des appels. Elle nous offre au contraire en Marie le modèle rayonnant
de l’espérance authentiquement chrétienne. C’est une espérance pour l’être
humain dans sa totalité. Nous serons tout entier sauvés et délivrés des
pesanteurs de la matière terrestre et transfigurés à l’image du Christ en
participant à la gloire de Dieu. Cette espérance est digne de foi, parce que
Jésus-Christ a été ressuscité des morts. Il est le principe et le fondement de
notre espérance. En Marie, se trouve concrétisée l’espérance de tous les
chrétiens.[3]
L’année liturgique que nous parcourons a été placé
sous le haut patronage de saint Joseph, par sa sainteté le Pape François, et
voilà que le mois de mai s’ouvre par la fête traditionnelle de Joseph
travailleur ! Quelle coïncidence ! Le mois de mai s’enrichit donc des
deux figures bibliques : Marie et Joseph. Fides et Ratio saisit l’occasion pour nous offrir certaines
réflexions en rapport avec ces deux figures, modèles de vie chrétienne. Charpentier de son
métier, Joseph coopéra par le travail de ses mains à l’œuvre créatrice et
rédemptrice, tout en gagnant le pain de la Sainte Famille et, avec Marie, en
éveillant à la vie des hommes l’Enfant que Dieu lui avait confié. Pie XII
institua en 1955 la fête de saint Joseph artisan, destinée à être célébrée le 1e
mai de chaque année. Travaillant pour subvenir aux besoins de Marie et de
Jésus, il initia le Fils de Dieu aux travaux des hommes. C’est pour cela qu’il
est le modèle et le protecteur des travailleurs chrétiens qui le vénèrent en
célébrant la fête du travail. En vénérant ce témoin privilégié de
l’Incarnation, l’Église rappelle la dignité du travail de l’homme, à qui Dieu a
confié la création pour y cultiver le sol et la garder. Elle nous propose un
modèle pour la sanctification de la vie quotidienne. «L’Église vénère Joseph de
Nazareth comme "artisan", [...]. Parmi tous les travailleurs
de la terre, il a été le seul et unique qui a vu chaque jour se présenter à son
étable Jésus-Christ, Fils de Dieu et Fils de l’homme. Et c’est lui, Joseph, qui
lui a appris son métier, l’y a engagé, lui a enseigné comment surmonter les
difficultés et vaincre les résistances de l’élément "matériel", et comment tirer de la matière informe les
produits de l’artisanat humain. C’est lui, Joseph de Nazareth, qui a lié une
fois pour toutes les Fils de Dieu au travail humain. Grâce à lui, Jésus
appartient également au monde du travail et rend témoignage devant Dieu de sa
très haute dignité».[4]
Le
fait que les Juifs se référaient expressément au travail de Joseph, considéré
comme un homme juste, indique que ses qualités de travailleur étaient reconnues
et appréciées. Joseph fut un travailleur honnête qui s’efforça de vivre de ce
qu’il obtenait de son travail. En cela, il a sanctifié son travail.[5]
Selon Jean-Paul II, «grâce à son atelier où il exerçait son métier en même
temps que Jésus, Joseph rendit le travail humain proche du mystère de la
Rédemption».[6] En
disposant que la mission de son Fils s’enracine dans une vie de famille, Dieu a
voulu aussi que le travail de Joseph serve à la croissance humaine de
Jésus-Christ. De ce fait, le travail de Joseph participe à la mission du
Rédempteur. Parce qu’il a mis ses qualités professionnelles au service du
projet divin, Joseph nous montre que le travail est un moyen de sanctification.[7]
«On ne peut imaginer que Joseph ne fut pas un bon ouvrier, qu’il ne fut pas
réputé autant pour son adresse et son habilité que pour son honnêteté et sa
droiture. On savait à Nazareth et dans toute la région qu’en s’adressant à lui,
on ne risquait pas d’être volé, que c’était sa coutume de livrer du travail
consciencieux».[8]
En
nous consacrant à ces réflexions autour de la valeur du travail dont saint
Joseph est le modèle, nous lançons un appel à propos «de la sanctification de
la vie quotidienne, que chacun doit s’efforcer d’atteindre en fonction de son
état et qui peut être proposée selon un modèle accessible à tous : "Saint Joseph est le modèle des
humbles, que le christianisme élève vers de grands destins ; il est la preuve
que, pour être de bons et authentiques disciples du Christ, il n’y a pas besoin
de grandes choses : il faut seulement des vertus communes, humaines, simples,
mais vraies et authentiques"».[9]
Josemaria enseigne que là où sont nos frères les hommes, là où sont nos
aspirations, notre travail, nos amours, là se trouve le lieu de notre rencontre
quotidienne avec le Christ. C’est au milieu des choses les plus matérielles de
la terre que nous devons nous sanctifier, en servant Dieu et tous les hommes.
Dieu nous appelle à le servir dans et à partir des tâches civiles, matérielles,
séculières de la vie humaine : c’est dans un laboratoire, dans un hôpital,
à la caserne, dans une chaire d’université, à l’usine, à l’atelier, aux champs,
dans le foyer familial et au sein de l’immense panorama du travail.[10]
Pensons qu’en réalisant notre tâche professionnelle en toute responsabilité,
non seulement nous subvenons à nos besoins financiers, mais nous rendons un
service un peu plus direct au développement de la société, nous allégeons aussi
les charges des autres et nous aidons tant d’œuvres d’assistance, au niveau
local et universel, en faveur des individus et des peuples moins favorisés.[11]
Puissent
ces réflexions nous aider à améliorer notre quotidien en union avec Dieu !
«Joseph
est le patron de la vie cachée. L’Écriture ne rapporte pas de lui un seul mot.
C’est le silence qui est père du Verbe. Que de contrastes chez lui ! Il est le
patron des célibataires et celui des pères de famille, celui des laïcs et celui
des contemplatifs ! Celui des prêtres et celui des hommes d’affaires !»[12]
[1] Cf. Maurentius-Joseph, Pour
mieux connaître et faire connaître Marie, Tournai, École d’Imprimerie Typo
& Offset Saint Luc, 1972, 292-294.
[2] LG 68.
[3] La Vierge Marie dans les Catéchismes pour adultes des Évêques Européens et
dans le Catéchisme de l’Église Catholique, p. 20-21, https://udayton.edu/imri/mary/_resources/docs-pdfs/fr/
[4] Jean-Paul
II, Homélie, 19 mars 1982.
[5] Cf. Mgr Dominique, L’importance
de la figure de saint Joseph pour les pères de familles, inédit, Le
Tourneau Vif, 29 mars 2019, p. 10.
[6] Jean-Paul
II, Exhort. ap. Redemptoris custos,
n° 22.
[7] Cf. Mgr Dominique, L’importance
de la figure de saint Joseph pour les pères de familles, p. 10.
[8] M. Gasnier,
Joseph le silencieux, Mulhouse, 1960,
cité par Mgr Dominique, L’importance de la figure de saint Joseph
pour les pères de familles, p. 10.
[9] Jean-Paul
II, Exhort. ap. Redemptoris custos,
n° 24.
[10] Cf. Josemaria, Homélie : Aimer
le monde passionnément, dans Neuvaine du travail à saint Josémaria Escriva,
p. 3.
[11] Cf. Les propos de Josemaria dans
«Amis de Dieu», n° 120.
[12] P.
Claudel, Lettre à Sylvain Pitt,
24 mars 1901.
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