Passion et mort du Christ, source de paix et de réconciliation entre les peuples. Analyse littéraire de Ep 2,11-22
Quand on lit la lettre aux Ephésiens dans la plupart des versions modernes, l’unité littéraire 2,11-22 est un texte magnifique, dont la composition est élégante, le flux de la pensée bien ordonné et le contenu très profond. Pourtant la lecture du texte original suscite des questions non seulement au niveau du fonds, mais aussi à celui de la forme : des hapax legomena abondent, la syntaxe de certaines phrases est alambiquée, la succession conceptuelle de l’ensemble moins harmonieuse et la finalité du discours difficile à identifier dès le premier abord.[1] Presque chaque assertion doit être soumise à une enquête sémantique et grammaticale sérieuse dont les résultats ne sont pas toujours apaisants.[2]
La présente étude ne prétend pas
résoudre toutes les questions exégétiques relatives à ce texte. Dans le cadre
de ces Journées bibliques, quelques unes seulement feront l’objet de notre
enquête. En effet, je me suis intéressé à l’étude de ce texte quand je me suis
rendu compte que l’auteur y met en évidence la paix que le Christ a engendrée
entre Israël et les Nations. Il m’était paru intéressant d’interroger ce texte
pour voir comment l’auteur soutient et explique l’idée selon laquelle ladite
réconciliation est née grâce à la violence subie par le Christ, car une
question de fonds ici peut être celle-ci: est-ce que la violence peut engendrer
la paix et dans quelle mesure ?
En approchant le texte, j’ai plutôt
pris conscience d’un autre aspect – peut-être le plus profond –, à savoir que
l’anéantissement de l’hostilité entre les juifs et les païens a été en vérité
l’anéantissement de la loi que Dieu lui-même avait établie, la loi mosaïque.
Voilà pourquoi seul le Christ a pu le faire en mourrant sur la croix. C’est ce
que je vais tâcher d’exposer ici dans les quatre points suivants : d’abord
la composition littéraire de l’ensemble, ensuite l’analyse des vv. 11-13, puis
celle des vv. 14-18, enfin celle des vv. 19-22. Une synthèse ramassant les
idées que je trouve principales d’Ep 2,11-22 conclura l’analyse de l’ensemble,
indiquant en même temps comment les résultats de l’analyse peuvent être
intéressants pour l’Eglise qui est en Afrique.
Une discussion minutieuse sur le contexte littéraire le plus large de cette péricope va au-delà des limites de cette étude. J’admets seulement que la lettre aux Ephésiens comprend deux grandes parties, exclusion faite de l’adresse et de la conclusion épistolaires (1,1-2 et 6,21-24) : la première est dogmatique (1,3-3,21) et la deuxième parénétique (4,1-6,20).[3] Dans la partie dogmatique, l’auteur révèle le mystère du plan de Dieu et ses composantes, alors que dans la partie exhortative, il invite ses destinataires à vivre le mystère en question. La partie dogmatique peut être sectionnée en trois unités : 1,3-2,10 ; 2,11-22 et 3,1-21. Ep 2,11-22 en constitue donc la deuxième macro-unité. Elle est généralement divisée à son tour en trois petites unités littéraires : 1) vv. 11-13, 2) 14-18, 3) 19-22.[4] Ces trois ensembles peuvent être disposés dans une structure chiastique de type ABA’ très importante pour la compréhension de l’exposition progressive de la pensée de l’auteur. Dans un chiasme concentrique de ce genre, l’unité A’ expose les idées en rapport de synonymie, d’antithèse ou de synthèse avec celles de l’unité A en tenant compte de ce qui est affirmé en B.
La
première petite unité (A : vv.
11-13) se distingue clairement grâce d’un côté à l’emploi des adverbes temporels
signifiant « autrefois » (pote., tw/|
kairw/| evkei,nw|), à
l’emploi du pronom personnel « vous » et à la description de ce
qu’était en ce temps-là la situation religieuse de ces « vous »,
c’est-à-dire les païens (vv. 11-12). L’autrefois désigne l’époque où ils ne
croyaient pas au Christ. En opposition à cette situation, il y a de l’autre
côté une affirmation concernant leur situation actuelle (nuni,), celle d’après leur foi au Christ (v. 13).
Comme
l’indiquent les particules a;ra ou=n qui introduisent la troisième petite unité (A’ : vv. 19-22), celle-ci est une
conclusion où Paul récapitule ce qu’il a dit avant. Rien d’étonnant que des
mots rencontrés dans les unités précédentes se retrouvent repris ici. On y
retrouve d’abord l’utilisation de la deuxième personne du pluriel, ensuite
l’idée de l’opposition mise en lumière dans les vv. 11-13 entre la situation
des païens avant leur intégration dans le Christ et celle d’après. Mais il ne
s’agit pas, exception faite du terme xe,noi, d’une reprise littérale des
expressions. Il y a de nouveaux termes qui expriment les mêmes idées.[5]
Mais ce qui est plus remarquable dans la reprise des idées des vv. 11-13 en
19-22, c’est l’enrichissement du contenu du changement de la situation.[6]
Bien plus, il faut noter le renversement de l’importance accordée à la
description de l’une et l’autre situation des chrétiens d’origine païenne avant
et après leur être-dans-le-Christ. Alors que dans les vv. 11-13, la description
de leur être-sans-le-Christ est plus longue (Aa) que celle de leur être-dans-le-Christ (Ab) ; dans les vv. 19-22, la description de leur être-dans-le-Christ
est plus longue (A’a1)
que celle d’avant (A’b1 :
d’ailleurs exprimée seulement grâce à la négation ouvke,ti).[7]
Entre
les deux unités, la partie centrale (B :
vv. 14-18) se distingue par le fait que le sujet principal est le pronom
personnel auvto,j, contrairement à A et A’ où le sujet principal est u`mei/j. C’est aussi seulement dans cette
partie que l’on trouve le terme eivrh,nh, employé trois fois (vv. 14.15.17).
Ces versets constituent une unité tellement bien compacte en elle-même, qu’on
peut les sauter et lire sans achoppement le v. 19 directement après le v. 13.
Comme le pronom auvto,j renvoie à tou/
Cristou/ de la phrase evn
tw/| ai[mati tou/ Cristou/ du v. 13, c’est donc le Christ qui est le sujet de toutes les
propositions de cette section. Grâce au verbe evstin, il est en effet suivi de plusieurs
attributs : un substantif (h` eivrh,nh) et des participes dont quatre sont
à l’aoriste (o` poih,saj, lu,saj, avpoktei,naj, evlqw,n) et un au présent (poiw/n). Il faut également signaler l’emploi par trois fois du pronom de
quantité avmfo,teroi (vv. 14.16.18) et une fois du nombre cardinal du,o (v. 15) qui sont chaque fois suivis
par l’emploi du nombre cardinal ei-j (vv. 14.15.16.18).
En
fait, sans vouloir ramener l’unité dans un schéma littéraire préconçu, Ep 2,11-
Il
fallait s’attarder un peu plus à ces éléments formels, car après tout le fonds
est très dépendant de la forme. La manière dont un auteur expose sa pensée est
toujours révélatrice de sa propre position sur le sujet débattu. C’est grâce à
la forme que l’on connaîtra par exemple les éléments auxquels il attache plus
d’importance, ceux qu’ils considèrent comme principaux et ceux qu’il juge comme
secondaires. Passons à présent à la recherche du contenu. Je vais tâcher de
répondre à trois questions correspondant chacune aux trois micro-unités
signalées. 1) Quelle est la dimension principale qui intéresse l’auteur dans le
résumé qu’il fait de l’histoire des relations entre les juifs et les païens
avant l’avènement du Christ ? 2) En quels termes peut-on formuler ce que
l’auteur soutient à propos de l’œuvre que le Christ a accomplie entre les
deux ? 3) Comment comprendre les expressions dans lesquelles l’auteur a
défini les fruits de l’activité réconciliatrice du Christ ?
En
12b-c, l’auteur affirme que les païens étaient
avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l
kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj.[10]
Comment comprendre le verbe avpallotrio,w dans ce contexte ? Généralement on
pense à l’action d’exclusion subie par les païens de la part des juifs. Mais je
crois que tel qu’il est conjugué le verbe peut aussi indiquer que ce sont les
païens qui s’étaient exclus d’eux-mêmes de la politei,a tou/
VIsrah,l. Dans le NT en
effet, ce verbe est employé seulement trois fois et à la forme du participe
parfait (Ep 2,12 ; 4,18 et Col 1,21). En tant que participe parfait, avphllotriwme,noj peut être aussi bien de la voix passive que de
la voix moyenne. S’il est à la voix passive dans notre texte, il indique que
les païens ont subi l’action de l’exclusion accomplie par ceux qui jouissaient
de la qualité et des droits des citoyens d’Israël. Mais s’il est à la
voix moyenne, ce sont les païens eux-mêmes qui se sont exclus de la citoyenneté
d’Israël. Ce dernier sens peut effectivement être déduit du contexte des autres
cas où le verbe est employé dans le NT et même dans
Car
le terme politei,a, si l’on recourt aux autres termes de la même famille (notamment polith/j) que l’on trouve dans certains
textes de l’époque hellénistique, renvoie d’abord à la qualité d’être un membre
de la cité, un polith/j.[12] Il
renvoie par extension à une réalité sociopolitique qui se distingue par ses
propres lois, lesquelles définissent les conditions de vie et d’appartenance,
et donc, les manières ou conventions de vivre en son sein.[13]
Parmi celles-ci on dénombre aussi les lois religieuses.[14]
Le terme désigne donc en général une réalité à la fois fermée et ouverte par
rapport aux étrangers (xe,noi). Fermée, les étrangers n’y font pas automatiquement partie, même s’ils
peuvent y vivre. Ils n’y bénéficient pas de tous les droits et n’ont pas tous
les devoirs des citoyens, alors que ceux-ci en jouissent même quand ils sont à
l’étranger.[15]
Ouverte, les étrangers peuvent, moyennant certaines conditions, notamment les
lois relatives à la naturalisation, en devenir membres à part entière.
Quelqu’un peut même bénéficier de deux nationalités.[16]
Celui qui refuse pareilles conditions reste « étranger » et peut
bénéficier seulement du statut d’immigré (pa,roikoj) ayant un permis de séjour à courte
ou longue durée (cf. v. 19 ; Ac 7,6 ; 1 P 2,11).
Or
l’utilisation du terme politei,a n’introduit pas ici seulement l’idée de la
distinction entre Israël et les autres nations, mais met en évidence la
particularité d’Israël. Qu’est-ce qui fait l’identité d’une organisation sociopolitique,
si ce n’est sa constitution et l’ensemble de lois, de dispositions législatives
conformes à cette constitution ? Or l’AT et la littérature intertestamentaire
témoignent de la conviction des juifs qu’Israël était la propriété privée de
Dieu (cf. Ex 19,5-6 ; Dt
7,6 ; 13,19-14,2 ; 26,18-27,1 ; Lv 20,24e-f.26). Ses membres étaient persuadés
d’appartenir à une organisation sociale dont l’origine était le choix que le
vrai Dieu avait opéré à leur égard. Après tout, c’était lui qui avait donné la
loi grâce à laquelle l’alliance a été scellée entre lui et le peuple d’Israël. De
la sorte, le problème du rapport avec les païens à ce niveau était en vérité un
problème du rapport de ces nations avec le Dieu d’Israël.
L’emploi
du participe parfait avphllotriwme,noj a en fait l’avantage d’exprimer cette
ambivalence de la réalité des païens par rapport à cette constitution
particulière d’Israël : soit qu’ils étaient exclus, soit qu’ils s’étaient
exclus eux-mêmes. Il reste que cette exclusion mutuelle était basée sur la
nature même de la politei,a d’Israël et était égale (kai,) pour les païens au fait de rester
étrangers aux dispositions historiques mises en jeu par le Dieu d’Israël afin
de réaliser son engagement en faveur de son peuple (tw/n
diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj).[17]
Que
ce soit la relation des païens
vis-à-vis de Dieu qui est principalement ici en ligne de mire de l’auteur,
cela devient évident quand on lit les assertions du v. 12d-e (evlpi,da
mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|). Ces dernières sont énoncées à partir du point de
vue des juifs vis-à-vis des païens, car personne ne pouvait, exception faite
des juifs, soutenir que tous les païens étaient sans espérance ou étaient
athées tout simplement parce qu’ils étaient païens. Il est clair que
l’auteur ne voulait pas affirmer que les païens n’avaient aucune croyance en
une divinité ou qu’ils n’avaient aucune foi en l’existence de la vie après la
mort. Ecrivant à une communauté située dans une ville reconnue pour la présence
en elle d’une multitude de cultes et de divinités traditionnelles, dont le
culte de la déesse Artemis, il était sans doute au courant du fait que les
païens croyaient en l’existence des dieux ainsi qu’à l’immortalité de l’âme.[18]
L’affirmation traduit donc seulement ce qu’était la conviction des juifs
vis-à-vis des dieux des païens. Pour eux, en effet, les dieux des païens
n’étaient rien. A ce sujet aussi, plus d’un texte de l’AT exprime cette position
des juifs vis-à-vis de la prétendue foi des païens.[19]
Le principe en fait est que quand on croit à un rien, qu’on prétend être dieu,
ce n’est pas à Dieu qu’on croit. De la sorte, ne croyant pas au vrai Dieu, les
païens étaient pour les juifs, en réalité, des incroyants. Ailleurs dans le NT,
on trouve aussi des affirmations du même genre. C’est le cas de 1 Th 4,5, où Paul
invite ses lecteurs à ne point agir comme « font les païens qui ne connaissent pas Dieu (ta. e;qnh ta. mh. eivdo,ta
to.n qeo,n) » et
de 1 Th 4,13, où il souhaite qu’ils ne soient pas « comme les autres qui n’ont pas d'espérance (mh.
e;contej evlpi,da) ».[20]
C’est sans doute cette idée que l’auteur d’Ep a rendue en ces versets pour
qualifier les païens, quand les juifs les appelaient « incirconcis »,
à savoir l’idée du néant des dieux dans lesquels croyaient les païens,
c’est-à-dire l’idée de l’idolâtrie. On le voit, même dans ce cas, on ne peut
pas exclure que l’auteur sous-entende aussi la responsabilité de la majorité
des païens dans le refus à croire au Dieu d’Israël. A l’époque
intertestamentaire, l’existence des craignant-Dieu et des prosélytes
peut effectivement opiner que la plupart de ceux qui ne l’étaient pas avaient
volontairement refusé de croire au Dieu d’Israël et de faire partie de cette
entité religioso-politique, de cette nation (e;qnoj) dont la politei,a
était considérée par ses citoyens comme provenant de l’unique vrai Dieu.
Ceci dit, au point de vue grammatical, les assertions du v. 12d-e (evlpi,da
mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|) deviennent subordonnées à celle du v. 12b-c (avphllotriwme,noi
th/j politei,aj tou/ VIsrah.l kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj). L’absence de la conjonction kai,
entre les deux autorise
une telle interprétation.[21]
Une subordonnée de cause conviendrait parfaitement. Les païens ne
pouvaient pas faire partie de la nation juive, parce que les juifs les
considéraient comme des gens sans foi et sans espérance. Donc, c’était pour des
raisons religieuses. Sans aucun doute, c’est le choix de Dieu en faveur d’Israël (et donc son plan) qui était
en jeu.
L’utilisation
des adverbes makra,n et evgguj au v. 13 aide également à confirmer l’hypothèse avancée ici. L’adverbe makra,n, qui complète la proposition relative oi[ pote o;ntej, explicite effectivement l’idée
d’éloignement dont il est question dans les vv. 11-12. Mais il est difficile de
croire que l’auteur pensait à un éloignement principalement spatial, étant
donné que pareille séparation n’a pas tellement eu lieu dans l’histoire d’Israël.
Du point de vue historique, en effet, - je rappelle que les vv. 11-13b
paraissent être une brève narratio en
vue de la petite propositio du v. 13c
-, Israël a en fait toujours vécu avec ou au milieu d’autres peuples. Par
contre, on pourrait donner à cet adverbe le sens qu’il a dans certains textes
des prophètes. L’expression oi[ pote o;ntej makra,n peut effectivement avoir été, comme l’a montré
T. Moritz, empruntée à Is 57,19 que l’on va retrouver au v. 17b.[22]
Dans ce texte isaïen, elle renvoie principalement aux Israélites qui étaient
loin de YHWH (notamment en exil) pour avoir péché contre
Voilà
pourquoi, grâce à l’adverbe evggu,j qui complète la proposition principale du v. 13 (nuni.
de. evn Cristw/| VIhsou/ u`mei/j evgenh,qhte), la proximité
acquise une fois pour toutes par les païens dans le Christ est explicitement
proclamée par l’auteur. Mais il est étonnant que l’auteur ne précise pas son
affirmation pour dire qu’ils sont devenus proches de ceux qui se disent
circoncis, proches de la politei,a tou/ VIsrah,l. Pour quelles raisons ? Je retiens que
c’est parce que l’adverbe evggu,j indique le contraire de la situation résumée par son opposé makra,n, à savoir d’abord la proximité par
rapport au vrai Dieu, laquelle est ipso
facto partage avec Israël de la même, mais nouvelle, citoyenneté dans le
Christ (cf. Ep 3,6 : ei=nai ta. e;qnh sugklhrono,ma kai. su,sswma kai.
summe,toca th/j evpaggeli,aj evn Cristw/| VIhsou/ dia. tou/ euvaggeli,ou).[23]
En conclusion, il ressort de l’analyse
des expressions employées dans
les vv. 11-13 que l’opposition entre les deux parties (Israël et les païens) était
due à une exclusion des uns (les païens) par les autres (Israël) et sur le
refus des uns (les païens) de la foi des autres (Israël), exclusion elle-même
basée sur des raisons principalement religieuses. La distance religieuse entre
les deux (evlpi,da mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|) a abouti dans l’exclusion mutuelle
et, donc dans une séparation de type sociale (avphllotriwme,noi th/j
politei,aj tou/ VIsrah.l kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj), marquée sans doute de quelque
dédain et de quelque raillerie mutuelle (oi` lego,menoi avkrobusti,a
u`po. th/j legome,nhj peritomh/j evn sarki. ceiropoih,tou). L’utilisation par deux fois de
l’expression evn sarki, au v. 11 indique que pour l’auteur les railleries étaient basées sur
des évaluations liées à la chair, c’est-à-dire à un signe distinctif marqué ou
non dans la chair et donc pratiquement culturel. Mais tout ceci avait origine
dans des convictions religieuses. Cet état des choses, soutient heureusement
l’auteur, a été dépassé grâce à la mort du Christ. Voyons comment il le montre
dans les vv. 14-18.
Ceci
dit, notons à présent qu’au v. 14a le substantif eivrh,nh est un attribut du sujet qu’est le Christ.
L’auteur ne dit pas que Jésus Christ est artisan de paix (cf. eivrhnopoih,saj
en Col 1,20), mais qu’il est la paix.
Il s’agit d’une métonymie qui considère l’effet produit pour la cause qui l’a
produite. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Cette affirmation qui
introduit la clarification du v. 13d mérite elle-même d’être mieux étoffée.
C’est ce que l’auteur fait dans les propositions participiales. Précédées par
l’article o`, la première
et la deuxième participiales sont de fait des propositions relatives qui exposent
les raisons de la déclaration du v. 14a. Le v. 14b et le v. 14c étant unis
par la conjonction kai,,
il faut considérer les raisons avancées comme complémentaires. Le Christ est
paix parce que d’une part il est celui qui a unifié les deux parties en
une seule entité, et de l’autre, parce qu’il a détruit le mur de la division. Par
contre l’absence de cette conjonction entre le v. 14c et le v. 15a, devrait
être considérée comme un indice de subordination de 15a par rapport au v.
14b-c.[27] La
troisième participiale est donc une proposition subordonnée qui indique comment
les affirmations de 14b-c ont été accomplies ; c’est en annulant la loi (to.n
no,mon tw/n evntolw/n evn do,gmasin katargh,saj) que le Christ a unifiée toutes les deux entités et a détruit le mur de
division.
Ainsi
alors que la première participiale explicative présente une action positive
dont l’aboutissement est l’unité de deux entités distinctes auparavant, la
deuxième complète de manière négative en parlant de ce qui a été détruit. J.-N.
Aletti explicite mieux l’idée en disant : « la paix consiste
aussi et surtout à détruire les instruments de guerre ou de division ; car
une paix où les deux camps restent armés, où les facteurs de division demeurent
intacts, est une paix menacée. »[28] Posées ainsi en un parallélisme synthétique,
chacune des propositions participiales du v. 14b-c devient plus claire grâce à
l’autre. Dès lors, le neutre (ta. avmfo,tera) du v. 14b peut à mon avis se comprendre comme
renvoyant de manière abstraite aux deux parties qui sont supposées exister
quand on admet la présence d’un mur de division.[29] Le
problème est sûrement d’identifier le mur en question. S’agit-il de celui qui,
dans l’enceinte du Temple, interdisait aux ressortissants d’autres nations ou
tribus de s’approcher du Sanctuaire, sous peine de mort ?[30] Ou
s’agit-il d’un sens figuré renvoyant notamment à la loi de Moïse ?[31]
Comme le montre Aletti, l’une et
l’autre interprétation sont justifiables au sein de la péricope à l’étude.[32] Mais le
sens du mur de la loi est selon moi le plus émergeant du contexte a quo et ad quem le plus immédiat. L’auteur affirme que le Christ a détruit
la loi de Moïse afin que juifs et païens deviennent une seule entité devant
Dieu. L’objection selon laquelle le Christ n’a jamais rendu ineffective la loi
qui était considérée comme sainte ne tient pas dans ce contexte littéraire.[33] Ceux
qui objectent en ce sens veulent que les affirmations d’Ep ne soient pas en
contradiction avec notamment les lettres dites authentiques de Paul. Pourtant
il faut privilégier la cohérence interne au texte d’Ep. Des conclusions tirées
plus haut sur les vv. 11-13, il n’y a que la loi que Dieu avait donnée à Moïse,
qui était la charte fondamentale de la politei,a tou/ VIsrah,l. Elle fut donnée par Dieu pour rapprocher
seulement Israël de lui, d’en faire sa seule part en le séparant des (autres) e;qnh.[34]
D’ailleurs même la balustrade érigée dans l’enceinte du Temple était considérée
comme une disposition législative mettant en exécution quelques décrets de la
loi de Dieu, notamment ceux contre l’impureté.
Comme il n’y a donc que cette loi qui
était la cause de séparation, il n’y a qu’elle aussi qui devait être anéantie
pour que l’inimitié entre juifs et païens fût aussi mise à mort et leur
unité/égalité devant Dieu rétablie. Le v. 15a est ainsi rendu clair : la
loi des commandements avec ses décrets est une expression qui désigne la loi de
Moïse qui a été comprise par les juifs comme la constitution de leur
citoyenneté. C’est elle qui a engendré l’inimitié entre juifs et païens. Qui
autre – et c’est ça que souligne Ep 2,14-18 – aurait pu annuler pareille
constitution, établie par Dieu lui-même, si ce n’est quelqu’un qui jouissait
d’une relation particulière avec Dieu et qui, depuis le plan éternel de Dieu,
devait jouer, à la place de la loi, le rôle de médiateur incontournable entre
lui et toute l’humanité ? Or déjà en 1,3-14, l’auteur a bien mis en
lumière pareille relation entre le Christ et Dieu d’une part et entre le Christ
et l’humanité entière de l’autre.[35] Donc
seul le Christ pouvait remettre les choses en place et, selon l’auteur d’Ep,
c’est ce qu’il a accompli, comme cela est encore souligné en 3,3-12. Nous
sommes au cœur même du mystère que l’auteur est en train de révéler en cette
partie dogmatique. Le Christ a rétabli la relation que Dieu voulait entre lui
et tous les peuples (païens et juifs à la fois) en posant des actes de
destruction très importants.
Les verbes lu,w, katarge,w et avpoktei,nw appartiennent au même champ sémique, à savoir
celui de l’anéantissement, l’annulation, la disparition. Leurs compléments
d’objet direct (le mur de séparation, la loi et l’inimitié) devraient aussi
relever du même champ lexical et pourraient être pris l’un pour l’autre dans ce
texte.[36] Mais le
verbe avpoktei,nw et
son complément e;cqra sont
les plus forts. Sur eux repose aussi le poids du sens dans cette micro-unité.
Je m’y arrête un instant. Dans le NT, le verbe avpoktei,nw est employé 74 fois. Exception faite de quelques
cas, il a pour objet toujours une personne physique qui, considérée comme
ennemie, comme dangereuse pour les intérêts de quelqu’un, est éliminée de la
scène publique par ce dernier.[37] Or dans
le présent cas, son complément n’est pas une personne physique. Le terme e;cqra qui le complète n’est utilisé que 6 fois dans le
NT.[38] Quel
est son sens ? Conformément à Lc 23,12 et Jc 4,4, la e;cqra désigne l’hostilité, contraire de l’amitié. Elle
peut exister entre deux personnes qui peuvent devenir des amis quand elle est
supprimée, grâce à l’établissement, au moyen d’une reconnaissance mutuelle, de
relations d’amitiés qui n’existaient pas auparavant. Le verbe avpoktei,nw est ainsi utilisé dans le présent texte pour
mettre en évidence le fait que l’inimitié entre les deux groupes religieux a
été anéantie complètement, pour toujours, comme dans le cas d’une mort physique[39] Comment
a-t-elle été alors supprimée ? L’auteur emploie deux expressions evn
th/| sarki. auvtou/ (v. 14) et evn
auvtw/| (v. 16). Comment faut-il les
comprendre ?
Il faut d’abord noter que quand dans ses autres
occurrences le verbe avpoktei,nw est suivi de la préposition evn, celle-ci
introduit l’instrument, le moyen grâce auquel l’acte d’élimination est accompli
(l’épée, la famine, le séisme). Ces deux expressions devraient donc être
traitées comme indiquant l’instrument par lequel le Christ a supprimé
l’inimitié entre juifs et païens. Il faut ensuite relever que le parallélisme évident,
qui existe entre ces deux expressions, fait qu’on peut interpréter l’une par
l’autre. Or dans l’expression evn th/| sarki. auvtou/, le terme sa,rx est utilisé dans le sens du corps physique d’une
personne, en tant qu’il est marqué par la fragilité, sujet aux souffrances et soumis
à la mortalité. Les expressions renvoient donc à la personne du Christ et à la
mort qu’il a subie sur la croix. De la sorte, elles constituent l’explicitation
du v. 13d (evn tw/| ai[mati tou/ Cristou/). C’est la mort du Christ qui constitue le moyen
par lequel l’hostilité entre les deux nations a été éliminée. Autrement dit, la
violence qu’il a subie constitue l’arme par laquelle le Christ a complètement
anéanti l’inimitié. Il n’a pas fait violence aux autres pour imposer la paix à
la manière de la pax romana de
l’époque ou americana d’aujourd’hui.
Il s’est sacrifié lui-même en mourant pour la cause de la paix.
Or dans le NT, la mort du Christ est
considérée comme l’acte d’obéissance du fils envers son Père, acte grâce auquel
le Dieu de la paix s’est réconcilié avec l’humanité (cf. Rom 3,25 ; 1 Co
11,25 ; He 10,19 ; 13,20 ; Ap 1,5). Et quand on souligne
l’obéissance du Christ au Père, on met ipso
facto en évidence la volonté du Père lui-même. C’est donc Dieu le Père
lui-même qui avait voulu éliminer par l’intermédiaire du Fils la loi d’alliance
que lui-même avait établie, vu qu’elle était en fin de comptes une loi de discrimination.
On revient à nouveau à ce que l’auteur a exposé en 1,3-14.[40] De même
le fait que Dieu n’a pas épargné son fils (cf. Rm 8,32 ; 5,10) est
également automatiquement souligné, quand on parle du sacrifice de Jésus. Mais
comme le sujet principal de cette micro-unité est le Christ, ce ne sont pas les
actions de Dieu le Père qui sont mises en évidence. Enfin, on ne peut parler de
la mort du Christ sans sous-entendre en même temps sa résurrection, justement
comme ‘exaltation’ par Dieu pour l’obéissance du fils à sa volonté (cf. Ph
2,6-11).
Sans
aucun doute, l’auteur affirme en Ep 2,14b-16 que c’est par le sacrifice de sa
propre personne – c’est-à-dire par son obéissance et sa fidélité au Père – que
le Christ a établi les relations d’amitié entre ceux qui ne s’appréciaient pas
mutuellement à cause du choix même de Dieu. L’œuvre de pacification opérée par
le Christ a été l’exécution de la volonté divine d’enlever la séparation que
Dieu lui-même avait voulue entre Israël et les autres nations. Le Christ l’a
fait en créant une nouvelle race humaine, celle de ceux qui vivent en lui (ou
par lui) une seule et identique relation avec Dieu.[41] C’est
la raison pour laquelle il peut être proclamé comme la paix même des chrétiens
(v. 14). Tel est le sens de la métonymie du v. 14 basée sans doute sur le
principe de agere sequitur esse. Il
n’y a qu’un homme de paix qui peut produire la paix.
On comprend pourquoi l’auteur ajoute
une affirmation (v. 17) qui indique que le Christ s’est montré durant sa vie
comme un homme de paix (kai. evlqw.n euvhggeli,sato eivrh,nhn u`mi/n toi/j
makra.n kai. eivrh,nhn toi/j evggu,j).
Le v. 17 est donc un argument de plus (cf. kai,) pour expliquer le v. 14a. Le participe aoriste evlqw,n devrait être compris comme indiquant la
circonstance de la présence du Christ en ce monde, qui a été le moment de son
activité d’annoncer la paix aux parties. Dans l’esprit de l’argumentation, il
n’importe pas de savoir le moment précis (avant ou après sa mort) où le Christ
a prêché la paix. L’auteur veut seulement insister sur l’importance de
l’incarnation du Christ. Son fait seulement d’être venu a constitué l’annonce
même de l’évangile de la paix. Son action correspond à sa personne. Aussi
a-t-il été effectivement la paix entre les deux parties, parce que son être
était celui d’un homme de paix. Où qu’il soit et quand que ce soit, l’activité
d’un homme de paix est d’annoncer la paix à tous. C’est l’activité qui est
principale, pendant que sa venue, son être-là, est une circonstance
indispensable.[42] L’intermédiarité du Christ a
été indispensable. Par son être-là en ce monde (evlqw,n) donc, il a justement annoncé la paix (euvhggeli,sato
eivrh,nhn) aux païens et aux juifs,
c’est-à-dire à ceux qui étaient encore loin et à ceux qui étaient déjà proches
de Dieu.[43]
Dès
lors, le v. 18 n’est là que pour confirmer (o[ti) ce qui vient d’être dit. La preuve
du rapprochement accompli par le Christ entre les peuples, c’est le fait que
les uns (les païens auxquels il s’adresse) et les autres (les juifs) ont tous
accès au Père. Par rapport au v. 13, le v. 18 apporte ainsi des précisions à
deux niveaux : d’abord en affirmant que tous deux (et ceux qui étaient
loin et ceux qui étaient proches) ont accompli un pas décisif, à savoir entrer
ensemble (avmfo,teroi) là où ils n’accédaient pas facilement ensemble ; ensuite en
indiquant la personne par rapport à laquelle la distance a été estimée :
c’est par rapport au Père. L’emploi du terme Père (pro.j
to.n pate,ra) au lieu
de Dieu est une précision à ne point sous-estimer ici. Ceux qui ont été créés
en une seule entité sont désormais fils d’un même Père auprès duquel ils
accèdent dans un seul esprit. Le terme prosagwgh,, qui revient trois fois dans le NT
(Rm 5,2 ; Ep 2,18 et 3,12) signale encore une fois qu’il s’agit d’un accès
qui était interdit à certains, tellement le Dieu Père occupait un poste qui
était trop éloigné pour eux.[44]
Grâce au Christ (diV auvtou/), ils sont effectivement devenus et sont à
présent proches du Père en même temps que ceux qui étaient déjà proches de lui.
La réconciliation entre les deux peuples est donc corollaire de la
réconciliation avec Dieu (cf. v. 16).
L’emploi
de oi` avmfo,teroi et du syntagme evn e`ni. pneu,mati rappelle en même temps ici que l’unification,
opérée entre les deux par le Christ grâce à la suppression de la loi, ne
signifie pas la disparition des différences ethniques. La réunification
accomplie grâce au sang du Christ ne veut pas dire uniformisation en tout. Ce
qui compte, c’est l’esprit qui doit être un. La nouvelle humanité de communion qui
a été créée (eivj e[na kaino.n a;nqrwpon) n’est pas basée sur des préjugés charnels
(cf. evn sarki du v. 11), mais sur l’unité dans
l’esprit (evn e`ni. pneu,mati).
Je résume la réponse à la question
de départ à l’analyse des vv. 14-18. L’œuvre de paix accomplie par le Christ
est à comprendre d’abord en termes de rapprochement des deux peuples auprès du
vrai Dieu. Pour l’auteur, c’est cette proximité de tous les deux avec Dieu qui
est la démonstration de la reconnaissance mutuelle entre ceux qui se dédaignaient
auparavant et, donc, la preuve du fait que la paix a été établie entre eux.
Comme ce qui était en jeu dans l’hostilité entre les deux, c’était le choix de
Dieu, la finalité première de ce choix (cf. kata. th.n euvdoki,an
tou/ qelh,matoj auvtou/
en 1,5) devait être accomplie. Seul le Christ, accomplissant la volonté du Père
de depuis la création du monde (cf. 1,4-5), a été par sa mort à l’origine de la
suppression de la distance religieuse existant entre les deux et a ainsi initié
les relations d’amitiés et de fraternité entre eux, ouvrant la voie à une
cohabitation pacifique au sein de la maison du Père. Grâce à lui les chrétiens
d’origine païenne bénéficient maintenant, avec ceux d’origine juive, du libre
accès au Père. Qui pourra encore les considérer comme étrangers ou exclus de là
où Dieu habite ? La suite du discours dans les versets 19-22 découle de
soi de cette conclusion.
Une
chose est vraie : si, comme il a été dit, l’on lisait immédiatement le v.
19 à la suite du v. 13, on pourrait effectivement conclure que pour l’auteur
les païens convertis au Christ sont devenus concitoyens des juifs dont ils étaient
éloignés avant leur conversion au Christ. La proposition evste.
sumpoli/tai serait
ainsi synonyme de evgenh,qhte evggu.j du v. 13, qui comme on l’a signalé
en son temps est antithétique à avphllotriwme,noi
th/j politei,aj tou/ VIsrah,l.[46]
Seulement, sumpoli/tai est déterminé par le génitif tw/n a`gi,wn qui apporte une précision très
importante sur la nature de la communauté où les païens convertis au Christ
sont devenus membres avec tous leurs droits et devoirs.
En effet, vu l’usage de l’adjectif substantivé
a`gi,oj dans tout le
NT, la réponse à la question à peine posée est indubitable : les chrétiens
d’origine païenne font plutôt partie d’une communauté où ils partagent les
droits et devoirs avec tous les autres qui ont cru au Christ, mort et ressuscité,
sans distinction d’origine. Il est vrai que dans l’AT l’adjectif a`gi,oj est employé pour définir le peuple
(lao,j) d’Israël que
Dieu avait choisi pour qu’il devînt sa propriété parmi toutes les nations de la
terre.[47]
Mais il convient ici de compter avec les 227 fois de son emploi dans le NT, car
la lettre aux Ephésiens étant plus tardive qu’un grand nombre d’écrits de ce
Testament, elle reflète le langage qui était déjà le langage ‘ordinaire’ de la
catéchèse ecclésiale. Or, comme substantif, a`gi,oj est utilisé 68 fois dans le NT et
désigne les chrétiens dans l’ensemble de ces occurrences, c’est-à-dire tous
ceux qui ont la foi dans le Christ (cf. Ph 1,1 ; Col 1,2 ; 2 Th
1,10) ; tous ceux qui invoquent le nom de Dieu par le Christ (cf. Ac 9,32 ;
Rm 8,27). Le mystère caché depuis des siècles leur a été révélé (cf. Col 1,26).
Ils ont bénéficié d’un appel gratuit du ciel et ont été sanctifiés dans le
Christ (cf. Rm 1,7 ; 1 Co 1,2 ; 2 Co 1,1 ; Col 3,12 ; He
3,1 ; 8,2). Ils ne sont pas épargnés de besoin d’assistance matérielle
pour cela (cf. Rm 15,25-31 ; 1 Co 16,15 ; 2 Co 8,4 ; 9,1 ;
1 Tm 5,10 ; He 9,8) et leur lot est la persécution (cf. Ac 9,13 ;
26,10 ; Ap 5,8 ; 16,6 ; 17,6, etc.). Ils auront la récompense
éternelle s’ils restent fermes dans leur foi (Ap 19,8 ; 20,9). Sur les 15
fois où il est utilisé dans
Réalité
ainsi eschatologique, la communauté chrétienne est donc tout à fait différente
des deux autres communautés décrites dans les vv. 11-12. Il s’agit de celle qui
a été créée de la fusion des deux en une seule grâce à l’abrogation de la loi
et à l’anéantissement de l’inimitié dans la passion et la mort du Christ, telle
qu’elle est décrite dans les vv. 14-18.[50] On retrouve ici la distinction faite par Paul
en 1 Co 10,32 de trois entités, quand il demandait aux Corinthiens de ne pas
devenir une occasion de scandale aux juifs, aux grecs et à l’église de Dieu.[51]
Quant
à l’expression (evste.) oivkei/oi tou/ qeou/, elle est traduite dans
Les
vv. 19-22 montrent donc clairement que le résultat de la réconciliation opérée
par la mort du Christ, c’est la vraie proximité des païens par rapport au vrai
Dieu. Dans le Christ, ils sont devenus pratiquement la propriété de Dieu (tou/
qeou/) au même titre
que les autres chrétiens d’origine juive. Outre qu’il peut déjà être, comme dit
Aletti, une préparation de « la thématique de la construction, avec un
glissement des habitants oivkei/oi à l’habitation oivkodomh, »[56],
l’adjectif oivkei/oj ne peut pas ainsi manquer de
rappeler ce qu’était le privilège d’Israël vis-à-vis de Dieu et qui faisait que
les païens étaient oi[ pote makra.n. La destruction de ce privilège d’Israël dans
la mort du Christ a fait que les païens auxquels l’auteur s’adresse sont
désormais, avec les autres croyants au Christ de toutes origines – ceux
d’origine juive comprise – (cf. sumpoli/tai tw/n a`gi,wn), de la famille de Dieu,
c’est-à-dire, « en rapport direct et continu avec Dieu ».[57]
Quelle
est alors la réponse à propos des vv. 19-22 ? Les expressions
« compatriotes des saints » et « membres de la famille de
Dieu » mettent en évidence la nouvelle identité des chrétiens d’origine
païenne, c’est-à-dire leur vraie proximité par rapport au vrai Dieu. Cette
famille divine où tous les saints, c’est-à-dire ceux qui ont cru au Christ et
lui restent fidèles jusqu’à leur mort, sont dans leur politei,a, est quelque chose d’original,
parce que basée non pas sur la loi de discrimination ethnique, mais sur le sang
de celui qui a été obéissant à Dieu jusqu’à la mort. Elle n’a donc pas remplacé
le peuple d’Israël dont la loi fondamentale a été abrogée. Par contre, elle
réalise enfin la finalité qui avait motivé le choix de Dieu, à savoir unir
toute l’humanité en sa proximité. Il s’agit réellement d’une réalité
eschatologique. On peut dire en ce sens que l’Eglise – puisque c’est d’elle
qu’il s’agit – est devenue pratiquement la (nouvelle) propriété de Dieu au
milieu de laquelle Dieu trouve son habitation et où celui qui tient tout
compact, c’est justement le Christ. On comprend dès lors les précisions que
l’auteur donne dans les vv. 20-22. Ces propositions participiales et relatives,
où le génitif absolu (o;ntoj avkrogwniai,ou auvtou/ Cristou/ VIhsou/) émerge de manière remarquable,
mettent à nouveau en évidence la place centrale du Christ dans la construction
de cette nouvelle propriété de Dieu. Le rôle du Christ reste celui de réunifier
les deux sous un même toit qui est le sanctuaire de Dieu (cf. nao.j
a[gioj). Les passifs
théologiques ramènent finalement les actions accomplies par le Christ au vrai
agent qu’est Dieu.
Autrement
dit, la paix entre les hommes ne peut être authentique et réellement accomplie
que quand elle trouve son origine dans une vraie religion qui unifie les
peuples dans le respect des diversités culturelles. L’adoration de faux dieux
(comme l’argent) ou la détermination à soumettre les autres à des us et
coutumes propres, considérés comme les meilleurs, alors qu’ils sont aussi
marqués par les limites charnelles, conduisent même aujourd’hui à des conflits
et des guerres, des divisions et des exclusions mutuelles.
Il
y a sans doute quelque chose que les Eglises particulières qui sont en Afrique peuvent
apprendre ici. Composées souvent de plusieurs ethnies qui sont des richesses, certains
de leurs membres sont parfois animés par des préjugés d’un ethnicisme ou d’un régionalisme
fondamentalistes qui n’engendrent – au sein même des églises – que des
exclusions mutuelles et des conflits paralysants. Ce que l’on peut apprendre de
la présente analyse, c’est le fait que les membres de l’Eglise devraient se
souvenir du sang du Christ versé en obéissance à la volonté du Père, afin de
réunir les nations en son corps. Plus loin, dans la partie parénétique,
l’auteur exhorte les Ephésiens en ces termes : « appliquez-vous à conserver l'unité de l'Esprit par
ce lien qu'est la paix » (4,3).
En
rapport avec le thème des présentes assises, s’il y a un lieu où l’on peut
vivre l’utopie de la paix, réalisée et proclamée par le Christ, c’est avant
tout au sein de la communauté eschatologique qu’est l’Eglise, parce qu’elle est
née de la mort et de la résurrection du Christ. Au sein de cette Eglise, en Afrique
aussi comme ailleurs, la suppression des conflits et des inimitiés, disons la
réalisation de la paix au-delà de la diversité des origines ethniques n peut
être que le fait de la prise de conscience de la nature de l’Eglise qui est
différente aussi bien de la société politique que des entités ethniques dont
chaque chrétien a été appelé. Pareille prise de conscience rend les membres de
l’Eglise toujours conscients du fait qu’ils sont, à la suite du Christ, appelés
à vivre l’unité des enfants de Dieu, à être des hommes de paix. C’est quand
chacun ou chacune sera un homme ou une femme de paix au sein de l’Eglise qu’il
ou qu’elle deviendra artisan de paix dans le monde. Mais cela n’est pas
automatique. Il faut un engagement concret, une présence agissante qui unifie réellement
et qui construit la paix grâce à la destruction de ce qui divise. Je laisse aux ecclésiologues et aux spécialistes
africains de la théologie pratique la tâche d’indiquer les lieux d’application
concrète de cet enseignement.
Jean-Bosco Matand
Bulembat
Faculty of Theology
P.O. Box 62157 Nairobi – KENYA
[1] Pour la plupart des
problèmes, nous renvoyons aux commentaires suivants : J-N. Aletti,
[2] Rien que pour les versets
14-18, cf. E. Best, Ephesians, 247-250.
[3] En fait les critères varient
chez les uns et les autres pour justifier les précisions apportées à ces deux
grandes parties. Cf. L. Swain,
Ephesians (New Testament Message
13 ; Wilmington, DE, 1980) x-xi; M. Y. MacDonald, Colossians and Ephesians (Sacra Pagina Series 17;
[4] Voir les schémas (grec et
français) à la fin du document. Le premier à avoir tenté une étude de la
structure littéraire de cette péricope est G. Giavini, « La structure
littéraire d’Eph II,11-22 » NTS 16
(1969/70) 209-211. Cette subdivision est suivie par la majorité, même si elle
peut être justifiée autrement. Cf. à ce sujet E. Best, Ephesians, 236-
[5] Par exemple, l’opposition temporelle (entre pote,, tw/| kairw/| evkei,nw|
d’une part et nuni,, de l’autre) exprimée dans les vv.
11-13 est reprise grâce à l’emploi de la particule temporelle ouvke,ti. Le terme
pa,roikoi fait son
apparition pour résumer, à côté de xe,noi, le fait que les païens restaient
étrangers et ne pouvaient être considérés comme membres à part entière de la
citoyenneté d’Israël, même quand ils pouvaient habiter physiquement à côté des
citoyens d’Israël.
[6] De fait, l’opposition temporelle ne se situe
plus seulement au niveau des prédicats ; dans les vv. 19-22, elle regarde
aussi l’état d’être même. Alors qu’au v. 13 l’auteur a utilisé l’indicatif
aoriste du verbe gi,nomai (evgenh,qhte) en l’opposant à l’indicatif imparfait du verbe eivmi (h=te), au v. 19 il utilise explicitement
l’indicatif présent de eivmi (evste,). Alors que l’aoriste voulait sans doute mettre en évidence l’acte
ponctuel, accompli une fois pour toutes, quand les païens sont devenus
chrétiens, l’indicatif présent de eivmi considère leur état actuel qui est permanent.
[7] Dans cette longue description du nouvel être
des chrétiens d’origine païenne, une série de nouveaux termes qu’on ne retrouve
pas en 11-12 fait apparition, appartenant à deux champs lexicaux
différents : les uns exprimant la catégorie sémique de la communion (sumpoli/tai,
sunarmologoume,nh,
sunoikodomei/sqe) et les autres celle de la construction en
matériaux durables (oivkei/oi tou/ qeou/( evpoikodomhqe,ntej, qeme,lioj|, avkrogwni,aioj, oivkodomh,, nao,j, katoikhth,rion tou/ qeou/).
[8] En langage rhétorique, en effet, la pensée de
l’auteur procède par les étapes suivantes : vv. 11-12 : narratio, v. 13 : propositio, vv. 14-18 : explicatio / confirmatio et vv.
19-22 : peroratio. Cf. aussi
J.-N. Aletti, Ephésiens, 146. La
finalité de cette étude n’étant pas de montrer que cette péricope a été
composée selon les techniques de la rhétorique grecque ancienne, on se
concentrera plutôt sur l’analyse de son contenu.
[9] En ce qui concerne les
difficultés grammaticales, relevons celle qui regarde le deuxième o[ti au début du v. 12. Introduit-il la suite
du contenu de l’impératif mnhmoneu,ete du v. 11 ou introduit-il
l’explication du fait que les destinataires étaient effectivement des païens ?
De même est-ce que les affirmations avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l … kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw| du
v. 12 explicite la phrase cwri.j Cristou/ du même verset ou la phrase
oi` lego,menoi avkrobusti,a u`po. th/j legome,nhj peritomh/j du
verset précédent ? Dans ma traduction, j’ai opté pour un o[ti
complément de mnhmoneu,ete.
[10] Au point de vue de la
composition grammaticale, le v. 12 comprend trois unités de sens (12a, 12b-c et
12d-e). L’absence de la conjonction kai, entre 12c et 12d, alors qu’elle est utilisée entre 12b et 12c,
puis entre 12d et 12e, est un indice montrant la volonté de l’auteur de lier
comme dans une seule idée 12b-c d’une part et 12d-e de l’autre.
[11] Cf. ceux qui
l’interprètent dans le sens de “soi disant”, comme M. Barth, Ephesians, 254-255 ; T.K. Abbott, Ephesians and Colossians, 56-57. J.-N.
Aletti, Ephésiens, 141, pense plutôt
– et je crois qu’il n’a pas tort – à un participe passif qui « peut être
ainsi théologique ».
[12] Cf.
[13] Cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 143-144.
[14] Cf. F. Josèphe, Jewish Antiquities
[15] Cf. F. Josèphe, Jewish Antiquities 12,46.54.
[16] Cf. F. Josèphe, Jewish
Antiquities 14,231-232.
[17] Pour l’interprétation de
l’expression, cf. J.-N. Aletti, Ephésiens,
142-143.
[18] Cf. R.E. Oster, «
[19] Citons notamment Ps 31,6 ; 96,5 ;
97,7 ; 115,3-8 ; 135,15-18 ; Is 2,8-18 ; 41,21-24.28-29 ;
45,20 ; 57,13 ; Jr 10,5-16 ; Os 11,2 ; 13,2.
[20] Cf. aussi Ep
4,17-19 ; Ga 4,8. En 1 Co 8,4-6, Paul affirme : oi;damen o[ti ouvde.n ei;dwlon
evn ko,smw| kai. o[ti ouvdei.j qeo.j eiv mh. ei-jÅ kai. ga.r ei;per eivsi.n
lego,menoi qeoi. ei;te evn ouvranw/| ei;te evpi. gh/j( w[sper eivsi.n qeoi.
polloi. kai. ku,rioi polloi,( avllV h`mi/n ei-j qeo.j o` path.r evx ou- ta.
pa,nta kai. h`mei/j eivj auvto,n( kai. ei-j ku,rioj VIhsou/j Cristo.j diV ou-
ta. pa,nta kai. h`mei/j diV auvtou/Å
La phrase a;qeoi evn tw/| ko,smw| d’Ep 2,12 ne correspond-elle pas à ouvde.n ei;dwlon evn ko,smw| de 1 Co 8,4 ?
[21] Cf. plus haut, note 10.
[22] Cf. T. Moritz, The Profound Mystery, 32-34 et aussi E. Best, Ephesians, 245. En Is 57,19, il est ainsi écrit: eivrh,nhn
evpV eivrh,nhn toi/j makra.n kai. toi/j evggu.j ou=sin (Paix! paix à qui est loin et à qui est proche).
[23] Quand on se rend compte qu’utilisé aussi en
rapport avec les membres de la politei,a tou/ VIsrah,l, l’adverbe makra,n désigne dans la littérature
prophétique (cf. Is 59,17) la situation de péché commis par les Israélites –
cause de leur exil –, cette dimension de péché est aussi sous-entendue quand il
est employé en rapport avec les païens (cf. Ep 2,1-2). Si le résultat du retour
des fils et filles d’Israël de l’exil (cf. Is 60,4.9) est de se retrouver grâce
à la miséricorde gratuite de Yhwh (cf. Ez 37,27) proches du mont Sion, de même
l’emploi de l’adverbe evggu,j à l’égard des païens pourrait
renvoyer à la miséricorde dont ils ont bénéficié gratuitement de la part de
Dieu (cf. Ep 2,4-9).
[24] D’ailleurs c’est seulement en ces deux versets
que l’on trouve l’emploi du pronom de la première personne du pluriel (h`mw/n du v. 14a et h`mei/j dans evcomen du v. 18).
[25] Dans l’état actuel de la recherche, les
propositions de considérer les vv. 14-18 comme un ancien hymne christologique
inséré après une maladroite révision sont effectivement à rejeter, cf.
T. Moritz, A Profound Mystery, 25-29;
E. Best, Ephesians, 247-250.
[26] Ainsi par exemple, est-ce que la proposition du v. 15a est au même niveau
que les deux propositions coordonnées du v. 14b-c ?
[27] Comme au v. 12 où la conjonction kai, fait que la proposition 12c complète et clarifie
mieux celle de 12b, et que la proposition 12e complète et précise mieux celle
de 12d, de même ici la proposition 14c complète et clarifie mieux celle de 14b.
[28] J.-N. Aletti, Ephésiens, 149.
[29] Cf. d’autres propositions par T.K. Abbott, Ephesians, 65-66 ; M. Barth, Ephesians,
262-263 ; A. T. Lincoln, Ephesians,
140-141 ; E. Best, Ephesians,
252-253.
[30] L’existence d’un tel mur est rapportée par F.
Josèphe, Antiquités judaïques 15.417
et Idem, Les guerres juives 5.193-194.
Certaines objections avancées par E. Best, Ephesians, 253-254
contre cette interprétation me paraissent moins satisfaisantes. Ainsi le fait
que les lecteurs Ephésiens n’avaient probablement pas une idée d’un tel mur et
de sa signification (objection a) et le fait que le mur fut détruit par les
Romains et no par le Christ (objection c) ne pèsent pas parce que dans la
plupart des cas les lettres étaient lues à l’assemblée par celui qui l’avait
acheminée et celui-ci la commentait là où il fallait. Quant à l’absence du
terme meso,toicon chez Josèphe (objection b), il faut relever que l’absence ou la
rareté d’un terme dans une œuvre littéraire ne signifie pas l’absence ou la
rareté dans cette œuvre-là de l’idée qu’elle exprime. Cette dernière peut être
là, exprimée grâce à des termes du même champ lexical entretenant entre eux des
rapports soit d’équivalence, soit d’opposition. Par contre les objections (d)
et (e) me semblent plus appropriées. Si l’allusion était faite à ce mur-là, la
conséquence logique serait que sa destruction a entraîné l’entrée des païens
dans le Sanctuaire qui était réservé aux juifs. Ce n’est pas ce que disent les
vv. 19-22 où l’idée du Sanctuaire où se trouvent aussi les païens est exprimée
par l’auteur.
[31] Cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 149-150.
[32] La deuxième
interprétation est possible conformément à l’utilisation d’un vocable à
connotation cultuelle (proswgagh,) au v. 18 et à la mention du
Temple dans les vv. 19-22. Cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 149.
[33] Cf. E. Best, Ephesians,
[34] T. Moritz, A Profound Mystery, 29-30.40-
[35] Dans cette longue
période, en effet, on trouve des termes employés à l’avantage de la communauté
chrétienne (d’origine juive et païenne), alors que dans l’AT, ils sont réservés
à Israël dans ses rapports avec les autres nations (euvlogh,saj h`ma/j … evxele,xato h`ma/j … ei=nai h`ma/j a`gi,ouj kai.
avmw,mouj katenw,pion auvtou/ … proori,saj
h`ma/j eivj ui`oqesi,an … evcari,twsen
h`ma/j … evklhrw,qhmen
proorisqe,ntej … evsfragi,sqhte
tw/| pneu,mati th/j evpaggeli,aj tw/| a`gi,w|).
[36] Cette observation
pourrait aider à résoudre le problème de savoir si l’accusatif e;cqran
du v. 14d est complément du participe lu,saj ou du participe
katargh,saj (v.15) L’emploi du verbe avpoktei,nw au v. 16
montre qu’aussi bien le verbe lu,w que le verbe katarge,w
conviendrait pour exprimer l’idée de la réduction de l’hostilité à
l’inefficacité. Pace T.K. Abbott, Ephesians and Colossians, 61. Dans les Troyennes,
50, Euripide emploie e;cqra
comme complément du verbe lu,ein
et le sens de l’expression est ‘dissoudre l’inimitié’. Thucydide 4,19,
l’emploie dans le sens moyen comme complément du verbe dialue,sqai et le syntagme a le sens de ‘renoncer à son
inimitié’. Pour moi donc, la proposition 14d (th.n e;cqran evn th/|
sarki. auvtou/) peut aller aussi bien
avec le participe lu,saj qu’avec
le participe katargh,saj sans
qu’il y ait un saut dans la pensée. Toutefois, non seulement l’équilibre
stylistique fait pencher la balance du côté du deuxième, mais aussi parce qu’il
est mieux de la placer dans la partie qui exprime comment le Christ a unifié
les deux parties et a détruit le mur de division. C’est en anéantissant
l’inimitié. Contrairement à E. Best, Ephesians,
257-259, on ne voit pas ainsi les raisons de scinder la phrase en deux.
[37] Ap 11,7 indique que l’acte de tuer peut faire suite à une bataille. Les
cas où ce verbe ne fait pas allusion à une mort physique sont les suivants: Mt 10,28 (yuch,n) ; Lc 12,4 (yuch,n) ; Rm 7,11 ; 2 Co 3,6 et Ep 2,16 (e;cqran).
[38] Lc 23,12 ; Rm 8,7 ; Ga 5,20 ; Jc 4,4 et les deux occurrences
du texte à l’étude. Selon Liddell-Scott, Greek-English Lexicon, ce terme
est employé en Ep 2,14.15 dans le sens métonymique pour désigner non pas
l’inimitié, mais la cause de l’inimitié.
[39] J.H. Thayer A Greek-English
Lexicon of the New Testament (corrected edition; New
York-Cincinnati-Chicago, 1883) a donc raison
de dire qu’il faut le distinguer de la haine et de la guerre. Contrairement à
l’inimitié ou l’hostilité, la haine est souvent très difficile, pour ne pas
dire impossible, à effacer.
[40] Ceci dit, avphllotriwme,noi
du v. 12 devrait alors être considéré comme un passif théologique au même rang
que les passifs employés en 2,20-22.
[41] Dès lors l’expression evn e`ni. sw,mati du v. 16 n’est pas à mettre au même niveau que evn
th/| sarki. auvtou/. Le terme sw/ma
renvoie ici au sens qu’il a en 1,23
et en 4,4. Cf. la
position ‘conciliante’ de J. Muddiman, The
Epistle to the Ephesians (Black’s New Testament Commentaries ;
[42] On trouve pareille idée dans
Xénophon, Cyropédie 3,2,12, où l’auteur
raconte comment l’arrivée (donc la présence personnelle) de Cyrus fut
importante pour conclure la paix entre les Arméniens et les Chaldéens «…e;peita
de e;lexe toi/j Caldai,oij o[ti h[koi ou;te avpole,sai evpiqumw/n evkei,nouj
ou;te polemei/n de,omenoj, avll v eivrh,nhn boulo,menoj
poih/sai vArmenivoij kai. Caldai,oij » (And then he told the
Chaldaeans that he had come with no wish to destroy them and with no desire to
make war, but because he wished to make peace between the Armenians and the
Chaldaeans), in Xenophon’s Cyropaedia
in two volumes. Volume I (English Translation by W. Miller; London – New York,
1914) 254-255. Cette présence fit changer la situation des prisonniers.
[43] De fait, à ce niveau de l’argumentation, le syntagme u`mi/n
toi/j makra.n renvoie à u`mei/j
ta. e;qnh du v. 11 et à u`mei/j
oi[ pote o;ntej makra.n du v. 12,
avec accent porté cette fois, non sur u`mi/n, mais sur makra.n. Mutatis mutandis, toi/j evggu,j renvoie à ceux qui, dans les vv. 11-12, étaient
les seuls à être proches de Dieu.
[44] J.P. Louw - E.A. Nida (éds), Greek – English of the New Testament Based on
Semantic Domains. Vol. 1 Introduction & Domains (New York, 1988),
n. 33.72, qui classent le terme prosagwgh, dans la
famille lexicale de ‘communication’, le définissent comme étant “the right or
opportunity to address someone, implying
higher status of the person adressed.” (Les italiques sont miennes).
[45] Cf. à ce sujet, J.-N.
Aletti, « Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Ephésiens. De
quelques suggestions » Bib 85
(2004) 460-463 ; Idem, Ephésiens,
158-161.
[46] Au v. 19, sumpoli/tai est opposé à
xe,noi, lequel est au
v. 12 synonyme de avphllotriwme,noi. En soi, il n’y a pas de rapport
d’antithèse entre sumpoli/tai et politei,a.
[47] o[ti lao.j a[gioj ei=
kuri,w| tw/| qew/| sou kai. se. proei,lato ku,rioj o` qeo,j sou ei=nai, se
auvtw/| lao.n periou,sion para. pa,nta ta. e;qnh o[sa evpi. prosw,pou th/j gh/j (Dt 7,6 ; 14,2).
[48] Signalons qu’il y a hésitation à identifier les a`gi,oi dont
parlent Mt 27, 52 et 1 Th 3,13 avec les chrétiens, du fait que ces textes
contiennent des expressions du langage apocalyptique.
[49] Qu’il fût d’origine juive ou d’origine païenne,
le chrétien était en ces temps-là appelé « saint » ; ce qui
comptait, c’était la foi au Christ et la persévérance dans cette confession.
Quand on se rend compte que
[50] Contrairement à ce
qu’affirment J. Muddiman, Ephesians,
[51] avpro,skopoi kai.
VIoudai,oij gi,nesqe kai. {Ellhsin kai. th/| evkklhsi,a| tou/ qeou/. Le contexte de la discussion en 1 Co
(consommation ou non des viandes offertes aux ‘idoles’) indique encore une fois
que les deux premières entités sont considérées dans le sens religieux.
[52] Cf. Jean-Paul II, Ecclesia in Africa. Exhortation apostolique post-synodale
(Cité du Vatican, 1995), n° 63.
[53] A. Bailly, Dictionnaire
Grec – Français (Paris, 1950) 1355, épingle les sens suivants: I 1) de la
maison, 2) qui appartient à la famille, parent, apparenté, 3) par
extension : familier, intime ; II qui concerne la possession, d’où 1)
propre, particulier, 2) propre à quelqu’un, privé, 3) propre à quelqu’un, inné,
naturel, 4) qu’on accomplit sur soi-même (meurtre), 5) propre à.
[54] Cf. Lv
18,6.12.13.17 ; 21,2 ; 25,49 ; Nb 25,5 ; 27,11 ; 1 S
10, 14.15.16 ; 14,50 ; Pr 17,9 ; Is 3,6 ; 31,9 ;
58,7 ; Am 6,10 ; 2 Ma 15,12 ; 3 Ma 6,8.
[55]
[56] J.-N. Aletti, Ephesians,
160.
[57] J.-N. Aletti, Ephesians,
161.
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