Passion et mort du Christ, source de paix et de réconciliation entre les peuples. Analyse littéraire de Ep 2,11-22

 Quand on lit la lettre aux Ephésiens dans la plupart des versions modernes, l’unité littéraire 2,11-22 est un texte magnifique, dont la composition est élégante, le flux de la pensée bien ordonné et le contenu très profond. Pourtant la lecture du texte original suscite des questions non seulement au niveau du fonds, mais aussi à celui de la forme : des hapax legomena abondent, la syntaxe de certaines phrases est alambiquée, la succession conceptuelle de l’ensemble moins harmonieuse et la finalité du discours difficile à identifier dès le premier abord.[1] Presque chaque assertion doit être soumise à une enquête sémantique et grammaticale sérieuse dont les résultats ne sont pas toujours apaisants.[2]

         La présente étude ne prétend pas résoudre toutes les questions exégétiques relatives à ce texte. Dans le cadre de ces Journées bibliques, quelques unes seulement feront l’objet de notre enquête. En effet, je me suis intéressé à l’étude de ce texte quand je me suis rendu compte que l’auteur y met en évidence la paix que le Christ a engendrée entre Israël et les Nations. Il m’était paru intéressant d’interroger ce texte pour voir comment l’auteur soutient et explique l’idée selon laquelle ladite réconciliation est née grâce à la violence subie par le Christ, car une question de fonds ici peut être celle-ci: est-ce que la violence peut engendrer la paix et dans quelle mesure ?

         En approchant le texte, j’ai plutôt pris conscience d’un autre aspect – peut-être le plus profond –, à savoir que l’anéantissement de l’hostilité entre les juifs et les païens a été en vérité l’anéantissement de la loi que Dieu lui-même avait établie, la loi mosaïque. Voilà pourquoi seul le Christ a pu le faire en mourrant sur la croix. C’est ce que je vais tâcher d’exposer ici dans les quatre points suivants : d’abord la composition littéraire de l’ensemble, ensuite l’analyse des vv. 11-13, puis celle des vv. 14-18, enfin celle des vv. 19-22. Une synthèse ramassant les idées que je trouve principales d’Ep 2,11-22 conclura l’analyse de l’ensemble, indiquant en même temps comment les résultats de l’analyse peuvent être intéressants pour l’Eglise qui est en Afrique.

 1. De la composition littéraire d’Ep 2,11-22

       Une discussion minutieuse sur le contexte littéraire le plus large de cette péricope va au-delà des limites de cette étude. J’admets seulement que la lettre aux Ephésiens comprend deux grandes parties, exclusion faite de l’adresse et de la conclusion épistolaires (1,1-2 et 6,21-24) : la première est dogmatique (1,3-3,21) et la deuxième parénétique (4,1-6,20).[3] Dans la partie dogmatique, l’auteur révèle le mystère du plan de Dieu et ses composantes, alors que dans la partie exhortative, il invite ses destinataires à vivre le mystère en question. La partie dogmatique peut être sectionnée en trois unités : 1,3-2,10 ; 2,11-22 et 3,1-21. Ep 2,11-22 en constitue donc la deuxième macro-unité. Elle est généralement divisée à son tour en trois petites unités littéraires : 1) vv. 11-13, 2) 14-18, 3) 19-22.[4] Ces trois ensembles peuvent être disposés dans une structure chiastique de type ABA’ très importante pour la compréhension de l’exposition progressive de la pensée de l’auteur. Dans un chiasme concentrique de ce genre, l’unité A’ expose les idées en rapport de synonymie, d’antithèse ou de synthèse avec celles de l’unité A en tenant compte de ce qui est affirmé en B.

         La première petite unité (: vv. 11-13) se distingue clairement grâce d’un côté à l’emploi des adverbes temporels signifiant « autrefois » (pote., tw/| kairw/| evkei,nw|), à l’emploi du pronom personnel « vous » et à la description de ce qu’était en ce temps-là la situation religieuse de ces « vous », c’est-à-dire les païens (vv. 11-12). L’autrefois désigne l’époque où ils ne croyaient pas au Christ. En opposition à cette situation, il y a de l’autre côté une affirmation concernant leur situation actuelle (nuni,), celle d’après leur foi au Christ (v. 13).

         Comme l’indiquent les particules a;ra ou=n qui introduisent la troisième petite unité (A’ : vv. 19-22), celle-ci est une conclusion où Paul récapitule ce qu’il a dit avant. Rien d’étonnant que des mots rencontrés dans les unités précédentes se retrouvent repris ici. On y retrouve d’abord l’utilisation de la deuxième personne du pluriel, ensuite l’idée de l’opposition mise en lumière dans les vv. 11-13 entre la situation des païens avant leur intégration dans le Christ et celle d’après. Mais il ne s’agit pas, exception faite du terme xe,noi, d’une reprise littérale des expressions. Il y a de nouveaux termes qui expriment les mêmes idées.[5] Mais ce qui est plus remarquable dans la reprise des idées des vv. 11-13 en 19-22, c’est l’enrichissement du contenu du changement de la situation.[6] Bien plus, il faut noter le renversement de l’importance accordée à la description de l’une et l’autre situation des chrétiens d’origine païenne avant et après leur être-dans-le-Christ. Alors que dans les vv. 11-13, la description de leur être-sans-le-Christ est plus longue (Aa) que celle de leur être-dans-le-Christ (Ab) ; dans les vv. 19-22, la description de leur être-dans-le-Christ est plus longue (A’a1) que celle d’avant (A’b1 : d’ailleurs exprimée seulement grâce à la négation ouvke,ti).[7]

         Entre les deux unités, la partie centrale (: vv. 14-18) se distingue par le fait que le sujet principal est le pronom personnel auvto,j, contrairement à A et A’ où le sujet principal est u`mei/j. C’est aussi seulement dans cette partie que l’on trouve le terme eivrh,nh, employé trois fois (vv. 14.15.17). Ces versets constituent une unité tellement bien compacte en elle-même, qu’on peut les sauter et lire sans achoppement le v. 19 directement après le v. 13. Comme le pronom auvto,j renvoie à tou/ Cristou/ de la phrase evn tw/| ai[mati tou/ Cristou/ du v. 13, c’est donc le Christ qui est le sujet de toutes les propositions de cette section. Grâce au verbe evstin, il est en effet suivi de plusieurs attributs : un substantif (h` eivrh,nh) et des participes dont quatre sont à l’aoriste (o` poih,saj, lu,saj, avpoktei,naj, evlqw,n) et un au présent (poiw/n). Il faut également signaler l’emploi par trois fois du pronom de quantité avmfo,teroi (vv. 14.16.18) et une fois du nombre cardinal du,o (v. 15) qui sont chaque fois suivis par l’emploi du nombre cardinal ei-j (vv. 14.15.16.18).

 

         En fait, sans vouloir ramener l’unité dans un schéma littéraire préconçu, Ep 2,11-22 a l’allure d’une petite argumentation rhétorique dont le v. 13 constituerait l’affirmation principale que l’auteur a d’abord préparée par une très brève diégèse et qu’il soutient immédiatement dans les versets qui suivent. Il importe de relever en effet que la particule ga,r du v. 14 est, outre le pronom personnel auvto,j, la conjonction qui lie étroitement cette petite unité à celle qui précède. Or il est clair que cette conjonction introduit ici l’explication de la phrase evn tw/| ai[mati tou/ Cristou/. Ce qui est dit dans les vv. 14-18 est donc là pour clarifier comment les païens qui vivaient en état de séparation religieuse et de mépris culturel mutuel avec Israël sont maintenant proches grâce au sang du Christ.[8]

         Il fallait s’attarder un peu plus à ces éléments formels, car après tout le fonds est très dépendant de la forme. La manière dont un auteur expose sa pensée est toujours révélatrice de sa propre position sur le sujet débattu. C’est grâce à la forme que l’on connaîtra par exemple les éléments auxquels il attache plus d’importance, ceux qu’ils considèrent comme principaux et ceux qu’il juge comme secondaires. Passons à présent à la recherche du contenu. Je vais tâcher de répondre à trois questions correspondant chacune aux trois micro-unités signalées. 1) Quelle est la dimension principale qui intéresse l’auteur dans le résumé qu’il fait de l’histoire des relations entre les juifs et les païens avant l’avènement du Christ ? 2) En quels termes peut-on formuler ce que l’auteur soutient à propos de l’œuvre que le Christ a accomplie entre les deux ? 3) Comment comprendre les expressions dans lesquelles l’auteur a défini les fruits de l’activité réconciliatrice du Christ ?

 2. De l’exclusion mutuelle entre juifs et païens en dehors du Christ ou du choix de Dieu en faveur d’Israël

 A quel niveau se situe l’auteur quand il brosse en quelques mots (vv. 11-13) l’histoire et le type de relations qui ont caractérisé les païens et les juifs avant l’avènement du Christ ? A la première lecture les termes utilisés dans ces versets expriment à la fois d’une part (vv. 11-12) l’idée d’exclusion réciproque et volontaire entre les juifs et les païens avant leur foi au Christ et, d’autre part (v. 13), la proximité engendrée entre eux par cette foi. En fait, une analyse plus attentive des expressions employées indique que l’auteur se situe non pas au niveau purement politique, mais au niveau religieux, et précisément à celui de la relation entre les païens et le vrai Dieu. Au-delà des difficultés syntaxiques que l’on retrouve en ces versets, je m’arrête seulement aux assertions du v. 12b-c, celles du v. 12d-e et celles du v. 13.[9]

         En 12b-c, l’auteur affirme que les païens étaient  avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj.[10] Comment comprendre le verbe avpallotrio,w dans ce contexte ? Généralement on pense à l’action d’exclusion subie par les païens de la part des juifs. Mais je crois que tel qu’il est conjugué le verbe peut aussi indiquer que ce sont les païens qui s’étaient exclus d’eux-mêmes de la politei,a tou/ VIsrah,l. Dans le NT en effet, ce verbe est employé seulement trois fois et à la forme du participe parfait (Ep 2,12 ; 4,18 et Col 1,21). En tant que participe parfait, avphllotriwme,noj peut être aussi bien de la voix passive que de la voix moyenne. S’il est à la voix passive dans notre texte, il indique que les païens ont subi l’action de l’exclusion accomplie par ceux qui jouissaient de la qualité et des droits des citoyens d’Israël. Mais s’il est à la voix moyenne, ce sont les païens eux-mêmes qui se sont exclus de la citoyenneté d’Israël. Ce dernier sens peut effectivement être déduit du contexte des autres cas où le verbe est employé dans le NT et même dans la LXX (cf. Ez 14,5 ; Ps 68,9). Il peut aussi être retenu si le participe présent legome,nhj du syntagme th/j legome,nhj peritomh/j au v. 11 est, comme l’interprètent un grand nombre de commentateurs, à la voix moyenne.[11] Autant les juifs se disaient et se vantaient d’être circoncis et faisaient de la circoncision le critère d’admission pour être membre de l’entité nationale Israël, autant les païens résistaient de faire partie d’une telle entité civile, en n’acceptant pas la circoncision. L’emploi du terme politei,a est d’ailleurs ici significative.

         Car le terme politei,a, si l’on recourt aux autres termes de la même famille (notamment polith/j) que l’on trouve dans certains textes de l’époque hellénistique, renvoie d’abord à la qualité d’être un membre de la cité, un polith/j.[12] Il renvoie par extension à une réalité sociopolitique qui se distingue par ses propres lois, lesquelles définissent les conditions de vie et d’appartenance, et donc, les manières ou conventions de vivre en son sein.[13] Parmi celles-ci on dénombre aussi les lois religieuses.[14] Le terme désigne donc en général une réalité à la fois fermée et ouverte par rapport aux étrangers (xe,noi). Fermée, les étrangers n’y font pas automatiquement partie, même s’ils peuvent y vivre. Ils n’y bénéficient pas de tous les droits et n’ont pas tous les devoirs des citoyens, alors que ceux-ci en jouissent même quand ils sont à l’étranger.[15] Ouverte, les étrangers peuvent, moyennant certaines conditions, notamment les lois relatives à la naturalisation, en devenir membres à part entière. Quelqu’un peut même bénéficier de deux nationalités.[16] Celui qui refuse pareilles conditions reste « étranger » et peut bénéficier seulement du statut d’immigré (pa,roikoj) ayant un permis de séjour à courte ou longue durée (cf. v. 19 ; Ac 7,6 ; 1 P 2,11).

         Or l’utilisation du terme politei,a n’introduit pas ici seulement l’idée de la distinction entre Israël et les autres nations, mais met en évidence la particularité d’Israël. Qu’est-ce qui fait l’identité d’une organisation sociopolitique, si ce n’est sa constitution et l’ensemble de lois, de dispositions législatives conformes à cette constitution ? Or l’AT et la littérature intertestamentaire témoignent de la conviction des juifs qu’Israël était la propriété privée de Dieu (cf. Ex 19,5-6 ; Dt 7,6 ; 13,19-14,2 ; 26,18-27,1 ; Lv 20,24e-f.26). Ses membres étaient persuadés d’appartenir à une organisation sociale dont l’origine était le choix que le vrai Dieu avait opéré à leur égard. Après tout, c’était lui qui avait donné la loi grâce à laquelle l’alliance a été scellée entre lui et le peuple d’Israël. De la sorte, le problème du rapport avec les païens à ce niveau était en vérité un problème du rapport de ces nations avec le Dieu d’Israël.

         L’emploi du participe parfait avphllotriwme,noj a en fait l’avantage d’exprimer cette ambivalence de la réalité des païens par rapport à cette constitution particulière d’Israël : soit qu’ils étaient exclus, soit qu’ils s’étaient exclus eux-mêmes. Il reste que cette exclusion mutuelle était basée sur la nature même de la politei,a d’Israël et était égale (kai,) pour les païens au fait de rester étrangers aux dispositions historiques mises en jeu par le Dieu d’Israël afin de réaliser son engagement en faveur de son peuple (tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj).[17]

         Que ce soit la relation des païens vis-à-vis de Dieu qui est principalement ici en ligne de mire de l’auteur, cela devient évident quand on lit les assertions du v. 12d-e (evlpi,da mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|). Ces dernières sont énoncées à partir du point de vue des juifs vis-à-vis des païens, car personne ne pouvait, exception faite des juifs, soutenir que tous les païens étaient sans espérance ou étaient athées tout simplement parce qu’ils étaient païens. Il est clair que l’auteur ne voulait pas affirmer que les païens n’avaient aucune croyance en une divinité ou qu’ils n’avaient aucune foi en l’existence de la vie après la mort. Ecrivant à une communauté située dans une ville reconnue pour la présence en elle d’une multitude de cultes et de divinités traditionnelles, dont le culte de la déesse Artemis, il était sans doute au courant du fait que les païens croyaient en l’existence des dieux ainsi qu’à l’immortalité de l’âme.[18]

         L’affirmation traduit donc seulement ce qu’était la conviction des juifs vis-à-vis des dieux des païens. Pour eux, en effet, les dieux des païens n’étaient rien. A ce sujet aussi, plus d’un texte de l’AT exprime cette position des juifs vis-à-vis de la prétendue foi des païens.[19] Le principe en fait est que quand on croit à un rien, qu’on prétend être dieu, ce n’est pas à Dieu qu’on croit. De la sorte, ne croyant pas au vrai Dieu, les païens étaient pour les juifs, en réalité, des incroyants. Ailleurs dans le NT, on trouve aussi des affirmations du même genre. C’est le cas de 1 Th 4,5, où Paul invite ses lecteurs à ne point agir comme « font les païens qui ne connaissent pas Dieu (ta. e;qnh ta. mh. eivdo,ta to.n qeo,n) » et de 1 Th 4,13, où il souhaite qu’ils ne soient pas « comme les autres qui n’ont pas d'espérance (mh. e;contej evlpi,da) ».[20] C’est sans doute cette idée que l’auteur d’Ep a rendue en ces versets pour qualifier les païens, quand les juifs les appelaient « incirconcis », à savoir l’idée du néant des dieux dans lesquels croyaient les païens, c’est-à-dire l’idée de l’idolâtrie. On le voit, même dans ce cas, on ne peut pas exclure que l’auteur sous-entende aussi la responsabilité de la majorité des païens dans le refus à croire au Dieu d’Israël. A l’époque intertestamentaire, l’existence des craignant-Dieu et des prosélytes peut effectivement opiner que la plupart de ceux qui ne l’étaient pas avaient volontairement refusé de croire au Dieu d’Israël et de faire partie de cette entité religioso-politique, de cette nation (e;qnoj) dont la politei,a était considérée par ses citoyens comme provenant de l’unique vrai Dieu.

         Ceci dit, au point de vue grammatical, les assertions du v. 12d-e (evlpi,da mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|) deviennent subordonnées à celle du v. 12b-c (avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj). L’absence de la conjonction kai, entre les deux autorise une telle interprétation.[21] Une subordonnée de cause conviendrait parfaitement. Les païens ne pouvaient pas faire partie de la nation juive, parce que les juifs les considéraient comme des gens sans foi et sans espérance. Donc, c’était pour des raisons religieuses. Sans aucun doute, c’est le choix de Dieu en faveur d’Israël (et donc son plan) qui était en jeu.

         L’utilisation des adverbes makra,n et evgguj au v. 13 aide également à confirmer l’hypothèse avancée ici. L’adverbe makra,n, qui complète la proposition relative oi[ pote o;ntej, explicite effectivement l’idée d’éloignement dont il est question dans les vv. 11-12. Mais il est difficile de croire que l’auteur pensait à un éloignement principalement spatial, étant donné que pareille séparation n’a pas tellement eu lieu dans l’histoire d’Israël. Du point de vue historique, en effet, - je rappelle que les vv. 11-13b paraissent être une brève narratio en vue de la petite propositio du v. 13c -, Israël a en fait toujours vécu avec ou au milieu d’autres peuples. Par contre, on pourrait donner à cet adverbe le sens qu’il a dans certains textes des prophètes. L’expression oi[ pote o;ntej makra,n peut effectivement avoir été, comme l’a montré T. Moritz, empruntée à Is 57,19 que l’on va retrouver au v. 17b.[22] Dans ce texte isaïen, elle renvoie principalement aux Israélites qui étaient loin de YHWH (notamment en exil) pour avoir péché contre la Loi de YHWH, mais que YHWH dans sa pitié n’avait pas abandonnés. Dans le nouveau contexte qu’est Ep 2,13, l’expression serait en vacance si on la réduisait à ce sens isaïen. Car, en Ep, il n’est pas en rapport avec Israël mais avec les païens. Dans la pensée de l’auteur d’Ep, l’expression oi[ pote o;ntej makra,n constitue le résumé de tout ce qu’il vient d’écrire sur la situation religieuse des païens dans les vv. 11-12, c’est-à-dire ce qu’était leur situation religieuse avant leur être-en-Christ. Avant leur foi au Christ, ils étaient loin de YHWH, comme des membres d’Israël l’étaient quand ils péchaient (cf. Ep 2,3). C’est la même pensée que l’on trouve dans la réponse que Pierre donna en Ac 2,39 à propos de la promesse relative à la réception de l’Esprit Saint, et où la phrase pa/sin toi/j eivj makra,n renvoie aux païens qui pourraient invoquer le nom du Dieu d’Israël (o[souj a'n proskale,shtai ku,rioj o` qeo.j h`mw/n).

         Voilà pourquoi, grâce à l’adverbe evggu,j qui complète la proposition principale du v. 13 (nuni. de. evn Cristw/| VIhsou/ u`mei/j evgenh,qhte), la proximité acquise une fois pour toutes par les païens dans le Christ est explicitement proclamée par l’auteur. Mais il est étonnant que l’auteur ne précise pas son affirmation pour dire qu’ils sont devenus proches de ceux qui se disent circoncis, proches de la politei,a tou/ VIsrah,l. Pour quelles raisons ? Je retiens que c’est parce que l’adverbe evggu,j indique le contraire de la situation résumée par son opposé makra,n, à savoir d’abord la proximité par rapport au vrai Dieu, laquelle est ipso facto partage avec Israël de la même, mais nouvelle, citoyenneté dans le Christ (cf. Ep 3,6 : ei=nai ta. e;qnh sugklhrono,ma kai. su,sswma kai. summe,toca th/j evpaggeli,aj evn Cristw/| VIhsou/ dia. tou/ euvaggeli,ou).[23]

         En conclusion, il ressort de l’analyse des expressions employées dans les vv. 11-13 que l’opposition entre les deux parties (Israël et les païens) était due à une exclusion des uns (les païens) par les autres (Israël) et sur le refus des uns (les païens) de la foi des autres (Israël), exclusion elle-même basée sur des raisons principalement religieuses. La distance religieuse entre les deux (evlpi,da mh. e;contej kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw|) a abouti dans l’exclusion mutuelle et, donc dans une séparation de type sociale (avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l kai. xe,noi tw/n diaqhkw/n th/j evpaggeli,aj), marquée sans doute de quelque dédain et de quelque raillerie mutuelle (oi` lego,menoi avkrobusti,a u`po. th/j legome,nhj peritomh/j evn sarki. ceiropoih,tou). L’utilisation par deux fois de l’expression evn sarki, au v. 11 indique que pour l’auteur les railleries étaient basées sur des évaluations liées à la chair, c’est-à-dire à un signe distinctif marqué ou non dans la chair et donc pratiquement culturel. Mais tout ceci avait origine dans des convictions religieuses. Cet état des choses, soutient heureusement l’auteur, a été dépassé grâce à la mort du Christ. Voyons comment il le montre dans les vv. 14-18.

 3.  De l’œuvre de pacification du Christ ou de l’annulation de la loi de Moïse

 Il s’agit à présent de répondre à la deuxième question : en quels termes peut-on expliquer l’œuvre que le Christ a accomplie entre juifs et païens ? Autrement dit, qu’est-ce qui est réellement soutenu dans les vv. 14-18 ? Il fauter noter d’abord que ces versets constituent une micro-unité dont il est très laborieux de dégager une structure littéraire certaine. On remarque au moins très vite qu’on peut lire le v. 18 directement à la suite du v. 14a sans qu’il y ait un moindre doute sur la cohérence.[24] Or le v. 18 est uni au v. 17 par l’emploi d’un o[ti causal. Les vv. 14b-16 sont ainsi circonscrits à part, apparemment marqués par une succession d’idées non commodément agencées.[25] Mais un peu d’attention révèle qu’en réalité ces versets sont composés ainsi : d’abord trois propositions participiales (vv. 14b-15a), puis deux propositions finales parallèles suivies chacune par une proposition finale (vv. 15b-16b). En plus, les différentes actions accomplies par le Christ sont classables en deux catégories : d’une part des actions positives, celles de création (poih,saj e]n, kti,sh| eivj e[na kaino.n a;nqrwpon, poiw/n eivrh,nhn et avpokatalla,xh| tw/| qew/|), et de l’autre des actions négatives, celles de destruction (lu,saj, katargh,saj et avpoktei,naj). Enfin, toutes ces actions ont lieu dans la personne même du Christ, dans sa chair (evn th/| sarki. auvtou/, evn auvtw/|). Le problème se situe donc ici au niveau de la hiérarchie à établir entre les différentes propositions participiales.[26]

         Ceci dit, notons à présent qu’au v. 14a le substantif eivrh,nh est un attribut du sujet qu’est le Christ. L’auteur ne dit pas que Jésus Christ est artisan de paix (cf. eivrhnopoih,saj en Col 1,20), mais qu’il est la paix. Il s’agit d’une métonymie qui considère l’effet produit pour la cause qui l’a produite. Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Cette affirmation qui introduit la clarification du v. 13d mérite elle-même d’être mieux étoffée. C’est ce que l’auteur fait dans les propositions participiales. Précédées par l’article o`, la première et la deuxième participiales sont de fait des propositions relatives qui exposent les raisons de la déclaration du v. 14a. Le v. 14b et le v. 14c étant unis par la conjonction kai,, il faut considérer les raisons avancées comme complémentaires. Le Christ est paix  parce que d’une part il est celui qui a unifié les deux parties en une seule entité, et de l’autre, parce qu’il a détruit le mur de la division. Par contre l’absence de cette conjonction entre le v. 14c et le v. 15a, devrait être considérée comme un indice de subordination de 15a par rapport au v. 14b-c.[27] La troisième participiale est donc une proposition subordonnée qui indique comment les affirmations de 14b-c ont été accomplies ; c’est en annulant la loi (to.n no,mon tw/n evntolw/n evn do,gmasin katargh,saj) que le Christ a unifiée toutes les deux entités et a détruit le mur de division.

       Ainsi alors que la première participiale explicative présente une action positive dont l’aboutissement est l’unité de deux entités distinctes auparavant, la deuxième complète de manière négative en parlant de ce qui a été détruit. J.-N. Aletti explicite mieux l’idée en disant : « la paix consiste aussi et surtout à détruire les instruments de guerre ou de division ; car une paix où les deux camps restent armés, où les facteurs de division demeurent intacts, est une paix menacée. »[28] Posées ainsi en un parallélisme synthétique, chacune des propositions participiales du v. 14b-c devient plus claire grâce à l’autre. Dès lors, le neutre (ta. avmfo,tera) du v. 14b peut à mon avis se comprendre comme renvoyant de manière abstraite aux deux parties qui sont supposées exister quand on admet la présence d’un mur de division.[29] Le problème est sûrement d’identifier le mur en question. S’agit-il de celui qui, dans l’enceinte du Temple, interdisait aux ressortissants d’autres nations ou tribus de s’approcher du Sanctuaire, sous peine de mort ?[30] Ou s’agit-il d’un sens figuré renvoyant notamment à la loi de Moïse ?[31]

         Comme le montre Aletti, l’une et l’autre interprétation sont justifiables au sein de la péricope à l’étude.[32] Mais le sens du mur de la loi est selon moi le plus émergeant du contexte a quo et ad quem le plus immédiat. L’auteur affirme que le Christ a détruit la loi de Moïse afin que juifs et païens deviennent une seule entité devant Dieu. L’objection selon laquelle le Christ n’a jamais rendu ineffective la loi qui était considérée comme sainte ne tient pas dans ce contexte littéraire.[33] Ceux qui objectent en ce sens veulent que les affirmations d’Ep ne soient pas en contradiction avec notamment les lettres dites authentiques de Paul. Pourtant il faut privilégier la cohérence interne au texte d’Ep. Des conclusions tirées plus haut sur les vv. 11-13, il n’y a que la loi que Dieu avait donnée à Moïse, qui était la charte fondamentale de la politei,a tou/ VIsrah,l. Elle fut donnée par Dieu pour rapprocher seulement Israël de lui, d’en faire sa seule part en le séparant des (autres) e;qnh.[34] D’ailleurs même la balustrade érigée dans l’enceinte du Temple était considérée comme une disposition législative mettant en exécution quelques décrets de la loi de Dieu, notamment ceux contre l’impureté.

         Comme il n’y a donc que cette loi qui était la cause de séparation, il n’y a qu’elle aussi qui devait être anéantie pour que l’inimitié entre juifs et païens fût aussi mise à mort et leur unité/égalité devant Dieu rétablie. Le v. 15a est ainsi rendu clair : la loi des commandements avec ses décrets est une expression qui désigne la loi de Moïse qui a été comprise par les juifs comme la constitution de leur citoyenneté. C’est elle qui a engendré l’inimitié entre juifs et païens. Qui autre – et c’est ça que souligne Ep 2,14-18 – aurait pu annuler pareille constitution, établie par Dieu lui-même, si ce n’est quelqu’un qui jouissait d’une relation particulière avec Dieu et qui, depuis le plan éternel de Dieu, devait jouer, à la place de la loi, le rôle de médiateur incontournable entre lui et toute l’humanité ? Or déjà en 1,3-14, l’auteur a bien mis en lumière pareille relation entre le Christ et Dieu d’une part et entre le Christ et l’humanité entière de l’autre.[35] Donc seul le Christ pouvait remettre les choses en place et, selon l’auteur d’Ep, c’est ce qu’il a accompli, comme cela est encore souligné en 3,3-12. Nous sommes au cœur même du mystère que l’auteur est en train de révéler en cette partie dogmatique. Le Christ a rétabli la relation que Dieu voulait entre lui et tous les peuples (païens et juifs à la fois) en posant des actes de destruction très importants.

            Les verbes lu,w, katarge,w et avpoktei,nw appartiennent au même champ sémique, à savoir celui de l’anéantissement, l’annulation, la disparition. Leurs compléments d’objet direct (le mur de séparation, la loi et l’inimitié) devraient aussi relever du même champ lexical et pourraient être pris l’un pour l’autre dans ce texte.[36] Mais le verbe avpoktei,nw et son complément e;cqra sont les plus forts. Sur eux repose aussi le poids du sens dans cette micro-unité. Je m’y arrête un instant. Dans le NT, le verbe avpoktei,nw est employé 74 fois. Exception faite de quelques cas, il a pour objet toujours une personne physique qui, considérée comme ennemie, comme dangereuse pour les intérêts de quelqu’un, est éliminée de la scène publique par ce dernier.[37] Or dans le présent cas, son complément n’est pas une personne physique. Le terme e;cqra qui le complète n’est utilisé que 6 fois dans le NT.[38] Quel est son sens ? Conformément à Lc 23,12 et Jc 4,4, la e;cqra désigne l’hostilité, contraire de l’amitié. Elle peut exister entre deux personnes qui peuvent devenir des amis quand elle est supprimée, grâce à l’établissement, au moyen d’une reconnaissance mutuelle, de relations d’amitiés qui n’existaient pas auparavant. Le verbe avpoktei,nw est ainsi utilisé dans le présent texte pour mettre en évidence le fait que l’inimitié entre les deux groupes religieux a été anéantie complètement, pour toujours, comme dans le cas d’une mort physique[39] Comment a-t-elle été alors supprimée ? L’auteur emploie deux expressions evn th/| sarki. auvtou/ (v. 14) et evn auvtw/|  (v. 16). Comment faut-il les comprendre ?

         Il faut d’abord noter que quand dans ses autres occurrences le verbe avpoktei,nw est suivi de la préposition evn, celle-ci introduit l’instrument, le moyen grâce auquel l’acte d’élimination est accompli (l’épée, la famine, le séisme). Ces deux expressions devraient donc être traitées comme indiquant l’instrument par lequel le Christ a supprimé l’inimitié entre juifs et païens. Il faut ensuite relever que le parallélisme évident, qui existe entre ces deux expressions, fait qu’on peut interpréter l’une par l’autre. Or dans l’expression evn th/| sarki. auvtou/, le terme sa,rx est utilisé dans le sens du corps physique d’une personne, en tant qu’il est marqué par la fragilité, sujet aux souffrances et soumis à la mortalité. Les expressions renvoient donc à la personne du Christ et à la mort qu’il a subie sur la croix. De la sorte, elles constituent l’explicitation du v. 13d (evn tw/| ai[mati tou/ Cristou/). C’est la mort du Christ qui constitue le moyen par lequel l’hostilité entre les deux nations a été éliminée. Autrement dit, la violence qu’il a subie constitue l’arme par laquelle le Christ a complètement anéanti l’inimitié. Il n’a pas fait violence aux autres pour imposer la paix à la manière de la pax romana de l’époque ou americana d’aujourd’hui. Il s’est sacrifié lui-même en mourant pour la cause de la paix.

         Or dans le NT, la mort du Christ est considérée comme l’acte d’obéissance du fils envers son Père, acte grâce auquel le Dieu de la paix s’est réconcilié avec l’humanité (cf. Rom 3,25 ; 1 Co 11,25 ; He 10,19 ; 13,20 ; Ap 1,5). Et quand on souligne l’obéissance du Christ au Père, on met ipso facto en évidence la volonté du Père lui-même. C’est donc Dieu le Père lui-même qui avait voulu éliminer par l’intermédiaire du Fils la loi d’alliance que lui-même avait établie, vu qu’elle était en fin de comptes une loi de discrimination. On revient à nouveau à ce que l’auteur a exposé en 1,3-14.[40] De même le fait que Dieu n’a pas épargné son fils (cf. Rm 8,32 ; 5,10) est également automatiquement souligné, quand on parle du sacrifice de Jésus. Mais comme le sujet principal de cette micro-unité est le Christ, ce ne sont pas les actions de Dieu le Père qui sont mises en évidence. Enfin, on ne peut parler de la mort du Christ sans sous-entendre en même temps sa résurrection, justement comme ‘exaltation’ par Dieu pour l’obéissance du fils à sa volonté (cf. Ph 2,6-11).

         Sans aucun doute, l’auteur affirme en Ep 2,14b-16 que c’est par le sacrifice de sa propre personne – c’est-à-dire par son obéissance et sa fidélité au Père – que le Christ a établi les relations d’amitié entre ceux qui ne s’appréciaient pas mutuellement à cause du choix même de Dieu. L’œuvre de pacification opérée par le Christ a été l’exécution de la volonté divine d’enlever la séparation que Dieu lui-même avait voulue entre Israël et les autres nations. Le Christ l’a fait en créant une nouvelle race humaine, celle de ceux qui vivent en lui (ou par lui) une seule et identique relation avec Dieu.[41] C’est la raison pour laquelle il peut être proclamé comme la paix même des chrétiens (v. 14). Tel est le sens de la métonymie du v. 14 basée sans doute sur le principe de agere sequitur esse. Il n’y a qu’un homme de paix qui peut produire la paix.

         On comprend pourquoi l’auteur ajoute une affirmation (v. 17) qui indique que le Christ s’est montré durant sa vie comme un homme de paix (kai. evlqw.n euvhggeli,sato eivrh,nhn u`mi/n toi/j makra.n kai. eivrh,nhn toi/j evggu,j). Le v. 17 est donc un argument de plus (cf. kai,) pour expliquer le v. 14a. Le participe aoriste evlqw,n devrait être compris comme indiquant la circonstance de la présence du Christ en ce monde, qui a été le moment de son activité d’annoncer la paix aux parties. Dans l’esprit de l’argumentation, il n’importe pas de savoir le moment précis (avant ou après sa mort) où le Christ a prêché la paix. L’auteur veut seulement insister sur l’importance de l’incarnation du Christ. Son fait seulement d’être venu a constitué l’annonce même de l’évangile de la paix. Son action correspond à sa personne. Aussi a-t-il été effectivement la paix entre les deux parties, parce que son être était celui d’un homme de paix. Où qu’il soit et quand que ce soit, l’activité d’un homme de paix est d’annoncer la paix à tous. C’est l’activité qui est principale, pendant que sa venue, son être-là, est une circonstance indispensable.[42] L’intermédiarité du Christ a été indispensable. Par son être-là en ce monde (evlqw,n) donc, il a justement annoncé la paix (euvhggeli,sato eivrh,nhn) aux païens et aux juifs, c’est-à-dire à ceux qui étaient encore loin et à ceux qui étaient déjà proches de Dieu.[43]

         Dès lors, le v. 18 n’est là que pour confirmer (o[ti) ce qui vient d’être dit. La preuve du rapprochement accompli par le Christ entre les peuples, c’est le fait que les uns (les païens auxquels il s’adresse) et les autres (les juifs) ont tous accès au Père. Par rapport au v. 13, le v. 18 apporte ainsi des précisions à deux niveaux : d’abord en affirmant que tous deux (et ceux qui étaient loin et ceux qui étaient proches) ont accompli un pas décisif, à savoir entrer ensemble (avmfo,teroi) là où ils n’accédaient pas facilement ensemble ; ensuite en indiquant la personne par rapport à laquelle la distance a été estimée : c’est par rapport au Père. L’emploi du terme Père (pro.j to.n pate,ra) au lieu de Dieu est une précision à ne point sous-estimer ici. Ceux qui ont été créés en une seule entité sont désormais fils d’un même Père auprès duquel ils accèdent dans un seul esprit. Le terme prosagwgh,, qui revient trois fois dans le NT (Rm 5,2 ; Ep 2,18 et 3,12) signale encore une fois qu’il s’agit d’un accès qui était interdit à certains, tellement le Dieu Père occupait un poste qui était trop éloigné pour eux.[44] Grâce au Christ (diV auvtou/), ils sont effectivement devenus et sont à présent proches du Père en même temps que ceux qui étaient déjà proches de lui. La réconciliation entre les deux peuples est donc corollaire de la réconciliation avec Dieu (cf. v. 16).

         L’emploi de oi` avmfo,teroi et du syntagme evn e`ni. pneu,mati rappelle en même temps ici que l’unification, opérée entre les deux par le Christ grâce à la suppression de la loi, ne signifie pas la disparition des différences ethniques. La réunification accomplie grâce au sang du Christ ne veut pas dire uniformisation en tout. Ce qui compte, c’est l’esprit qui doit être un. La nouvelle humanité de communion qui a été créée (eivj e[na kaino.n a;nqrwpon) n’est pas basée sur des préjugés charnels (cf. evn sarki du v. 11), mais sur l’unité dans l’esprit (evn e`ni. pneu,mati).

            Je résume la réponse à la question de départ à l’analyse des vv. 14-18. L’œuvre de paix accomplie par le Christ est à comprendre d’abord en termes de rapprochement des deux peuples auprès du vrai Dieu. Pour l’auteur, c’est cette proximité de tous les deux avec Dieu qui est la démonstration de la reconnaissance mutuelle entre ceux qui se dédaignaient auparavant et, donc, la preuve du fait que la paix a été établie entre eux. Comme ce qui était en jeu dans l’hostilité entre les deux, c’était le choix de Dieu, la finalité première de ce choix (cf. kata. th.n euvdoki,an tou/ qelh,matoj auvtou/ en 1,5) devait être accomplie. Seul le Christ, accomplissant la volonté du Père de depuis la création du monde (cf. 1,4-5), a été par sa mort à l’origine de la suppression de la distance religieuse existant entre les deux et a ainsi initié les relations d’amitiés et de fraternité entre eux, ouvrant la voie à une cohabitation pacifique au sein de la maison du Père. Grâce à lui les chrétiens d’origine païenne bénéficient maintenant, avec ceux d’origine juive, du libre accès au Père. Qui pourra encore les considérer comme étrangers ou exclus de là où Dieu habite ? La suite du discours dans les versets 19-22 découle de soi de cette conclusion.

 4. De la fraternité retrouvée entre juifs et païens dans le Christ ou de la famille de Dieu

 La question à laquelle je voudrais répondre brièvement ici est celle de savoir si la fraternité des juifs avec les païens dans le Christ veut dire que ces derniers ont trouvé droit de cité dans la politei,a des premiers dont ils étaient exclus avant l’œuvre réconciliatrice du Christ. Les chrétiens d’origine païenne ont-ils été incorporés à la communauté religieuse d’Israël qui a existé avant le Christ ou est-ce que la réconciliation a donné naissance à une nouvelle entité différente d’Israël ? Est-ce que la nouvelle famille de Dieu a remplacé Israël ou en a-t-elle été la continuation ?[45] Pour y répondre je me limite à l’analyse de deux syntagmes utilisés au v. 19c-d : sumpoli/tai tw/n a`gi,wn et oivkei/oi tou/ qeou, d’autant plus qu’ils sont les deux affirmations positives principales de cette micro-unité.

         Une chose est vraie : si, comme il a été dit, l’on lisait immédiatement le v. 19 à la suite du v. 13, on pourrait effectivement conclure que pour l’auteur les païens convertis au Christ sont devenus concitoyens des juifs dont ils étaient éloignés avant leur conversion au Christ. La proposition evste. sumpoli/tai serait ainsi synonyme de evgenh,qhte evggu.j du v. 13, qui comme on l’a signalé en son temps est antithétique à avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah,l.[46] Seulement, sumpoli/tai est déterminé par le génitif tw/n a`gi,wn qui apporte une précision très importante sur la nature de la communauté où les païens convertis au Christ sont devenus membres avec tous leurs droits et devoirs.

         En effet, vu l’usage de l’adjectif substantivé a`gi,oj dans tout le NT, la réponse à la question à peine posée est indubitable : les chrétiens d’origine païenne font plutôt partie d’une communauté où ils partagent les droits et devoirs avec tous les autres qui ont cru au Christ, mort et ressuscité, sans distinction d’origine. Il est vrai que dans l’AT l’adjectif a`gi,oj est employé pour définir le peuple (lao,j) d’Israël que Dieu avait choisi pour qu’il devînt sa propriété parmi toutes les nations de la terre.[47] Mais il convient ici de compter avec les 227 fois de son emploi dans le NT, car la lettre aux Ephésiens étant plus tardive qu’un grand nombre d’écrits de ce Testament, elle reflète le langage qui était déjà le langage ‘ordinaire’ de la catéchèse ecclésiale. Or, comme substantif, a`gi,oj est utilisé 68 fois dans le NT et désigne les chrétiens dans l’ensemble de ces occurrences, c’est-à-dire tous ceux qui ont la foi dans le Christ (cf. Ph 1,1 ; Col 1,2 ; 2 Th 1,10) ; tous ceux qui invoquent le nom de Dieu par le Christ (cf. Ac 9,32 ; Rm 8,27). Le mystère caché depuis des siècles leur a été révélé (cf. Col 1,26). Ils ont bénéficié d’un appel gratuit du ciel et ont été sanctifiés dans le Christ (cf. Rm 1,7 ; 1 Co 1,2 ; 2 Co 1,1 ; Col 3,12 ; He 3,1 ; 8,2). Ils ne sont pas épargnés de besoin d’assistance matérielle pour cela (cf. Rm 15,25-31 ; 1 Co 16,15 ; 2 Co 8,4 ; 9,1 ; 1 Tm 5,10 ; He 9,8) et leur lot est la persécution (cf. Ac 9,13 ; 26,10 ; Ap 5,8 ; 16,6 ; 17,6, etc.). Ils auront la récompense éternelle s’ils restent fermes dans leur foi (Ap 19,8 ; 20,9). Sur les 15 fois où il est utilisé dans la Lettre aux Ephésiens, l’adjectif substantivé a`gi,oj est employé en ce sens 10 fois parmi lesquelles 2,19 (cf. 1,1.4.15.18; 3,8.18 ; 4,12 ; 5,3 ; 6,18). Il désigne ceux qui sont croyants au Christ.[48] Si on se limite seulement aux adresses des lettres du corpus paulinien, il est clair que le terme est utilisé pour désigner les membres des communautés qui étaient composées des chrétiens provenant des deux groupes religieux (juif et païen).[49] La communauté qu’ils forment est donc une réalité dont l’origine se trouve dans la résurrection du Christ et dans l’effusion de l’Esprit de la fin des temps.

         Réalité ainsi eschatologique, la communauté chrétienne est donc tout à fait différente des deux autres communautés décrites dans les vv. 11-12. Il s’agit de celle qui a été créée de la fusion des deux en une seule grâce à l’abrogation de la loi et à l’anéantissement de l’inimitié dans la passion et la mort du Christ, telle qu’elle est décrite dans les vv. 14-18.[50]  On retrouve ici la distinction faite par Paul en 1 Co 10,32 de trois entités, quand il demandait aux Corinthiens de ne pas devenir une occasion de scandale aux juifs, aux grecs et à l’église de Dieu.[51]

         Quant à l’expression (evste.) oivkei/oi tou/ qeou/, elle est traduite dans la BJ par « (vous êtes) de la maison de Dieu » et dans la TOB par « (vous êtes) de la famille de Dieu ». La « famille de Dieu » est la très belle expression qui a été récemment consacrée par le Magistère officiel de l’Eglise pour définir la nature de l’Eglise en Afrique à l’aube du troisième millénaire.[52] Comment la comprendre en Ep 2,19, d’où elle avait dû sans doute être tirée par les Pères synodaux ? L’adjectif substantivé oivkei/oj a plusieurs sens en grec.[53] Le dénominateur commun à tous ces sens, c’est le fait qu’il renvoie à quelque chose qui est plus proche que d’autres du sujet auquel il se rapporte. Dans la LXX, il revient 19 fois. Dans la plupart des cas, il indique la personne la plus proche par le lien de sang.[54] C’est un vocabulaire très privilégié dans les lois d’héritage des biens et des relations sexuelles interdites. En Lv 21,1-3, il est même opposé à la famille la plus large (evn tw/| e;qnei) considérée comme trop éloignée du lien de consanguinité la plus proche (evn tw/| oivkei,w| tw/| e;ggista auvtw/n) qui, elle, comporte la mère, le père, le fils, la fille, le frère et la sœur non encore mariée (evpV avdelfh/| parqe,nw| th/| evggizou,sh| auvtw/| th/| mh. evkdedome,nh| avndri,). L’idée d’habiter sous le même toit y est sous-entendue. Dans le NT, oivkei/oj est employé seulement trois fois et au pluriel (Ga 6,10 ; 1 Tm 5,8 et Ep 2,19). Grâce à l’utilisation de l’adverbe ma,lista (superlatif de ma/la), oivkei/oi  indique en Ga 6,10 et 1 Tm 5,8 l’étroitesse de la proximité par rapport à ceux qui sont désignés par les pronoms pa,ntaj  et ivdi,wn.[55]

         Les vv. 19-22 montrent donc clairement que le résultat de la réconciliation opérée par la mort du Christ, c’est la vraie proximité des païens par rapport au vrai Dieu. Dans le Christ, ils sont devenus pratiquement la propriété de Dieu (tou/ qeou/) au même titre que les autres chrétiens d’origine juive. Outre qu’il peut déjà être, comme dit Aletti, une préparation de « la thématique de la construction, avec un glissement des habitants oivkei/oi à l’habitation oivkodomh, »[56], l’adjectif oivkei/oj ne peut pas ainsi manquer de rappeler ce qu’était le privilège d’Israël vis-à-vis de Dieu et qui faisait que les païens étaient oi[ pote makra.n. La destruction de ce privilège d’Israël dans la mort du Christ a fait que les païens auxquels l’auteur s’adresse sont désormais, avec les autres croyants au Christ de toutes origines – ceux d’origine juive comprise – (cf. sumpoli/tai tw/n a`gi,wn), de la famille de Dieu, c’est-à-dire, « en rapport direct et continu avec Dieu ».[57]

         Quelle est alors la réponse à propos des vv. 19-22 ? Les expressions « compatriotes des saints » et « membres de la famille de Dieu » mettent en évidence la nouvelle identité des chrétiens d’origine païenne, c’est-à-dire leur vraie proximité par rapport au vrai Dieu. Cette famille divine où tous les saints, c’est-à-dire ceux qui ont cru au Christ et lui restent fidèles jusqu’à leur mort, sont dans leur politei,a, est quelque chose d’original, parce que basée non pas sur la loi de discrimination ethnique, mais sur le sang de celui qui a été obéissant à Dieu jusqu’à la mort. Elle n’a donc pas remplacé le peuple d’Israël dont la loi fondamentale a été abrogée. Par contre, elle réalise enfin la finalité qui avait motivé le choix de Dieu, à savoir unir toute l’humanité en sa proximité. Il s’agit réellement d’une réalité eschatologique. On peut dire en ce sens que l’Eglise – puisque c’est d’elle qu’il s’agit – est devenue pratiquement la (nouvelle) propriété de Dieu au milieu de laquelle Dieu trouve son habitation et où celui qui tient tout compact, c’est justement le Christ. On comprend dès lors les précisions que l’auteur donne dans les vv. 20-22. Ces propositions participiales et relatives, où le génitif absolu (o;ntoj avkrogwniai,ou auvtou/ Cristou/ VIhsou/) émerge de manière remarquable, mettent à nouveau en évidence la place centrale du Christ dans la construction de cette nouvelle propriété de Dieu. Le rôle du Christ reste celui de réunifier les deux sous un même toit qui est le sanctuaire de Dieu (cf. nao.j a[gioj). Les passifs théologiques ramènent finalement les actions accomplies par le Christ au vrai agent qu’est Dieu.

 5. Conclusion et ouverture pour l’Eglise qui est en Afrique

 Ep 2,11-22 constitue un enseignement adressé aux chrétiens d’origine païenne et visant à les rendre conscients du fait qu’ils sont désormais proches du vrai Dieu et du fait qu’ils ont désormais la qualité et les droits de cité dans la nouvelle famille de croyants, contrairement à l’époque où ils étaient païens. Il ressort de l’analyse faite ici que l’enjeu de la discussion de l’auteur en Ep 2,11-22 concerne plus la paix établie entre les hommes de l’une et l’autre ethnie et le vrai Dieu, qu’entre les différentes ethnies elles-mêmes. La paix entre ces dernières est le résultat d’une bonne relation au vrai Dieu. Pour l’auteur d’Ep la mise hors d’usage de l’inimitié qui a existé entre les païens et les juifs est le résultat de la remise en question de la relation étroite particulière qui a marqué les relations de Dieu lui-même avec l’une des parties. C’est seulement quand cette relation privilégiée a été invalidée par la mort du Christ sur la croix qu’une seule nouvelle communauté d’hommes a été créée. C’est le Christ qui a été l’agent de cette destruction des hostilités. C’est lui qui, par son avènement, a annoncé la paix par son être Fils. C’est lui qui a conclu la paix en rendant la loi mosaïque ineffective grâce à sa mort sur la croix en obéissance au Père. De la sorte on peut affirmer qu’en lui toute personne humaine, quelle que soit sa croyance religieuse d’origine, a été fait une créature nouvelle capable de considérer l’unique vrai Dieu, jadis réservé à Israël, comme son Père.

         Autrement dit, la paix entre les hommes ne peut être authentique et réellement accomplie que quand elle trouve son origine dans une vraie religion qui unifie les peuples dans le respect des diversités culturelles. L’adoration de faux dieux (comme l’argent) ou la détermination à soumettre les autres à des us et coutumes propres, considérés comme les meilleurs, alors qu’ils sont aussi marqués par les limites charnelles, conduisent même aujourd’hui à des conflits et des guerres, des divisions et des exclusions mutuelles.

         Il y a sans doute quelque chose que les Eglises particulières qui sont en Afrique peuvent apprendre ici. Composées souvent de plusieurs ethnies qui sont des richesses, certains de leurs membres sont parfois animés par des préjugés d’un ethnicisme ou d’un régionalisme fondamentalistes qui n’engendrent – au sein même des églises – que des exclusions mutuelles et des conflits paralysants. Ce que l’on peut apprendre de la présente analyse, c’est le fait que les membres de l’Eglise devraient se souvenir du sang du Christ versé en obéissance à la volonté du Père, afin de réunir les nations en son corps. Plus loin, dans la partie parénétique, l’auteur exhorte les Ephésiens en ces termes : « appliquez-vous à conserver l'unité de l'Esprit par ce lien qu'est la paix » (4,3).

         En rapport avec le thème des présentes assises, s’il y a un lieu où l’on peut vivre l’utopie de la paix, réalisée et proclamée par le Christ, c’est avant tout au sein de la communauté eschatologique qu’est l’Eglise, parce qu’elle est née de la mort et de la résurrection du Christ. Au sein de cette Eglise, en Afrique aussi comme ailleurs, la suppression des conflits et des inimitiés, disons la réalisation de la paix au-delà de la diversité des origines ethniques n peut être que le fait de la prise de conscience de la nature de l’Eglise qui est différente aussi bien de la société politique que des entités ethniques dont chaque chrétien a été appelé. Pareille prise de conscience rend les membres de l’Eglise toujours conscients du fait qu’ils sont, à la suite du Christ, appelés à vivre l’unité des enfants de Dieu, à être des hommes de paix. C’est quand chacun ou chacune sera un homme ou une femme de paix au sein de l’Eglise qu’il ou qu’elle deviendra artisan de paix dans le monde. Mais cela n’est pas automatique. Il faut un engagement concret, une présence agissante qui unifie réellement et qui construit la paix grâce à la destruction de ce qui divise. Je laisse aux ecclésiologues et aux spécialistes africains de la théologie pratique la tâche d’indiquer les lieux d’application concrète de cet enseignement.

 

Jean-Bosco Matand Bulembat

Faculty of Theology

Catholic University of Eastern Africa

P.O. Box 62157 Nairobi – KENYA

jbmatand@yahoo.fr



[1] Pour la plupart des problèmes, nous renvoyons aux commentaires suivants : J-N. Aletti, Saint Paul. Epître aux Ephésiens (EBib, N.S. 42 ; Paris, 2001) 136-165; E. Best, A Critical and Exegetical Commentary on Ephesians (ICC; Edinburgh, 1998) 233-290; T.K. Abbott, A Critical and Exegetical Commentary on the Epistles to the Ephesians and to the Colossians (ICC; Edinburgh, 1991) 55-76; A.T. Lincoln, Ephesians (WBC 42; Dallas, TE, 1990) 124-134; M. Barth, Ephesians: Introduction, Translation, and Commentary on Chapters 1-3 (AB; Garden City, NY, 1974) 253-325; K.M. Fischer, Tendenz und Absicht des Epheserbriefs (FRLANT, 111; Göttingen, 1973) 131-132.

[2] Rien que pour les versets 14-18, cf. E. Best, Ephesians, 247-250.

[3] En fait les critères varient chez les uns et les autres pour justifier les précisions apportées à ces deux grandes parties. Cf. L. Swain, Ephesians (New Testament Message 13 ; Wilmington, DE, 1980) x-xi; M. Y. MacDonald, Colossians and Ephesians (Sacra Pagina Series 17; Collegeville, MN, 2000) 18. J.-N. Aletti, Ephésiens, 12-13, trouve qu’exclusion faite du cadre épistolaire (1,1-2 et 6,21-24), le corps de la lettre comprend, après la bénédiction inaugurale (1,3-14) une seule partie (1,15-6,20). Celle-ci se subdivise en deux grandes parties (A : 2,1-3,21 et B : 4,1-6,9), précédée d’une notification de prières (1,15-23) et suivie d’une épilogue (6,10-20). Par contre M. Barth, Ephesians, 55-56 propose trois parties: 1,15-2,22; 3,1-4,24; 4,25-6,20.

[4] Voir les schémas (grec et français) à la fin du document. Le premier à avoir tenté une étude de la structure littéraire de cette péricope est G. Giavini, « La structure littéraire d’Eph II,11-22 » NTS 16 (1969/70) 209-211. Cette subdivision est suivie par la majorité, même si elle peut être justifiée autrement. Cf. à ce sujet E. Best, Ephesians, 236-237. L. Swain, Ephesians, 56-60 divise, quant à lui, la péricope de la manière suivante : 2,11-12 (The situation before Christ), 2,13-18 (Christ’s unifying work) and 2,19-22 (The present situation). En fait, comme nous aurons l’occasion de le montrer, le v. 13 est une sorte de transition qui permet de passer de la première partie à la deuxième. En langage rhétorique, c’est en lui que se situe la propositio de la péricope.

[5] Par exemple, l’opposition temporelle (entre pote,, tw/| kairw/| evkei,nw| d’une part et nuni,, de l’autre) exprimée dans les vv. 11-13 est reprise grâce à l’emploi de la particule temporelle ouvke,ti. Le terme pa,roikoi fait son apparition pour résumer, à côté de xe,noi, le fait que les païens restaient étrangers et ne pouvaient être considérés comme membres à part entière de la citoyenneté d’Israël, même quand ils pouvaient habiter physiquement à côté des citoyens d’Israël.

[6] De fait, l’opposition temporelle ne se situe plus seulement au niveau des prédicats ; dans les vv. 19-22, elle regarde aussi l’état d’être même. Alors qu’au v. 13 l’auteur a utilisé l’indicatif aoriste du verbe gi,nomai (evgenh,qhte) en l’opposant à l’indicatif imparfait du verbe eivmi (h=te), au v. 19 il utilise explicitement l’indicatif présent de eivmi (evste,). Alors que l’aoriste voulait sans doute mettre en évidence l’acte ponctuel, accompli une fois pour toutes, quand les païens sont devenus chrétiens, l’indicatif présent de eivmi considère leur état actuel qui est permanent.

[7] Dans cette longue description du nouvel être des chrétiens d’origine païenne, une série de nouveaux termes qu’on ne retrouve pas en 11-12 fait apparition, appartenant à deux champs lexicaux différents : les uns exprimant la catégorie sémique de la communion (sumpoli/tai, sunarmologoume,nh, sunoikodomei/sqe) et les autres celle de la construction en matériaux durables (oivkei/oi tou/ qeou/( evpoikodomhqe,ntej, qeme,lioj|, avkrogwni,aioj, oivkodomh,, nao,j, katoikhth,rion tou/ qeou/).

[8] En langage rhétorique, en effet, la pensée de l’auteur procède par les étapes suivantes : vv. 11-12 : narratio, v. 13 : propositio, vv. 14-18 : explicatio / confirmatio et vv. 19-22 : peroratio. Cf. aussi J.-N. Aletti, Ephésiens, 146. La finalité de cette étude n’étant pas de montrer que cette péricope a été composée selon les techniques de la rhétorique grecque ancienne, on se concentrera plutôt sur l’analyse de son contenu.

[9] En ce qui concerne les difficultés grammaticales, relevons celle qui regarde le deuxième o[ti au début du v. 12. Introduit-il la suite du contenu de l’impératif mnhmoneu,ete du v. 11 ou introduit-il l’explication du fait que les destinataires étaient effectivement des païens ? De même est-ce que les affirmations avphllotriwme,noi th/j politei,aj tou/ VIsrah.l kai. a;qeoi evn tw/| ko,smw| du v. 12 explicite la phrase cwri.j Cristou/ du même verset ou la phrase oi` lego,menoi avkrobusti,a u`po. th/j legome,nhj peritomh/j du verset précédent ? Dans ma traduction, j’ai opté pour un o[ti complément de mnhmoneu,ete.

[10] Au point de vue de la composition grammaticale, le v. 12 comprend trois unités de sens (12a, 12b-c et 12d-e). L’absence de la conjonction kai, entre 12c et 12d, alors qu’elle est utilisée entre 12b et 12c, puis entre 12d et 12e, est un indice montrant la volonté de l’auteur de lier comme dans une seule idée 12b-c d’une part et 12d-e de l’autre.

[11] Cf. ceux qui l’interprètent dans le sens de “soi disant”, comme M. Barth, Ephesians, 254-255 ; T.K. Abbott, Ephesians and Colossians, 56-57. J.-N. Aletti, Ephésiens, 141, pense plutôt – et je crois qu’il n’a pas tort – à un participe passif qui « peut être ainsi théologique ».

[12] Cf. La Lettre d’Aristée à Philocrate. Introduction, texte critique, traduction et notes. Index complet des mots grecs par A. Pelletier (Sources chrétiennes 89 ; Paris, 1962) n°s 3, 36, 44, 126.

[13] Cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 143-144.

[14] Cf. F. Josèphe, Jewish Antiquities 14,232 in Josephus in nine volumes. Volume VII : Books XII-XIV (English Translation by R. Marcus; Cambridge, MA – London, 1976).

[15] Cf. F. Josèphe, Jewish Antiquities 12,46.54.

[16] Cf. F. Josèphe, Jewish Antiquities 14,231-232.

[17] Pour l’interprétation de l’expression, cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 142-143.

[18] Cf. R.E. Oster, « Ephesus » Anchor Bible Dictionary II, 545.548; G. Mussies, „Artemis“ Dictionary of Deities and Demons in the Bible (Second Extensively Revised Edition, 1999) 71-79.

[19] Citons notamment Ps 31,6 ; 96,5 ; 97,7 ; 115,3-8 ; 135,15-18 ; Is 2,8-18 ; 41,21-24.28-29 ; 45,20 ; 57,13 ; Jr 10,5-16 ; Os 11,2 ; 13,2.

[20] Cf. aussi Ep 4,17-19 ; Ga 4,8. En 1 Co 8,4-6, Paul affirme : oi;damen o[ti ouvde.n ei;dwlon evn ko,smw| kai. o[ti ouvdei.j qeo.j eiv mh. ei-jÅ kai. ga.r ei;per eivsi.n lego,menoi qeoi. ei;te evn ouvranw/| ei;te evpi. gh/j( w[sper eivsi.n qeoi. polloi. kai. ku,rioi polloi,( avllV h`mi/n ei-j qeo.j o` path.r evx ou- ta. pa,nta kai. h`mei/j eivj auvto,n( kai. ei-j ku,rioj VIhsou/j Cristo.j diV ou- ta. pa,nta kai. h`mei/j diV auvtou/Å La phrase a;qeoi evn tw/| ko,smw| d’Ep 2,12 ne correspond-elle pas à ouvde.n ei;dwlon evn ko,smw| de 1 Co 8,4 ?

[21] Cf. plus haut, note 10.

[22] Cf. T. Moritz, The Profound Mystery, 32-34 et aussi E. Best, Ephesians, 245. En Is 57,19, il est ainsi écrit: eivrh,nhn evpV eivrh,nhn toi/j makra.n kai. toi/j evggu.j ou=sin (Paix! paix à qui est loin et à qui est proche).

[23] Quand on se rend compte qu’utilisé aussi en rapport avec les membres de la politei,a tou/ VIsrah,l, l’adverbe makra,n désigne dans la littérature prophétique (cf. Is 59,17) la situation de péché commis par les Israélites – cause de leur exil –, cette dimension de péché est aussi sous-entendue quand il est employé en rapport avec les païens (cf. Ep 2,1-2). Si le résultat du retour des fils et filles d’Israël de l’exil (cf. Is 60,4.9) est de se retrouver grâce à la miséricorde gratuite de Yhwh (cf. Ez 37,27) proches du mont Sion, de même l’emploi de l’adverbe evggu,j à l’égard des païens pourrait renvoyer à la miséricorde dont ils ont bénéficié gratuitement de la part de Dieu (cf. Ep 2,4-9).

[24] D’ailleurs c’est seulement en ces deux versets que l’on trouve l’emploi du pronom de la première personne du pluriel (h`mw/n du v. 14a et h`mei/j dans evcomen du v. 18).

[25] Dans l’état actuel de la recherche, les propositions de considérer les vv. 14-18 comme un ancien hymne christologique inséré après une maladroite révision sont effectivement à rejeter, cf. T. Moritz, A Profound Mystery, 25-29; E. Best, Ephesians, 247-250.

[26] Ainsi par exemple, est-ce que la proposition du v. 15a est au même niveau que les deux propositions coordonnées du v. 14b-c ?

[27] Comme au v. 12 où la conjonction kai, fait que la proposition 12c complète et clarifie mieux celle de 12b, et que la proposition 12e complète et précise mieux celle de 12d, de même ici la proposition 14c complète et clarifie mieux celle de 14b.

[28] J.-N. Aletti, Ephésiens, 149.

[29] Cf. d’autres propositions par T.K. Abbott, Ephesians, 65-66 ;  M. Barth, Ephesians, 262-263 ; A. T. Lincoln, Ephesians, 140-141 ; E. Best, Ephesians, 252-253.

[30]  L’existence d’un tel mur est rapportée par F. Josèphe, Antiquités judaïques 15.417 et Idem, Les guerres juives 5.193-194. Certaines objections avancées par E. Best, Ephesians, 253-254 contre cette interprétation me paraissent moins satisfaisantes. Ainsi le fait que les lecteurs Ephésiens n’avaient probablement pas une idée d’un tel mur et de sa signification (objection a) et le fait que le mur fut détruit par les Romains et no par le Christ (objection c) ne pèsent pas parce que dans la plupart des cas les lettres étaient lues à l’assemblée par celui qui l’avait acheminée et celui-ci la commentait là où il fallait. Quant à l’absence du terme meso,toicon chez Josèphe (objection b), il faut relever que l’absence ou la rareté d’un terme dans une œuvre littéraire ne signifie pas l’absence ou la rareté dans cette œuvre-là de l’idée qu’elle exprime. Cette dernière peut être là, exprimée grâce à des termes du même champ lexical entretenant entre eux des rapports soit d’équivalence, soit d’opposition. Par contre les objections (d) et (e) me semblent plus appropriées. Si l’allusion était faite à ce mur-là, la conséquence logique serait que sa destruction a entraîné l’entrée des païens dans le Sanctuaire qui était réservé aux juifs. Ce n’est pas ce que disent les vv. 19-22 où l’idée du Sanctuaire où se trouvent aussi les païens est exprimée par l’auteur.

[31] Cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 149-150.

[32] La deuxième interprétation est possible conformément à l’utilisation d’un vocable à connotation cultuelle (proswgagh,) au v. 18 et à la mention du Temple dans les vv. 19-22. Cf. J.-N. Aletti, Ephésiens, 149.

[33] Cf. E. Best, Ephesians,

[34] T. Moritz, A Profound Mystery, 29-30.40-41, a raison de renvoyer à la Lettre d’Aristée 139.142 pour soutenir que les juifs de l’époque intertestamentaire étaient eux-mêmes conscients du fait que la loi des commandements était comme un mur construit par Dieu autour d’eux les séparant des autres nations, afin qu’ils ne fussent souillés. Au n° 139, Aristée écrit : « … dans sa sagesse, le législateur, doué par Dieu d’une science universelle nous a entourés d’une clôture sans brèche et de murailles de fer, pour éviter la moindre promiscuité avec les autres peuples, nous qui, purs de corps et d’âmes, libres de vaines croyances, adorons le Dieu unique et puissant, à l’exclusion d’absolument toutes les natures ». Au n° 142 : « Pour empêcher donc que le contact impur et la conversation de gens indignes ne viennent à nous pervertir, il nous a entourés d’un réseau de prescriptions de pureté : aliments, boissons, contacts, ouïe, vue sont l’objet d’un code ».

[35] Dans cette longue période, en effet, on trouve des termes employés à l’avantage de la communauté chrétienne (d’origine juive et païenne), alors que dans l’AT, ils sont réservés à Israël dans ses rapports avec les autres nations (euvlogh,saj h`ma/j evxele,xato h`ma/j ei=nai h`ma/j a`gi,ouj kai. avmw,mouj katenw,pion auvtou/ proori,saj h`ma/j eivj ui`oqesi,an evcari,twsen h`ma/j evklhrw,qhmen proorisqe,ntej evsfragi,sqhte tw/| pneu,mati th/j evpaggeli,aj tw/| a`gi,w|).

[36] Cette observation pourrait aider à résoudre le problème de savoir si l’accusatif e;cqran du v. 14d est complément du participe lu,saj ou du participe katargh,saj (v.15) L’emploi du verbe avpoktei,nw au v. 16 montre qu’aussi bien le verbe lu,w que le verbe katarge,w conviendrait pour exprimer l’idée de la réduction de l’hostilité à l’inefficacité. Pace T.K. Abbott, Ephesians and Colossians, 61. Dans les Troyennes, 50, Euripide emploie e;cqra comme complément du verbe lu,ein et le sens de l’expression est ‘dissoudre l’inimitié’. Thucydide 4,19, l’emploie dans le sens moyen comme complément du verbe dialue,sqai et le syntagme a le sens de ‘renoncer à son inimitié’. Pour moi donc, la proposition 14d (th.n e;cqran evn th/| sarki. auvtou/) peut aller aussi bien avec le participe lu,saj qu’avec le participe katargh,saj sans qu’il y ait un saut dans la pensée. Toutefois, non seulement l’équilibre stylistique fait pencher la balance du côté du deuxième, mais aussi parce qu’il est mieux de la placer dans la partie qui exprime comment le Christ a unifié les deux parties et a détruit le mur de division. C’est en anéantissant l’inimitié. Contrairement à E. Best, Ephesians, 257-259, on ne voit pas ainsi les raisons de scinder la phrase en deux.

[37] Ap 11,7 indique que l’acte de tuer peut faire suite à une bataille. Les cas où ce verbe ne fait pas allusion à une mort physique sont les suivants: Mt 10,28 (yuch,n) ; Lc 12,4 (yuch,n) ; Rm 7,11 ; 2 Co 3,6 et Ep 2,16 (e;cqran).

[38] Lc 23,12 ; Rm 8,7 ; Ga 5,20 ; Jc 4,4 et les deux occurrences du texte à l’étude. Selon Liddell-Scott, Greek-English Lexicon, ce terme est employé en Ep 2,14.15 dans le sens métonymique pour désigner non pas l’inimitié, mais la cause de l’inimitié.

[39] J.H. Thayer A Greek-English Lexicon of the New Testament (corrected edition; New York-Cincinnati-Chicago, 1883) a donc raison de dire qu’il faut le distinguer de la haine et de la guerre. Contrairement à l’inimitié ou l’hostilité, la haine est souvent très difficile, pour ne pas dire impossible, à effacer.

[40] Ceci dit, avphllotriwme,noi du v. 12 devrait alors être considéré comme un passif théologique au même rang que les passifs employés en 2,20-22.

[41] Dès lors l’expression evn e`ni. sw,mati du v. 16 n’est pas à mettre au même niveau que evn th/| sarki. auvtou/. Le terme sw/ma renvoie ici au sens qu’il a en 1,23 et en 4,4. Cf. la position ‘conciliante’ de J. Muddiman, The Epistle to the Ephesians (Black’s New Testament Commentaries ; LondonNew York, 2001) 135. Il n’est donc pas utilisé dans le même sens qu’il l’est en Col 1,22 (avpokath,llaxen evn tw/| sw,mati th/j sarko.j auvtou/ dia. tou/ qana,tou), texte dont le contexte est littérairement très proche d’Ep 2,14-18. A propos du rapport seulement linguistique et non pas théologique entre Ep 2,14-18 et Col 1,20-21, cf. encore J. Muddiman, Ephesians, 115. Ici en Ep 2,16, la précision apportée par le nombre cardinal e`ni. fait qu’il ne s’agit pas du corps physique du Christ (sw/ma th/j sarko.j auvtou/), mais de celui dans lequel les deux groupes ont été réunis, à savoir l’Eglise.

[42] On trouve pareille idée dans Xénophon, Cyropédie 3,2,12, où l’auteur raconte comment l’arrivée (donc la présence personnelle) de Cyrus fut importante pour conclure la paix entre les Arméniens et les Chaldéens «…e;peita de e;lexe toi/j Caldai,oij o[ti h[koi ou;te avpole,sai evpiqumw/n evkei,nouj ou;te polemei/n de,omenoj, avll v eivrh,nhn boulo,menoj poih/sai vArmenivoij kai. Caldai,oij » (And then he told the Chaldaeans that he had come with no wish to destroy them and with no desire to make war, but because he wished to make peace between the Armenians and the Chaldaeans), in Xenophon’s Cyropaedia in two volumes. Volume I (English Translation by W. Miller; London – New York, 1914) 254-255. Cette présence fit changer la situation des prisonniers.

[43] De fait, à ce niveau de l’argumentation, le syntagme u`mi/n toi/j makra.n renvoie à u`mei/j ta. e;qnh du v. 11 et à u`mei/j oi[ pote o;ntej makra.n du v. 12, avec accent porté cette fois, non sur u`mi/n, mais sur makra.n. Mutatis mutandis, toi/j evggu,j renvoie à ceux qui, dans les vv. 11-12, étaient les seuls à être proches de Dieu.

[44] J.P. Louw - E.A. Nida (éds), Greek – English of the New Testament Based on Semantic Domains. Vol. 1 Introduction & Domains (New York, 1988), n. 33.72, qui classent le terme prosagwgh, dans la famille lexicale de ‘communication’, le définissent comme étant “the right or opportunity to address someone, implying higher status of the person adressed.” (Les italiques sont miennes).

[45] Cf. à ce sujet, J.-N. Aletti, « Les difficultés ecclésiologiques de la lettre aux Ephésiens. De quelques suggestions » Bib 85 (2004) 460-463 ; Idem, Ephésiens, 158-161.

[46] Au v. 19, sumpoli/tai est opposé à xe,noi, lequel est au v. 12 synonyme de avphllotriwme,noi. En soi, il n’y a pas de rapport d’antithèse entre sumpoli/tai et politei,a.

[47] o[ti lao.j a[gioj ei= kuri,w| tw/| qew/| sou kai. se. proei,lato ku,rioj o` qeo,j sou ei=nai, se auvtw/| lao.n periou,sion para. pa,nta ta. e;qnh o[sa evpi. prosw,pou th/j gh/j (Dt 7,6 ; 14,2).

[48] Signalons qu’il y a hésitation à identifier les a`gi,oi dont parlent Mt 27, 52 et 1 Th 3,13 avec les chrétiens, du fait que ces textes contiennent des expressions du langage apocalyptique.

[49] Qu’il fût d’origine juive ou d’origine païenne, le chrétien était en ces temps-là appelé « saint » ; ce qui comptait, c’était la foi au Christ et la persévérance dans cette confession. Quand on se rend compte que la Lettre aux Galates est l’unique parmi les homologoumena de Paul à ne pas enregistrer l’utilisation de cet adjectif, on devrait croire que pour Paul le terme impliquait automatiquement la fidélité à l’attachement au Christ (cf. aussi Ap 13,10 ; 14,12).

[50] Contrairement à ce qu’affirment J. Muddiman, Ephesians, 114, M.Y. MacDonald, Ephesians, 242.249 et E. Best, Ephesians, 237, l’auteur ne souligne pas en Ep 2,11-22, la priorité des judéo-chrétiens comme héritiers de l’alliance et l’inclusion des païens au partage des privilèges des juifs, même si dans les vv. 11-12 il a dit les choses du point de vue des juifs. Comme le montre aussi J.-N. Aletti, « Les difficultés ecclésiologiques », 463, l’auteur ne dit pas ici que les païens sont entrés dans le peuple de Dieu qui était identifié au peuple juif, mais que et les païens (qui étaient loin : makra,n) et les juifs (qui étaient proches : evggu,j) ont été ensemble (cf. l’emploi abondant du nombre cardinal ei-j) créés en une nouvelle race humaine (cf. kaino.j a;nqrwpoj).

[51] avpro,skopoi kai. VIoudai,oij gi,nesqe kai. {Ellhsin kai. th/| evkklhsi,a| tou/ qeou/. Le contexte de la discussion en 1 Co (consommation ou non des viandes offertes aux ‘idoles’) indique encore une fois que les deux premières entités sont considérées dans le sens religieux.

[52] Cf. Jean-Paul II, Ecclesia in Africa. Exhortation apostolique post-synodale (Cité du Vatican, 1995), n° 63.

[53] A. Bailly, Dictionnaire Grec – Français (Paris, 1950) 1355, épingle les sens suivants: I 1) de la maison, 2) qui appartient à la famille, parent, apparenté, 3) par extension : familier, intime ; II qui concerne la possession, d’où 1) propre, particulier, 2) propre à quelqu’un, privé, 3) propre à quelqu’un, inné, naturel, 4) qu’on accomplit sur soi-même (meurtre), 5) propre à.

[54] Cf. Lv 18,6.12.13.17 ; 21,2 ; 25,49 ; Nb 25,5 ; 27,11 ; 1 S 10, 14.15.16 ; 14,50 ; Pr 17,9 ; Is 3,6 ; 31,9 ; 58,7 ; Am 6,10 ; 2 Ma 15,12 ; 3 Ma 6,8.

[55] La BJ traduit la proposition ma,lista de. pro.j tou.j oivkei,ouj th/j pi,stewj de Ga 6,10 par « et surtout de nos frères dans la foi » tandis que la TOB la rend par « surtout celui de nos proches dans la foi ». Par contre la proposition ma,lista oivkei,wn de 1 Tm 5,8 est traduite dans la BJ par « surtout de ceux qui vivent avec lui » et dans la TOB par « surtout de ceux qui vivent dans sa maison ».

[56] J.-N. Aletti, Ephesians, 160.

[57] J.-N. Aletti, Ephesians, 161.

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