Face au scandale de la douleur congolaise : l’urgence d’un christianisme sensible à la memoria passionis
Face au scandale de la
douleur congolaise : l’urgence d’un christianisme sensible à la memoria
passionis
Conférence tenue au
Theologicum le 4 novembre 2021
Jean-Claude Mulekya Kinombe[1], ofm
Résumé : La situation socio-économico-politique, la
précarité, l’analphabétisme, le chômage, les frontières poreuses, les
conditions de travail déshumanisant, l’absence élevé de l’intérêt général, et
les diverses crises (sanitaires, sécuritaires, éducationnelles, etc.) en R.D.
Congo prouvent clairement que la mémoire congolaise est douloureuse. Voilà
pourquoi, cet article théologique interroge non seulement les sources
historiques du pays et celles de la foi chrétienne pour comprendre la
quintessence de la souffrance, mais aussi pose l’urgence d’un christianisme
sensible à la memoria passionis militant pour un nouvel homme Congolais
pour qui, l’appartenance au Christ n’implique pas la négation du monde, mais la
responsabilité envers lui en qualité de ‘serviteur’.
Mots clés : christianisme, douleur congolaise, memoria passionis, cri, passion, co-passion, R.D. Congo.
Avant d’entrer dans le
vif de ma réflexion, qu’il me soit permis d’adresser un mot de remerciement au Dicteur
Général du Theologicum le Père Placide Mukundi ; au Directeur de la
Communauté, le Père Didier Umbi ; au Secrétaire Académique, le Père Patrick
Mpama ; et au Secrétaire Administratif Monsieur Cédric. Merci aux
autorités du Theologicum pour avoir planifié ce jour pour cette
conférence-débat. Nous saluons également la présence de mes confrères
franciscains, le Père André Murhabale, Ministre Provincial ; le Père
Bernard Kabila, Secrétaire Provincial et le Père Zabulon Furume, l’Économe
Provincial. Nous saluons enfin la présence de chacune et de chacun d’entre
vous. Merci d’être si nombreux.
En effet, toute ma
théologie contenue dans cette cogitation est motivée par le cri d’une femme de
Butembo, lancé le 4 avril 2021, à la veille du soulèvement de la population de
Butembo et Beni réclamant le retrait immédiat de la MONUSCO[2] jugée complice des
massacres avec des soi-disant ADF-Nalu[3]. Elle disait
ceci :
Partant de ces raisonnements,
la théologie de Jean-Marc Ela[7] naît au cœur des
interrogations de l’homme africain pour répondre au défi du « cri de
l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Églises d’Afrique »[8]. Elle est la mise en
œuvre non seulement d’une théologie caractérisée par ses potentiels critiques
et constructifs propre au message évangélique, mais aussi la recherche d’un
langage théologique signifiant à l’Africain d’aujourd’hui. Ela s’en exprime
bien quand il écrit : « quelle est la pointe du message de l’Évangile
qui peut être le plus directement perceptible et signifiant pour les gens
d’ici ? Comment vivre la foi pour créer autour de nous un espace de
désir du Dieu Vivant ? »[9].
En effet, la situation
socio-politique, économique et les diverses crises en R.D. Congo montrent
clairement que la mémoire congolaise est écrite par le ‘sang’. Elle est une
mémoire douloureuse marquée, non seulement par la faim, la misère,
l’analphabétisme, mais aussi par des massacres, des guerres à répétition, le
profit d’une minorité, le viol, les crimes, les assassinats, le tribalisme,
etc. bref, par la gestion irresponsable de la res publica[10] et le « faux
apolitisme des mains pures »[11] prôné dans certaines
doctrines. Pour ne faire qu’une illustration, à Beni[12], cette ville, située à
proximité du Parc national des Virunga, sur le plateau du mont Ruwenzori (5 119
m d’altitude), en bordure de la forêt de l’Ituri, à 70 km de Kasindi, une ville
qui fait frontière avec l’Ouganda, a été le théâtre de violents affrontements
en 2001 et actuellement depuis 2013-2014, elle vit une tragédie. Des Congolais
sur leur terre y sont massacrés sauvagement, tués en masse de façon extrêmement
cruelle : crânes fendus à coups de hache, corps balafrés à la machette,
des femmes enceintes éventrées, des bébés égorgés ou tués la tête fracassée
contre le mur, des villages entiers sont réduits en cendres et beaucoup de gens
sont pris en otage pour des destinations inconnues. Des nombreux Congolais sont
devenus des déplacés dans leur propre pays, réfugiés dans des pays voisins et
meurent de faim, car personne n’a accès à son champ[13] et cela produit dans l’ensemble du pays la
haine entre frères et sœurs d’un même pays et des pays voisins. Pour le
professeur Kä Mana, Beni est devenu « un arbre qui cache la forêt »[14]. Au lieu du
développement du milieu, l’option n’est qu’au développement du
sous-développement.
Face à cette réalité
congolaise, théologiquement, peut-on soutenir des prédications qui, pour
certains, la souffrance congolaise est la punition de Dieu pour le péché ;
la souffrance et la misère sont-elles les résultats du mal commis par les
ancêtres, les grands-parents conformément à l’idéologie de « l’arbre
généalogique » ou « muti wa kizazi » ! Voilà pourquoi,
cette cogitation théologique interroge non seulement les sources historiques de
la foi et de la R.D. Congo pour comprendre la quintessence de la souffrance,
mais aussi poser l’urgence d’un christianisme sensible à la memoria
passionis[15] militant pour un nouvel
homme congolais pour qui, l’appartenance au Christ n’implique pas la négation
du monde, mais la responsabilité envers lui en qualité de ‘serviteur’.
Cette réflexion se
structure en trois moments. Le premier, avec un regard critique, brosse en peu
de mots la situation socio-politique de la R.D. Congo ; le deuxième répond
à la problématique théologique du christianisme et son rapport avec la
cité ; et le dernier s’articule sur la nécessité d’un christianisme
sensible à la memoria passionis en R.D. Congo.
L’histoire de la R.D.
Congo remonte d’abord à l’âge précolonial marqué, d’une part, par des empires
et des royaumes ; et d’autre part, par l’esclavagisme arabe et la traite
négrière qui ont été démolis par l’invasion coloniale occidentale. Au-delà des
bonnes intentions humanitaires du Roi Belge de mettre fin à l’esclavagisme et à
la traite des Noirs en Afrique centrale, s’inscrit tout aussi un autre
programme de recherche des intérêts belges et personnels. Ce processus a abouti
à la création de l’État Indépendant du Congo (EIC) en 1885 ; ensuite,
suivra la période coloniale qui va de 1885 à 1960 ; enfin, la période
postcoloniale de 1960 à ces jours.
À la Conférence de
Berlin (novembre 1884-février 1885) sans consultation et en l’absence des Congolais,
la R.D. Congo a été déclarée l’‘État Indépendant du Congo’ (EIC), une propriété
privée du roi belge Léopold II, avant d’être une colonie officielle de l’État belge.
Le parlement belge avalisa le nouveau statut de Léopold II comme le roi de deux
États, tout en insistant sur le fait que le Congo ne concerne que sa personne,
toutes charges et responsabilités étant déclinées par la Belgique[18].
Pendant la période de 1885-1908, l’EIC a fourni des débouchés et des matières
premières à la Belgique lui permettant de résoudre le problème de la
surpopulation et du chômage. Il y eût aussi l’intensification des activités
diplomatiques, humanitaires et scientifiques[19].
En 1907, l’annexion du Congo à la Belgique fut votée ; c’est ainsi qu’en
1908, la Charte coloniale fut adoptée en ces termes : « Le Congo et la
Belgique auront des finances séparées, une ‘cloison étanche’ doit empêcher la
métropole d’être jamais entraînée dans le ‘gouffre financier’ que pourrait
représenter le Congo »[20].
Dans ce sens, de 1908 à 1960, l’État Indépendant du Congo, propriété privée du
Roi Léopold II, devint le Congo-Belge. C’est à cette époque que le Congo fut
créé comme un État-nation.
La date du 30 juin 1960
qui inaugura l’accession de la R.D. Congo à l’indépendance scella une nouvelle
page dans l’histoire du pays. Pour des Congolais, malheureusement,
l’indépendance signifiait la fin du règne des Blancs, le retour des ancêtres et
des héros locaux, l’occupation par des Noirs de la place des Blancs pour avoir
des grosses voitures, des grandes maisons, des boys pour le ménage, etc. Ils
pensaient qu’avec cet événement de haute facture la vie serait plus facile, le
travail ne serait plus nécessaire, des machines allaient venir du ciel pour
produire directement des maniocs et maïs, les houes seraient inutiles[21].
La non-préparation des Congolais
à la gestion de la res publica sera ainsi à la base des difficultés de
la formation du premier gouvernement. Issu des élections démocratiques, le
premier gouvernement fut constitué de la majorité de la coalition des partis
nationalistes groupés autour du Mouvement National Congolais (MNC) fondé par
Lumumba. Ce dernier devint le Premier ministre. Pour lui, « l’indépendance
n’était pas un cadeau de la Belgique mais bien un droit fondamental du peuple Congolais
»[22].
Comme nationaliste, il estime que les richesses du pays doivent être au service
des Congolais. Son attachement à l’unité africaine, son adhésion à l’idée du non-alignement
lui valut l’hostilité des monopoles étrangères qui exploitaient le cuivre, le
diamant, le cobalt et l’ensemble des autres minerais stratégiques produits au
Congo, ainsi que celle des grandes compagnies ayant investi en Rhodésie ou en
Afrique du Sud[23].
La formation du
gouvernement Lumumba laissa des insatisfaits parmi les représentants du pays.
C’est ainsi que Mopipi voulait pousser le Maniema vers son autonomie, Kalondji
voudrait constituer la province Muluba du Kasaï, et Tshombe envisagea l’autonomie
du Katanga. Cependant, malgré les difficultés, le gouvernement Lumumba fut
investi et Kasa-vubu fut élu chef de l’État. Malheureusement, dans un bref
délai, le15 septembre 1960, le gouvernement Lumumba fut renversé. Lumumba
lui-même fut fait prisonnier avant d’être livré à ses bourreaux qui
l’exécutèrent le 17 janvier 1961.
Dans un climat de
révocation du premier ministre en faveur de Kimba, de rivalité entre le
président Kasa-vubu et le premier ministre Tshombé, le 24 novembre 1965 fut
marqué par le coup d’État du colonel Mobutu. Ce fut le déclin total de la
première République et l’inauguration de la deuxième République (1965-1997).
Pendant trente-deux ans, Mobutu instaura un ‘pouvoir fort’ en s’octroyant des
pouvoirs spéciaux. Il assuma le plein pouvoir dans le pays. Cependant, sa
gestion du pays était caractérisée par l’intolérance politique, l’exclusion, la
brutalité, la mauvaise gestion, l’impunité, etc. Toutes les structures
politiques furent détruites au profit de son pouvoir et de son parti unique. Il
fît asseoir son pouvoir par la création du Mouvement Populaire de la Révolution
(MPR) en 1967, mais aussi par la formulation d’une philosophie politique
centrée sur le ‘recours à l’authenticité’[24]. Les autres acteurs
politiques ne marchant pas dans la même voie furent mis devant un choix
difficile, soit de se rallier au parti unique, soit d’aller en exil volontaire.
Un autre événement qui
marque l’histoire de la R.D. Congo fut la guerre sanglante provoquée par
l’armée de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo
(AFDL) sous la direction de Laurent-Désiré Kabila qui, par la prise de la
ville de Kinshasa, le 17 mai 1997, marqua la fin du régime Mobutu. À cette
date, Laurent-Désiré Kabila s’autoproclama le président du pays avec comme
mission d’assurer l’autorité de la Transition et confier la direction du pays à
un gouvernement issu des urnes le plus tôt possible. Cependant, avec ses
accords non respectés avec ses alliés Rwandais et Ougandais qui l’ont soutenu,
il fut accusé d’ingrat[25] et ainsi éclata une autre guerre dans le pays.
Le 2 août 1998, la rébellion du Rassemblement Congolais pour la Démocratie[26] (RCD) commença à l’Est
du pays. Elle contrôla tout le Kivu et finalement une moitié du territoire
congolais fut sous son occupation. Entre temps, dans le pays, naîtra également
une autre guerre dirigée par les rebelles du Mouvement de Libération du Congo
(MLC). Ainsi, le pays fut morcelé en plusieurs entités administrées de façon
autonome par des rebelles. Ces deux mouvements politico-militaires s’érigèrent
contre le pouvoir de Laurent-Désiré Kabila. Grâce à l’intervention de la
communauté internationale, l’accord de cessez-le-feu fut signé entre toutes les
parties belligérantes le 10, 30 et 31 juillet 1999.
À sa résidence, le 16
janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila fut assassiné. Voilà pourquoi, dans un vide
constitutionnel total et dans un climat de tensions, Joseph Kabila Kabange fut
élevé au rang du président de 2001 à 2018[27]. Les élections qui
devraient avoir lieu le 19 décembre 2016, mettant fin à ses mandats, eurent
lieu le 31 décembre 2018, à l’exception de trois villes Beni, Butembo et Yumbi.
Ce fut Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, le fils de l’opposant historique
Etienne Tshisekedi, qui remporta les élections selon la proclamation de la
Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) et de la cour
constitutionnelle[28]. Ces résultats furent
contestés par beaucoup d’observateurs et le candidat à la présidence Martin
Fayulu s’autoproclama le président élu du pays.
Il est à noter que,
pendant et après la colonisation, la R.D. Congo connaît d’innombrables et
flagrantes violations des droits humains. Dans les différentes guerres à visée
politique depuis 1996, la première guerre de 1996-1997, la deuxième de
1998-2003, la guerre du Kivu 2004-2009 avec Kunda qui rejeta le pouvoir en 2004
et chercha la protection des tutsi, en 2009 le mouvement M23 qui exigea la
protection des tutsi et le respect des accords par le président, plus de 150
000 à 180 000 personnes sont mortes en R.D. Congo. Une autre situation atroce
sévit à Beni depuis 2013-2014 jusqu’à ces jours. Des gens sont tués par des
machettes, des couteaux, des lances et d’autres sont kidnappés. On assiste aux
attaques des villages, des hôpitaux, des massacres des civils, des femmes violées,
etc. Entre 2016-2017, des massacres des populations ont eu lieu au Kasaï. En
2019, est repris encore le massacre en Ituri. Le conflit d’Ituri, dans la
province Orientale au nord-est du pays, fait suite à la deuxième guerre du
Congo (1998-2002), opposant des milices Lendu (la Force de résistance
patriotique de l’Ituri) et le Hema[29].
En rapport avec la
persistance de l’insécurité et des massacres à l’Est de la R.D. Congo, les Évêques
de la CENCO expriment leur inquiétude en ces termes :
Ce n’est plus un secret
pour personne. Au niveau de l’Afrique, Tidiane Diakité
affirme : « le marasme économique et le retard de l’Afrique noire
dans son évolution proviennent pour un quart de facteurs naturels et externes
et pour trois quarts de facteurs humains propres aux Africains »[31]. De la sorte, à la base de la misère congolaise se trouve des sources exogènes et
endogènes. Voilà pourquoi, en dénonçant des viols et des massacres de la
population, mais en ne s’interrogeant pas sur les sources d’approvisionnement
des rebelles en armes et en munitions, en ne s’intéressant qu’aux effets plutôt
qu’aux causes de la crise congolaise, et en ne scrutant pas les raisons cachées
de l’incapacité des opérations MONUSCO ; bien que la communauté internationale
s’implique dans l’envoi des secours humanitaires aux Congolais, sa mission ne
revêt qu’un « manteau d’hypocrisie »[32] . C’est la
« diplomatie de Ponce Pilate »[33] qui est
mise en application en R.D. Congo encourageant l’accaparement des richesses du
pays par des multinationales. Malheureusement, toute cette manigance ne se fait
qu’avec la bénédiction de certains Congolais[34].
Dans l’ensemble, depuis
son accession à l’indépendance le 30 juin 1960, la R.D. Congo se présente comme
un pays de paradoxes et de contrastes[35],
un pays regorgeant de ressources naturelles variées, de richesses matérielles
diverses et des compétences humaines ; cependant, elle ne connaît pas de
véritable croissance politique et économique. Les difficultés socio-politiques
et économiques qui le rongent sont d’ordre structurel. Elles expriment le
manque de politique d’investissements économiques et d’absence de volonté
politique ; car la crise des années après l’indépendance peut être
compréhensible par manque des personnes expérimentées dans la gestion de la
chose publique, par faiblesse du niveau d’instruction. Cependant, les crises
actuelles semblent être le résultat de l’insouciance et du manque de volonté
politique. Le taux significatif de chômage, surtout parmi les jeunes, garantit
que les écoles congolaises ne produisent que des jeunes diplômés, licenciés,
pour gonfler le nombre des chômeurs. L’économie formelle du pays ne donne du
travail qu’à une frange limitée de la population. Et, malheureusement, dans la
plupart de cas, ce travail n’est pas bien rémunéré et par conséquent, il ne
permet pas de sortir de la pauvreté. Le faible salaire ne met pas le
travailleur dans la condition de donner le meilleur de lui-même. C’est la
politique des intérêts privés, de guerres, de pillages, des massacres qui
l’emporte. Pour cette forme politique, ceux
qui exercent une fonction politique, l'exercent prioritairement pour en retirer
certains avantages personnels et non pour proposer un véritable programme
économique, politique et ou sociétal[36]. C’est en peu de mots « la
politique du ventre »[37] qui règne. À ce sujet, le
professeur Kä Mana, d’heureuse mémoire, affirme :
Ce qui frappe dans l’économie comme champ global de la gestion des pays des Grands Lacs, c’est son orientation complètement inégalitaire où la part du lion est entre les mains du chef, de sa famille, de sa tribu et de son entourage politique au détriment de la population, ou presque. Il suffit de regarder comment les proches des présidents dominent les rouages économiques et s’enrichissent de manière ahurissante aux yeux du petit peuple pour se rendre compte que l’accaparement des richesses nationales entre les mains de quelques personnes conduit à une instabilité dont l’horizon ne peut être que la guerre sous toutes ses formes, qu’il s’agisse des guerres civiles, du terrorisme ou des massacres insensés comme stratégies de déstabilisation de ceux qui sont au pouvoir[38].
Il est temps de sortir de cette souffrance en pensant par nous-mêmes nos problèmes et trouver des solutions adéquates pour le bien de tous les Congolais ; malheureusement, :
À force de nous être habitués aux orientations décidées ailleurs en matière politique et économique comme en matière sociale et culturelle, nous avons perdu la capacité et la puissance de croire en nous-mêmes, à toutes les échelles de la vie nationale. On chercherait en vain aujourd’hui où sont les solutions congolaises globales aux problèmes du Congo et nous en sommes tous et toutes conscients depuis notre indépendance jusqu’à ce jour. Nous avons constamment déploré ce fait sans concrètement assumer le devoir d’être nous-mêmes notre propre centre de pensée, de recherche et d’impulsion créatrice[39].
Et pourtant, pour Ela,
‘être-sujet-devant Dieu’, c’est « être sujet créateur »[40].
En révélant un Dieu pour l’homme, un Dieu qui ne dispense pas l’homme
d’être un sujet et responsable de la vie ; pour la foi chrétienne, le
premier devoir de l’homme est d’être pleinement homme qui maîtrise son destin
et non quelqu’un qui laisse vivre et attendre que les autres pensent et
agissent à sa place. La foi fait de lui un homme de la création qui, dans le
monde, s’engage pour bâtir une société désaliénée où tout homme peut vivre. C’est dans cette optique que, pour le Pape François, la politique est une vocation très
noble, très précieuse de la charité en faveur du bien commun ; c’est
autrement dit la voie exigeante de service, de charité et de responsabilité
envers le prochain[41]. Cependant, pour la
matérialisation de cette option en Afrique, le professeur Benoît Awazi[42] pose le principe du
tournant prophétique. Ce parcours ouvre au deuxième moment centré sur le christianisme
et son rapport avec la cité.
2. La problématique théologique du christianisme et son rapport avec la cité : témoignage d’un engagement responsable
Jésus-Christ n’était pas
un politicien, mais ses enseignements transmettent une dimension politique de
l’attention à la polis, à la cité des hommes aimés de Dieu[43]. Son message sur le
rapport avec la cité, la polis, trouve ses racines dans la théologie
juive qui accorde l’origine du pouvoir juif à Dieu[44]. Pour cette théologie,
le roi était choisi par Dieu et oint par le prêtre en son nom (cf. Is
16,12-13). En outre, le peuple juif reconnaissait le pouvoir des rois étrangers
comme venant de Dieu (cf. Jr 27,5-15). À l’époque de Jésus, des groupes
religieux se fondant sur cette théologie, les pharisiens et les zélotes
contestèrent le pouvoir colonial romain, car, pour eux, il usurpe l’autorité de
Dieu et de son messie. Par contre, les sadducéens, en reconnaissant que tout
pouvoir vient de Dieu, obéissaient à l’autorité coloniale romaine.
En ce qui concerne
l’engagement politique des chrétiens, les évangélistes synoptiques transmettent
un événement auquel se réfère le monde. Faisant semblant de demander un conseil
à Jésus au sujet de l’impôt, des pharisiens et des hérodiens lui tendirent un
piège en l’interrogeant : « Dis-nous donc ton avis : est-il permis,
oui ou non, de payer le tribut à César ? » (Mt 22,17 ; Mc
12,13-17 ; Lc 20,20-26). Sa réponse devenue très célèbre est :
« rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt
22,21 ; Mc 12,13-17 ; Lc 20,25). Littéralement, la réponse de Jésus
conduirait à des contradictions. Car, la première partie « rendez à César ce
qui est à César » justifierait le loyalisme à l’endroit des institutions, des
responsables politiques et administratifs ; la deuxième partie « à Dieu ce
qui est à Dieu » mènerait à la contestation du pouvoir politique et
administratif en faveur de celui de Dieu.
Cependant, la question
adressée à Jésus au sujet de l’impôt n’est qu’un piège du fait que, dans la
Palestine de son temps, les collecteurs d’impôts étaient considérés comme des
pécheurs publics, accusés de voler le peuple et de soutenir l’empire romain.
C’est avec beaucoup de réticence que l’impôt fut payé. De plus, les zélotes
interdisaient à la population de le payer. De même, la pièce de monnaie avec
l’effigie de l’empereur qui serait une tendance à la divinisation de divers
souverains romains ; payer l’impôt avec cette pièce de monnaie serait une
manière d’encourager l’idolâtrie réprouvée par l’Ancien Testament (cf. Ex
20,2-6 ; Dt 5,8-10). De la sorte, si Jésus interdisait de payer l’impôt,
il serait assimilé aux rebelles zélotes et s’opposerait clairement aux
autorités romaines. Également, s’il demandait de le payer, il cautionnerait les
prétentions idolâtriques des responsables de l’empire. Pour ne pas s’enfermer
dans ce dilemme, il donna sa réponse qui mérite une juste interprétation.
Du point de vue
théologique, la réponse de Jésus ne condamne pas l’exercice du pouvoir et ne
désengage pas l’homme du terrain politique, social et économique, car, son
incarnation dans l’histoire des hommes et dans le temps assume le tout de
l’humanité. En tant que Fils de Dieu qui a vu la misère de son peuple (cf. Ex
3,7) ; Jésus est, en quelque sorte, celui qui connait la misère et
l’angoisse socio-politique de l’homme. Il est le libérateur de l’homme et de
tout homme (cf. Lc 4,8). Pour cette raison, pour saint Pierre, l’essentiel
n’est ni l’obéissance ni la désobéissance aux autorités et aux institutions
civiles, mais l’engagement responsable des chrétiens, citoyens du ciel et de la
terre, au sein de la société, des institutions civiles comme un devoir de
témoignage vis-à-vis des païens (cf. 1P 2,11-17). Il exhorte à honorer les rois
(cf. 1P 2,17) car tout le monde a droit au respect, et plus particulièrement
les autorités. Mais à Dieu seul la ‘crainte’ (Qo 12,13 ; Pr 9,10 ; Ps
111,10). Dans l’Ancien Testament, le terme ‘crainte’ a le sens profondément
religieux d’adoration, de piété et de confiance totale (cf. Qo 12,13). De sa
part, saint Paul fait confiance à l’équité des responsables civils et des institutions
qu’ils incarnent (cf. Rm 13,1-7). Il encourage de prier pour tous les hommes et
les autorités (cf. 1Tm 2,1-2). Toutefois, les chrétiens ne peuvent pas accepter
n’importe quelle organisation socio-politique et n’importe quelle situation. Ils
ont à s’engager pour la paix, la justice et la charité. Jérémie le dit
clairement : « Recherchez la paix pour la ville où je vous ai
déportés ; priez Yahvé en sa faveur, car de sa paix dépend la vôtre »
(Jr 29,7).
De la sorte, le
fondement théologique de l’engagement politique s’aperçoit dans les attitudes
et les paroles de Jésus lui-même qui avait la mission d’« annoncer la Bonne
nouvelle aux pauvres, proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le
retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année
d’accueil par le Seigneur » (Lc 4,18-19). C’est la mission libératrice de tout
homme et de tout l’homme que Jésus est venu accomplir sur le mandat de son
Père. Et celui qui le suit, c’est-à-dire le chrétien, s’inscrit dans cette
mystique que Metz qualifie de « mystique des yeux ouverts » capable
de compatir[45]. Ainsi, la suite de
Jésus s’inscrit dans la quotidienneté, l’ordinaire de l’existence avec Dieu,
avec les autres et avec le monde en participant au mystère pascal.
Le Règne de Dieu,
proclamé par Jésus, n’est pas abstrait ou exclusivement renvoyé dans le futur
ou au ciel. Il commence déjà aujourd’hui par l’instauration de la vérité, de la
justice, de la paix et de l’amour (cf. Mt 11,2-6 ; Lc 7, 18-28 ;
17,21). En s’incarnant, Dieu lui-même s’engage du côté de l’homme pour
combattre tout ce qui tend à le maintenir en esclavage. C’est dans cette
optique que la constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican
II affirme : « À l’exemple du Christ qui mena la vie d’un artisan, que les
chrétiens se réjouissent plutôt de pouvoir mener toutes leurs activités
terrestres en unissant dans une synthèse vitale tous les efforts humains,
familiaux, professionnels, scientifiques, techniques, avec les valeurs
religieuses, sous la souveraine ordonnance desquelles tout se trouve coordonné
à la gloire de Dieu » (GS 43.1).
La sensibilité à la situation misérable du pays, visible à travers les injustices et la domination, le luxe d’une minorité privilégiée en face de la misère d’un grand nombre, la mémoire chrétienne invite à la prise de conscience de la dimension politique de la foi. Car, l’appartenance au Christ n’implique pas la négation du monde, mais la responsabilité envers lui, la disponibilité de se donner et de s’engager pour lui en qualité d’un ‘serviteur’. Le pouvoir des hommes n’a de sens que s’il est mis au service de la dignité de chaque personne humaine dans son intégrité et de tous les hommes dans leur égalité et leur unité. Et, quant au paiement d’impôt à César, Jésus renvoie chacun à sa responsabilité, sa raison, son intelligence, sa liberté et là, il n’y a pas question de ‘sacraliser’ tel ou tel choix politique en se réclamant directement de Dieu. L’important, c’est que chaque disciple du Christ, éclairé et soutenu par l’Évangile, s’engage avec lucidité et compétence pour combattre l’exclusion, faire reculer la misère et mettre en cause César lorsqu’il laisse s’installer l’inquiétude. Le chemin de cette libération passe par la solidarité et la proximité concrète envers les plus petits en qui Jésus-Christ lui-même s’est identifié (cf. Mt 25,40). D’où la nécessité d’un christianisme sensible à la memoria passionis en R.D. Congo.
3.
La nécessité d’un christianisme sensible à la memoiria
passionis en R.D. Congo
Face à des prédications religieuses favorisant le suicide de la pensée, l’anti-intellectualisme, l’émotionalisme et l’antipolitisme[46], le Congolais voit finalement son calvaire comme une fatalité et s’appuie sur des slogans, devenus les maîtres mots : « Kolo kaka, Kolo akosunga » (en français : « Dieu seul nous délivrera »), « Dieu est au contrôle », et d’autres de ces genres. Condamné à la résignation, déprimé, il se réfugie dans des prières en végétant dans la misère et en se consolant par les chants et les danses espérant au bonheur céleste. Entre-temps, certaines autorités se donnent au pillage ou à la gestion irresponsable des deniers publics et personne n’est là pour des reproches, n’est-ce pas là une déresponsabilisation ! Ainsi, le christianisme congolais et même africain perd de plus en plus toute sa fonction subversive. Voilà pourquoi, le théologien africain Benoît Awazi[47] élabore une Christologie prophétique et thérapeutique de la libération globale des sociétés négro-africaines postcoloniales dans une conjoncture internationale de mondialisation néolibérale. Cette christologie s’applique à promouvoir les grands gestes de solidarité, de compassion, de miséricorde, d'entraide et de partage en faveur des marginalisés de l'histoire. Abondant dans le même sens, éclairé par le théologien Metz[48], en deux moments, cette réflexion traitera la question des lieux chrétiens sensibles à la souffrance du monde et la sequela Christi dans ses dimensions mystique et politique.
3.1. Les lieux chrétiens sensibles à la souffrance du monde : le cri, la passion et la con-passion
En cette période de
cicatrisation des blessures de la douleur dans la ville et territoire de Beni,
Ituri, Mweka et dans d’autres parties de la R.D. Congo, des Congolais sur leur
terre y sont massacrés sauvagement, tués en masse de façon extrêmement
cruelle : crânes fendus à coups de hache, corps balafrés à la machette,
des femmes enceintes éventrées, des bébés égorgés ou tués la tête fracassée
contre le mur, des villages entiers sont réduits en cendres et beaucoup de gens
sont pris en otage pour des destinations inconnues. Des nombreux congolais sont devenus des
déplacés dans leur propre pays, réfugiés dans des pays voisins et meurent de
faim, car personne n’a accès à son champ. De même, la performance économique se
détériore de plus en plus. Le drame que vit le Congolais n’est plus
l’insécurité ou un simple conflit, c’est vraiment le crime humain[49].
Dans ce contexte, l’œuvre
théologique Memoria Passionis. Un souvenir provocateur dans la société
pluraliste de Metz[50], est d’actualité. Elle
fut publiée en allemand en 2006 et en français en 2009. L’expression « memoria passionis » désigne deux réalités[51]. D’une part, elle se réfère à la Passion du
Christ ; et d’autre part à la souffrance humaine. Elle n’est pas un
souvenir d’un temps paradisiaque malheureusement passé, un opium pour le présent ; mais elle est ‘dangereuse’ dans la
mesure qu’elle interpelle l’homme et lui pose des exigences de solidarité et de
responsabilité envers les vaincus de la terre.
En constituant ‘un cri à
Dieu’, la memoria passionis dispose à affronter le caractère dramatique
de l’espérance chrétienne visible à travers l’histoire de massacres, de
crucifixions, de tortures, de maladies et de cris dont est victime l’homme.
Dans ce sens, le sujet de l’histoire de la souffrance est le Dieu de la Passion
de Jésus dont le comportement ne visait pas tant le péché des hommes, mais leur
douleur. La sensibilité à la douleur des autres - observe Metz - marque le « nouveau
style de vie » de Jésus : la passion de Dieu comme con-passion (Mitleidenschaft). De la sorte, selon Metz, « la foi chrétienne
s’articule comme memoria passionis,
mortis et resurrectionnis Jesu Christi. Au cœur de cette foi, il y a la
mémoire du Seigneur crucifié, une memoria
passionis bien déterminée sur laquelle se fonde la promesse de la liberté à
l’avenir pour tous »[52]. Par ailleurs, « une memoria resurrectionis, qui ne serait
pas memoria passionis, serait de la
pure mythologie »[53]. Le message de la
résurrection du Christ écartant toute référence au cri du crucifié n’a rien
d’évangélique. Il n’est qu’un ‘mythe’ de vainqueurs.
Metz relève trois lieux
chrétiens sensibles à la souffrance du monde : le cri, la passion et la
con-passion. D’abord, le « cri » n’est pas en premier lieu une
réponse venant rassurant devant la souffrance éprouvée, mais une réplique
passionnée et impatiente du malheureux en attente de Dieu. Par le cri, la
prière adopte un langage de souffrance, de crise, de contestation, de
protestation, de plainte et de la mise en accusation. Dans ce sens, la prière
n’est pas seulement un cantique de joie, de louange, de reconnaissance, d’action
de grâce, mais aussi un cri[54].
Telle est l’expérience de la prière tout au long des siècles dans les religions
du monde et dans la vie de tout homme dans sa relation avec Dieu. Telle est
aussi la démarche du théologien africain Jean-Marc Ela qui fait entendre sur la
place publique le cri de l’homme africain[55].
Dans leurs prières, les
religions expriment leurs cris de souffrance et de joie, leurs plaintes et
leurs cantiques, leurs doutes et leur confiance, puis finalement s’ensuit
l’expérience du silence. D’où, un Dieu qui s’adapte aux façons des hommes, un
Dieu ‘bouche-trou’, n’est qu’une idole[56].
Car, la prière comme cri traduit l’expression de l’homme enraciné dans son
histoire faisant l’expérience du silence de Dieu à la manière du cri d’angoisse
qu’Israël a élevé à Dieu dans des périodes d’extrême difficulté. Il suffit de
parcourir les psaumes pour s’en rendre compte (par exemple : Ps 2 ;
13 ; 22 ; 44, etc.). Le cri est en même temps le cri d’appel à l’aide
de tous ceux qui, au cours de l’histoire d’hier, d’aujourd’hui et de demain,
souffrent pour l’amour de Dieu, pour l’amour de la vérité et du bien[57].
Comme langage de prière,
le cri n’est rien d’autre qu’un langage de souffrance et de crise. C’est un
langage dérangeant, captivant et dramatique, plus radical, moins malléable,
moins accommodant. Il traduit l’incroyable spectre des énigmes de l’existence
humaine et de la fragilité de l’homme en face de Dieu qui, en un moment, semble
garder silence aux supplications humaines. Le cri comme langage et prière est
le plus étrange, mais le plus répandu chez tous les hommes sans exception. Selon
Metz, c’est ce cri qui lie la passion à la con-passion et invite à cultiver une
authentique atmosphère de ‘samedi saint’ dans le christianisme. Il demeure par
conséquent la source pour la théologie négative[58].
De la sorte, Metz se définit en ces termes : « Aujourd’hui encore, mes
prières restent pénétrées de ce cri sans voix [...].
Dès lors, je pose à mon tour des questions à Dieu, au Dieu d’Abraham,
d’Isaac et de Jacob, au Dieu de Jésus ; des questions pour lesquelles je
dispose bien sûr d’un langage, mais auxquelles je ne trouve pas de réponses »[59].
De sa part, dans son homélie lors de la journée mondiale des pauvres, le Pape François souligne :
Le cri des pauvres :
c’est le cri étranglé des enfants qui ne peuvent naître, des petits qui
souffrent de la faim, des enfants habitués au fracas des bombes au lieu des
cris joyeux des jeux. C’est le cri des personnes âgées mises de côté et
laissées seules. C’est le cri de celui qui se trouve à affronter les tempêtes
de la vie sans une présence amie. C’est le cri de celui qui doit fuir, laissant
sa maison et sa terre sans la certitude d’un but. C’est le cri de populations
entières, privées même des ressources naturelles considérables dont ils
disposent. C’est le cri des nombreux Lazare qui pleurent, tandis qu’une poignée
de riches fait des banquets avec ce qui, en justice, revient à tous […]. Chaque
jour ce cri est plus fort, mais chaque jour moins écouté[60].
Le cri vers Dieu exprime d’une certaine façon qu’on est proche de lui. C’est l’expression du fait que Dieu s’est rendu si proche, justement dans sa pleine divinité, c’est-à-dire dans son incompréhensibilité et son ineffabilité, qu’il est arrivé si près que je ne puis l’exprimer qu’en criant vers lui. En ce sens, le cri serait lui-même le premier acte de son exaucement. C’est dans ce cri, et justement en lui, que Dieu est ‘là’, que sa présence se réalise. Il est le mode sous lequel sa divinité vient chez moi dans son humanité, sa façon de rendre proche sa transcendance dans son absence et son éloignement62].
Dans le cri sans réponse
s’accomplit « l’eschatologie au présent »[63],
l’actualisation de l’événement Dieu, l’être-là de Dieu. Cette eschatologie
s’est accomplie d’une part, pour les Israélites à qui, Dieu, dans sa divinité
inaccessible et inexprimable, s’est rendu proche d’eux qu’ils ont crié vers
lui. C’est dans leur cri qu’il leur est présent, qu’il leur a rendu visite dans
sa divinité et ils sont devenus peuple de Dieu, peuple de l’alliance avec Dieu,
peuple du monothéisme biblique. D’autre part, elle s’accomplit dans le cri du
Christ en croix. C’est dans ce Fils abandonné qui n’a jamais abandonné son Père
que se confirme la proximité de Dieu son Père. En lui, Dieu recueille les cris
de tant d’hommes et de femmes qui crient vers le ciel leur misère. Le cri du
Christ en croix, tout en désignant la présence de l’événement Dieu, est la
première expression d’une eschatologie au présent dans le christianisme[64].
Ensuite, le deuxième lieu
chrétien sensible à la memoria passionis, c’est la « passion ».
Il s’agit du manque de Dieu, du « pathos de distance »[65],
du « silence de Dieu », du Dieu qui ne s’adapte pas aux attentes
humaines, mais qui suscite les cris et le silence. C’est justement le silence
face au cri de Jésus et de chaque être humain en un certain moment de la vie. C’est
à ce moment que jaillit la théodicée : « jusques-à quand
Seigneur ? ». C’est à ce niveau que se situe le caractère provoquant
de l’espérance chrétienne en Dieu, le mystère négatif. Ce niveau ne tolère en
aucun cas toute réponse mythique, moralisante et esthétique sur Dieu, sur le
‘Dieu souffrant’, sur ‘la souffrance de Dieu’ en lieu et place de l’homme. Metz
le dit en ces termes : « Le Dieu qui, dans quelque circonstance que ce soit,
répond à nos appels, celui dont la transcendance nous épargne la souffrance, ce
Dieu n’existe pas »[66].
C’est dans le cri impuissant et muet de la créature que se vit la passion de
Dieu. En ôtant tout désespoir, la souffrance humaine exhibe le caractère
provocant de l’espérance chrétienne en Dieu invitant la créature à l’obéissance
jusqu’à la croix ou à la pauvreté en esprit. Il s’agit de croire en Dieu contre
toute espérance (cf. Rm 4,18), contre tout appui dans la réalité dont on a
l’expérience. C’est l’abandon du peuple d’Israël entre les mains de Dieu, c’est
le ‘oui à Dieu’ compris comme un ‘souffrir’ par rapport à Dieu, c’est la
souffrance de la remise, de l’abandon entre les mains de Dieu, devenue
inoubliable dans le cri du Christ en croix[67].
Enfin, le troisième lieu
chrétien sensible à la memoria passionis c’est la « con-passion ».
Cette dernière tire sa source dans le cri de Jésus crucifié, dans l’obscurité
de la croix, dans la passion de Dieu. La passion de Dieu devient la
« con-passion ». Autrement dit, la passion de Dieu qui se fait
expérience s’exprime dans la con-passion qui, pour Metz, constitue « la
mystique des yeux grands ouverts qui ne consiste pas à se détourner, à fermer
les yeux devant la souffrance du monde »[68].
Elle est une « mystique du quotidien »[69],
accessible à tous et à toutes demandes. Elle vaut non seulement pour la vie
privée, mais aussi pour la vie publique.
Pour
Metz, la parole « con-passion » qui est au cœur de la foi chrétienne ne
se trouve pas dans la langue allemande[70].
Il ne s’agit pas de « pitié » (Mitleid),
une parole trop sentimentale, apolitique, mais de l’attention prêtée à la
souffrance de l’autre, la participation active à la souffrance de l’autre,
comme tentative de se revoir, de s’évaluer avec les yeux des autres, des autres
souffrants. C’est souffrir-avec. C’est dans ce sens qu’il opte pour un mot
étranger à la langue allemande : « con-passion »[71],
une parole qui manifeste l’autorité de Dieu à travers celle du souffrant, du
malheureux, de celui qui souffre innocemment ou injustement.
Dans
la célèbre parabole du jugement dernier en Mt 25,37-46, baptisée par Metz de «
petite apocalypse »[72],
sont illustrés les critères du jugement de l’humanité : « Seigneur, quand
nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te
désaltérer, étranger et de t’accueillir, nu et de te vêtir, malade ou
prisonnier et de venir te voir ? » (Mt 25,37-39). Dans cette parabole, la
« con-passion » dont parle Jésus s’élargit à toute l’histoire humaine
et constitue une donnée fondamentalement biblique, chrétienne qui, pour Metz,
est capable de façonner le programme universel du christianisme dans le temps
de globalisation ou de mondialisation[73].
En outre, dans cette
parabole s’exprime, non seulement la marque de l’apocalypse qu’est la
conscience de la fin de temps et du jugement, mais aussi la dimension pratique
de la foi chrétienne qu’est l’engagement nécessaire pour les autres, ‘les plus
petits d’entre les frères’ : « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous
l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous
l’avez fait » (Mt 25,40).
Les ‘plus petits’ ne
sont pas présentés comme les équivalents terrestres de Dieu, mais des précurseurs,
des affamés, des assoiffés, des étrangers, des malades, des prisonniers, des
souffrants. Ce sont tous ceux qui font l’expérience du ‘vendredi saint’, du cri
de Jésus. À la fin des temps, chacun rencontrera les pauvres qu’il aurait
servis sur la terre et Dieu lui
demandera des comptes. Déjà après le déluge, au début de l’humanité, Dieu
promet à Noé qu’il demandera à chacun l’âme de son frère (cf. Gn 9,5).
Cette parabole relève des aspects fondamentaux sur le jugement final constituant l’essentiel du christianisme plus important que tous les sacrifices et holocaustes : l’amour de Dieu dans l’amour des plus petits (cf. Mt 25,40 ; Mc 12,33). Ce n’est pas une simple philanthropie comme dans beaucoup d’ONG et associations de bienfaisance, mais la révélation du Christ dans les plus démunis. De la sorte, le jugement final sera christocentrique et christologique renvoyant au Christ comme accomplissement du salut de l’humanité dans sa mort et sa résurrection d’entre les morts. Le ‘JE’ christique prend le visage humain dans l’humanité souffrante. En premier lieu, ce ne sont pas les pauvres, mais le Christ solidaire avec eux. À travers eux, les affamés, les assoiffés, les malades, etc., le Christ révèle le visage du Père. Royon en donne une bonne précision en ces termes.
La substance de l’histoire n’est pas faite d’actes religieux. Il n’est pas question ici de foi confessionnelle ou de pratique d’une religion. La substance de l’histoire est dans le plus quotidien. L’essentiel des actes se réduit au plus banal. La sentence porte sur des actes terre à terre : ‘manger, boire, vêtir, accueillir (l’étranger), soigner (les malades), visiter (les prisonniers)’ [...]. Il y a là un ‘impératif catégorique’ de donation, de suppression de la souffrance : la nécessité absolue d’un agir intrépide de libération de ceux qui sont dénués de tout [...]. Et si on restait là, on pourrait dire que le Jugement de l’histoire s’opère à partir d’un simple humanisme. Au contraire, le récit de Matthieu conduit à une ‘révélation’ inouïe : une stupéfiante conjonction entre la multitude anonyme des démunis et un JE énigmatique : celui du Fils de l’Homme-Roi[74].
En se fondant dans ses
dimensions mystique et politique, la christologie metzienne de la ‘suite du
Christ’, prend sa source dans l’intériorité en Dieu, dans la foi, et s’ouvre à
la société. Elle appelle non seulement à ‘l’écoute’, mais aussi à ‘voir’ :
« mais quand, Seigneur, nous t’avons vu ? [...].
En vérité, je vous dis [...] » (cf. Mt
25, 31-46). Dans cette optique, en conjurant à la connaissance du Christ, la
christologie metzienne renvoie à la rencontre des visages, surtout de ceux qui
souffrent et même de l’ennemi. Bien que l’homme, touché par la misère, avec
toutes ses fragilités et ses limites, ne remplace pas le Christ, l’anticipation
du jugement dernier s’accomplit dans la figure des pauvres, du rapport avec les
plus défavorisés, les plus démunis de la terre. Leur présence dans l’histoire
révèle non seulement que le christianisme et chaque homme ont encore du chemin
à faire pour la construction d’une société humaine où chacun ait sa place, mais
aussi que l’humanité est sauvée par et en Christ dans le rapport avec les plus
démunis.
Cette dimension ouvre à la dernière considération de cette réflexion portant sur la suite du Christ dans ses dimensions mystique et politique.
3.2. La sequela Christi dans ses dimensions mystique et politique
Face à la mémoire de la
souffrance en lien avec le souvenir dangereux et subversif, Metz opte pour la
christologie de la mise en route, de la sequela
Christi. Cette christologie trouve son fondement dans la catégorie
intellectuelle et pratique de la mémoire et du récit de la suite de Jésus,
celui dont le premier regard se tourne en premier lieu non vers le péché, mais vers
la souffrance de l’autre[75]. Elle emprunte le
chemin de Jésus pour arriver vers le Père. Elle ne s’exprime pas par une
relation éthique particulière du chrétien individuel en face de lui-même et à
lui-même, mais oriente vers Jésus. Elle n’est pas une idée, une poésie, une
spéculation, mais une histoire dangereuse qui, à son centre, s’enracine la
pratique de la « suite »[76].
Tout en prenant comme
modèle les Ordres religieux[77],
Metz soutient que « le suivre Jésus » est une exigence de tout
chrétien, par conséquent celui des religieux sert à l’effectivité et au
témoignage de l’unique suite du Christ pour tous des chrétiens. Pour lui,
les Ordres religieux ont toujours été pour la grande Église des correctifs,
c’est-à-dire, une sorte de thérapie de choc opérée par l’Esprit Saint pour
l’Église. Ils représentent la forme institutionnalisée d’un souvenir dangereux
de l’Église [78].
Le Christ, étant non la
grandeur, mais, surtout la voie (cf. Jn 14,6), ce n’est qu’en le suivant que le
chrétien sait sur qui il compte et celui qui le sauve. Dans cette optique, la
‘suite du Christ’ n’est pas une mise en œuvre a posteriori de la christologie ecclésiale mais sa partie centrale.
En se nourrissant de la suite du Christ, la christologie devient par essence un
savoir pratique, une ‘dialectique christologique’, une ‘dialectique de la suite
du Christ’ ou une ‘christologie politique de la suite’. Elle est une
dialectique de la théorie et de la pratique. Pour cela, le savoir
christologique de la suite de Jésus ne se constitue et ne se transmet pas avant
tout dans le concept, mais dans les récits qui racontent la suite de Jésus. Son
aspect narratif et pratique prend en compte l’expérience des hommes comme sa
matière propre et la tradition chrétienne comme des histoires dangereuses. Elle
se développe comme force critique de la société et de l’Église[79].
En 1976, dans sa
conférence tenue à l’assemblée des Supérieurs religieux allemands, Metz
souligne la double dimension de la christologie de la suite du Christ :
La suite de Jésus –
telle qu’on l’expose ici et dans le texte du Synode – indique constamment une
structure double totale. Elle a une composante mystique et une composante ‘de
situation’, pratique et politique. Dans sa radicalité, aucune ne s’oppose à
l’autre ; au contraire, chacune croît en proportion de l’autre. La
radicalité de la suite de Jésus est simultanément mystique et politique[80].
La suite de Jésus a
fondamentalement une composante socio-politique ; elle est simultanément
‘mystique’ et ‘politique’, car elle naît de la foi et s’inscrit dans une
situation historique, politique et sociale donnée et concrète. À ce sujet, Metz
affirme : « on donne, ici, volontairement, au mot ‘politique’ un sens assez
global : il rappelle que la mystique de la suite n’est jamais hors
contexte, qu’elle ne se développe jamais hors du destin social ou de la
situation politique : elle s’épargnerait alors les antagonismes et les
souffrances du monde et s’autoriserait à garder sa propre innocence en restant
à l’écart »[81].
La suite de Jésus est l’honneur rendu à Dieu à travers les différentes
contradictions individuelles et publiques de la vie.
Cependant, la suite de
Jésus est tronquée si elle se cantonne exclusivement dans le mental, dans
l’intériorité, ou limitée à la pratique morale individuelle et prétend
seulement trouver sa légitimité dans le Christ en fermant les yeux à la
souffrance de l’autre. Ce qui compte c’est l’exaucement de ses demandes pour
son salut personnel. Pour Metz, cette ‘suite’ tronquée porte le nom de «
monophysisme moderne »[82].
Par ailleurs, un autre danger de la suite est l’accent mis exclusivement sur
son aspect pratique ou politique la réduisant à une pure dimension sociologique
de l’action, à une œuvre philanthropique. Pour Metz, cette ‘suite’ n’est que la
« jésulogie sans transcendance »[83].
Dans l’entendement de Metz,
la suite du Christ exprime mieux la mystique[84] chrétienne, qualifiée de « mystique des yeux
ouverts »[85].
Elle se réfère au problème politique dans sa sensibilité et son ouverture à
Dieu et aux autres. Elle permet de reconnaître, d’expérimenter et de comprendre
Dieu dans le monde. Avec elle, la foi chrétienne entre dans le contexte
politique, c’est-à-dire, mondial en ouvrant les yeux de la raison pour
découvrir et comprendre la présence de Dieu dans le monde.
La ‘mystique des yeux
ouverts’, inspirée d’une spiritualité politique et d’une mystique politique,
laquelle n’est pas une mystique du pouvoir politique ni de la domination,
appréhende la politique comme un espace décisif pour la foi. La ‘politique’,
qu’est l’ouverture aux autres, fait saisir la foi dans sa dimension
eschatologique comme sequela du Christ dans un contexte
historique. De ce fait, pour Metz, la ‘mystique’ n’est pas un éloignement du
monde et des hommes pour ne s’occuper que de Dieu, une expérience intérieure,
spirituelle guidée par la profondeur de la conscience et de la contemplation du
divin à travers lesquelles l’âme rejoint sa haute perfection, mais l’expérience
de vie enracinée dans la vie quotidienne conduite par la profonde connaissance
du divin présent dans le monde, au moyen de laquelle l’homme rejoint sa
perfection.
La mystique des « yeux
ouverts » trouve son fondement dans la vie même de Jésus et surtout dans
sa passion qui est un ‘souffrir avec’. La passion de Jésus devient la
con-passion[86].
Voilà pourquoi, pour Metz, l’enseignement de Jésus n’a aucune orientation vers
une mystique difficile des yeux fermés[87] comme celle de Bouddha. Il ouvre à la
mystique emphatique ‘des yeux ouverts’, une mystique qui voit de plus et de
moins et rend perceptible la souffrance invisible. De la sorte, la ‘mystique
des yeux ouverts’ se réfère à Dieu comme à l’homme. Elle n’a pas seulement un
caractère divin, soit religieux, mais aussi, un caractère social, soit
politique. Elle découvre la présence de Dieu dans la vie de l’homme. Elle voit
les autres, elle se tourne vers les souffrants. Elle voit Dieu dans le monde.
Elle ne s’enferme pas en face des problèmes du monde, mais elle rend l’homme
sensible à la souffrance des autres. L’autorité de la souffrance est, selon
Metz, l’unique autorité dans laquelle se manifeste l’autorité de Dieu dans le
monde pour tous les hommes. En être conscient construit la voix de la
conscience de l’homme pour la reconnaissance de la souffrance des autres.
La sensibilité à la
souffrance des hommes dépend de la nature même de la foi comprise comme un don
gratuit de la grâce de Dieu et de la grâce saisie comme une expérience sensible
et visible, une expérience socio-historique. L’expérience de Dieu dans un
contexte de souffrance est universelle ; elle n’épargne personne. Elle est
une mystique vécue et enseignée par Jésus lui-même[88],
non avec les ‘yeux fermés’, mais avec ‘les yeux ouverts’ pour percevoir la
souffrance de l’autre et de résister contre des idoles et des démons d’un monde
injuste qui déprécie l’homme[89].
Elle devient, selon Metz, la mystique de la ‘sequela’, c’est-à-dire, une mystique politique de la résistance
contre un monde dans lequel les hommes sont traités et maltraités « etsi Deus non daretur »[90].
Dans le contexte de la
vie terrestre avec toutes ses expériences et menaces, vivre de la foi, est pour
Metz, vivre de la mémoire de Jésus dans le monde[91].
Voilà pourquoi, l’appartenance au Christ n’implique pas la négation du monde,
mais la responsabilité envers lui, la disponibilité de se donner et de
s’engager pour lui en qualité d’un ‘serviteur’. À ce sujet, le Dieu de la foi
se donne dans son amour pour les hommes, pour ‘les plus petits’ comme un
serviteur qui donne la vie (cf. Mc 10,45). Dans ce sens, la ‘mystique des yeux
ouverts’ expérimente Dieu en imitant son amour inconditionnel pour les hommes,
surtout pour les plus petits[92],
et dévient la clef pour connaitre Dieu[93] qui est toujours proche de l’homme.
La sensibilité vers
l’autre qui souffre est une nouvelle manière de vivre à la suite du Christ.
Elle est l’expression plus convaincante de l’amour que Jésus a confié à ses
disciples et attend d’eux (cf. Jn 13,34). C’est dans l’unité entre l’amour de
Dieu et l’amour du prochain que s’inscrit le christianisme dans le monde[94]. L’amour constitue
ainsi la clef d’ouverture de la ‘mystique des yeux ouverts’ au monde. Du point
de vue de la foi, la mystique de la suite du Christ devient la manifestation
contre toute tendance d’objectivation de l’homme.
De ce fait, la
christologie de la suite de Jésus est, d’abord, une christologie sensible à la
théodicée. Elle ne remet pas en question la signification de la passion et de
la croix du Christ, ni nier l’importance du péché dans la prédication de Jésus,
mais prend en considération les nombreuses croix du monde, les tortures, les
innombrables naufrages anonymes afin de stimuler le christianisme à la
solidarité envers l’autre. Ensuite, la christologie de la suite de Jésus est
apocalyptique. Dans l’entendement de Metz, « une christologie sans
apocalyptique se transforme en idéologie du vainqueur »[95].
En stimulant la conscience chrétienne à percevoir la souffrance et le danger
qui menacent l’homme, l’apocalypse est l’attente de la fin des temps, du temps
limité. C’est pour cela que la suite du Christ est une existence radicalement
orientée par l’espérance, avec l’aiguillon de l’apocalypse :
Sans l’attente ferme d’un retour proche du Seigneur, suivre Jésus est invivable ; sans l’espérance que les temps seront raccourcis, c’est insupportable. Suite de Jésus et attente de la fin proche vont l’un avec l’autre comme les deux faces d’une même monnaie. ‘Son’ appel : ‘Viens, suis-moi !’ et ‘notre’ prière : ‘Viens, Seigneur Jésus !’ sont inséparables. Ce n’est pas pour rien que le Testament de la primitive Église, qui s’était mesurée à l’interpellation de cette suite radicale, se termine par le mot : ‘Maranatha : Viens, Seigneur Jésus ![96]
Enfin, la christologie de la suite de Jésus est une invitation à prendre sa croix et à suivre le Christ (cf. Mc 10,38) dans la pauvreté de l’obéissance à Dieu. En s’adressant aux Supérieurs religieux allemands, Metz applique la suite du Christ aux conseils évangéliques de pauvreté, de célibat et d’obéissance. D’une façon particulière, il parle de l’obéissance comme fondement théologique de la suite du Christ. La radicalité de l’obéissance de Jésus, de son ‘Oui’, s’évalue à la mesure même de sa souffrance. Son cri sur la croix est le cri de l’homme abandonné de Dieu, mais qui ne l’a jamais abandonné [97]. Son obéissance renvoie à sa souffrance et le rend solidaire aux souffrants de la terre. Par elle, il transmet l’image lumineuse d’un Dieu qui soulage et libère, qui fait entrer les coupables et les petits dans un avenir nouveau plein de promesses, et qui leur ouvre les bras de la miséricorde de Dieu. De là, une vie à la suite de Jésus se soumet à la pauvreté de l’obéissance comme l’affirme Metz :
Le chemin à la suite du Christ conduit toujours dans l’obéissance au Père qui investit totalement la vie de Jésus ; sans elle, cette vie demeurerait absolument inaccessible pour nous ; c’est dans cette obéissance que la bienveillance de Jésus à l’égard des hommes, sa proximité avec les exclus et les humiliés, avec les hommes pécheurs et perdus, trouvent leur source. Car l’image de Dieu qui ressort de la pauvreté de l’obéissance de Jésus, de son abandon total au Père, ce n’est pas l’image d’un Dieu tyrannique et humiliant ; ce n’est pas non plus l’image d’un Dieu qui ne ferait qu’accentuer les traits de la domination et de l’autorité terrestres. C’est l’image lumineuse du Dieu qui relève et qui libère, qui accorde au coupable et à l’homme humilié un nouvel avenir, plein de promesses : il vient à leur rencontre, les bras ouverts pour leur pardonner. Une vie à la suite du Jésus est une vie qui se soumet à cette pauvreté de l’obéissance de Jésus[98].
La clef pour comprendre
toute la vie du Christ se trouve dans sa pauvreté, exprimée dans son obéissance
au Père jusqu’au don de sa vie. C’est à travers cette pauvreté de l’obéissance
que se nourrit l’amour fraternel du Christ et sa proximité envers tous les
hommes. De la sorte, du point de vue théologique, l’obéissance à Dieu est foncièrement
conformité intérieure à l'être et non pas accomplissement extérieur d'un
commandement.
En somme, la suite de
Jésus, enracinée dans la pauvreté de l’obéissance de Jésus, conduit l’homme au
témoignage vivant du Dieu de l’espérance tout en payant le risque, le sacrifice
du mépris : « Le prix de ce témoignage est élevé, le risque de
l’obéissance est grand, et cela conduit à mener une vie prise entre deux feux.
Jésus n’était ni fou ni rebelle : mais on pouvait le prendre publiquement
pour l’un et l’autre. Hérode, finalement, s’est moqué de lui en le traitant de
fou, c’est en rebelle qu’il a été livré au supplice de la Croix par son peuple
»[99].
Conclusion
La situation socio-politique, économique et les diverses crises en R.D.
Congo montrent clairement que la mémoire congolaise est écrite par le ‘sang’.
Elle est le résultat de la gestion irresponsable de la res pubblica et
du « faux apolitisme des mains pures »[100] prôné dans certaines doctrines. Ils ont raison le physicien Einstein[101] pour qui, « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais
par ceux qui le regardent sans rien faire » ; et le pasteur Luther
King[102] qui, de son tour,
affirme : « ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants,
mais l’indifférence des bons ».
Face au paradoxe
congolais, le christianisme congolais ne peut pas tourner le dos à tant
d’hommes et de femmes qui vivent dans la misère, les massacres et
l’exploitation, ni proclamer du haut de la chair que Dieu est vivant en se
taisant sur les situations d’injustice en vogue ; il doit plutôt
conscientiser le Congolais à prendre son histoire et son destin en main pour
l’amélioration de la condition sociale, économique, religieuse à partir de
l’Évangile du Christ Libérateur. Il s’agit là, d’une part de l’incarnation de
l’Évangile dans des milieux des responsabilités où s’élaborent les dispositions
politiques, économiques, sociales et culturelles du pays ; et d’autre part
d’assumer chacun sa responsabilité.
Point n’est besoin de
sombrer dans le pessimisme, le désespoir sur l’avenir, le christianisme
congolais aujourd’hui doit faire naître un peuple de témoins de la promesse
dont la tâche est de faire surgir du neuf dans l’histoire. L’avenir du pays
dépend du soin que chaque citoyen met à
accomplir les tâches quotidiennes ; les politiciens et les hauts cadres
ont à faire leur travail et les autres citoyens le leur, chacun à son
niveau ; car il serait injuste de rester les bras croisés et de se
plaindre de la crise ! Le travail de tous et de chacun est une des
conditions fondamentales du progrès. Par un travail régulier, efficace,
enthousiaste, responsable, la R.D. Congo ira de l’avant[103].
Voilà pourquoi, cet
article théologique a interrogé non seulement les sources historiques de la
R.D. Congo et de la foi chrétienne pour comprendre la quintessence de la
souffrance, mais aussi poser l’urgence d’un christianisme sensible à la memoria
passionis capable de militer pour un nouvel homme Congolais pour qui,
l’appartenance au Christ n’implique pas la négation du monde, mais la
responsabilité envers lui en qualité de ‘serviteur’. En écoutant le cri
du peuple, et selon la pensée de Bimwenyi Kweshi, tout en restant fidèle au
Christ sans cesser d’être Congolais et fidèle au Congo sans trahir le Christ[104], le christianisme
congolais se mettra à la suite du Christ dans ses dimensions mystique et
politique ; car la suite du Christ a fondamentalement une composante
socio-politique ; elle est simultanément ‘mystique’ et ‘politique’, elle
naît de la foi et s’inscrit dans une situation historique, politique et sociale
donnée et concrète[105].
[1] Jean-Claude Mulekya Kinombe est prêtre
franciscain (ofm) de la Province Saint Benoît l’Africain en R.D. Congo, docteur
en Théologie Fondamentale de l’Université Pontificale Grégorienne de Rome
(2020), professeur-chercheur à l’Université Pontificale Antonianum de Rome et
à l’ISPTK de Kolwezi/RDC. Sa thèse porte sur : La mémoire en théologie
fondamentale pratique de J.B. Metz (1928-2019) et J.M. Ela (1936-2008). Défi
pour le christianisme en R.D. Congo, PUG, Roma, 2020. Enracinés dans la catégorie
théologique ‘memoria passionis’, ses axes de recherche portent sur la crédibilité
de la Révélation chrétienne face à la souffrance des innocents dans le monde et
sur le christianisme africain-congolais. Il enseigne la théologie fondamentale, la théologie
africaine, la théologie politique, l’anthropologie théologique et
l’eschatologie.
Email : mulekyaofm@gmail.com
Tél : 00393510844836
[2] La Mission de l’Organisation des
Nations Unies en R.D. Congo (MONUC) fut créée par la résolution du Conseil de
sécurité n° 1279 du 30 novembre 1999, afin d’élaborer des plans en vue de
l’observation du cessez-le-feu de Lusaka signé en juillet 1999 entre la R.D.
Congo et cinq États de la région (Angola, Namibie, Ouganda, Rwanda et
Zimbabwe), du désengagement des forces, et de maintenir la liaison avec toutes
les parties à l´accord. Tenant compte de l’entrée du pays dans la nouvelle ère,
le 1er juillet 2010, par la résolution n°1925 de 2010, le Conseil de
sécurité change la MONUC en MONUSCO “Mission de
l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique
du Congo” (MONUSCO). Sa nouvelle Mission est de : garantir
la protection des civils, du personnel humanitaire et des défenseurs des droits
de l’homme exposés à une menace de violences physiques, et aider le
gouvernement de la R.D. Congo à stabiliser et à consolider la paix. Cf. https://monusco.unmissions.org/historique, consulté le 11 avril 2021 à
20h20’.
[3] Les Allied Democratic Forces (ADF ou
ADF-Nalu) ou Forces démocratiques alliées constituent un groupe armé ougandais,
fondé en 1995, implanté dans la chaîne Rwenzori, à l’est de la R.D. Congo,
regroupant plusieurs mouvements d’opposition au président Yoweri Museveni.
[4] J.B. Metz,
Mistica degli occhi aperti. Per una spiritualità concerta, Queriniana,
Brescia 2013, p. 20.
[5] J.B. Metz, La foi dans l’histoire et dans la société. Essai
de théologie fondamentale pratique, Cerf, Paris 1979, p. 194.
[6] J.B. Metz, La foi dans l’histoire et dans la société. Essai
de théologie fondamentale pratique, Cerf, Paris 1979, p. 227.
[7] Lire la préface du professeur
Benoît AWAZI MBAMBI KUNGUA, « Dieu et l’Afrique : Une relecture
prophétique, iconoclaste et visionnaire de l’œuvre socio-théologique de
Jean-Marc ELA », à l’ouvrage de César MAWANZI, Jean-Marc Ela : L’humanisme de la raison critique au cœur d’une
pensée politique, L’Harmattan, Paris, 2021.
[8] J.-M. Ela, Le cri de l'homme Africain.
Questions aux Chrétiens et aux Églises d'Afrique, L'Harmattan, Paris 1980, p. 1 ; J. Kouadio,
Jean-Marc Éla ou l’honneur de faire de la
théologie en Afrique. Hommage au théologien africain de la libération, L’Harmattan,
Paris 2015, p. 18.
[9] J.-M. Ela, Ma foi
d’Africain, L’Harmattan, Paris 1985, p. 25.
[10] Cf. J.C. Mulekya
Kinombe, Donner la vie en abondance pour un christianisme congolais
crédible. Au-delà des prétentions du christianisme exaltationiste, l’Harmattan, Paris 2021, p. 89.
[11] F. Varillon,
Joie de croire, joie de vivre, Bayard, Paris 1981, p. 24.
[12] Selon le rapport d’experts de l’ONU du 10 juin
2021, le territoire de Beni a une superficie de 7.484 km2 avec une
population de 1.427.608 dont 50% de Nande, 15% de Babumba, 10% de Batalinga, 6%
de Bapakombe, 6% de Balese et 4% de Pygmées (Basuba, Mbuti). Cf. Conseil de Securite Nations Unies, S/2021/560,
10 juin 2021.
[13] Cf. B. Musavuli,
Les massacres de Beni. Kabila, le
Rwanda et les faux islamistes, Independently
Published, Paris 2018, p. 7-9.
[14] Kä Mana, « Décrypter la tragédie de Beni
pour penser les conditions d’une paix heureuse dans la région des Grands Lacs
», in : Benoît Awazi
Mbambi Kungua (Dir.), La Chine et l’Inde en Afrique. Une approche
postcoloniale et pluridisciplinaire. Suivi de plusieurs articles en théologie,
philosophie et sciences sociales et politiques, Afroscopie VII/2017, (Revue savante et pluridisciplinaire sur
l’Afrique et les communautés noires), publiée par Le Cerclecad-Harmattan,
Ottawa-Paris, 2017, 490 pages, p. 180.
[15] La catégorie théologique de memoria passionis appartient
au théologien allemand Johann Baptist Metz. Cf. J.B.
Metz, Memoria passionis. Un souvenir provocant dans une société
pluraliste, Cerf, Paris 2009 ; J.C. Mulekya
Kinombe, « De la théologie transcendantale à la théologie
fondamentale pratique. Contribution de Jean-Baptiste Metz au monde théologique
actuel », in Antonianum XCV (2020), p. 685-716.
[16] Cf. J.C. Mulekya Kinombe, Donner
la vie en abondance pour un christianisme congolais crédible. Au-delà des
prétentions du christianisme exaltationiste, l’Harmattan, Paris 2021, p. 17.
[17] Cf. G.K. Dessinga, La
révolution du bon sens. L’Afrique à l’heure de la maturité, du courage et de la
responsabilité, L’Harmattan, Paris 2015, p. 38 ; ID, Ma passion
pour l’Afrique, L’Harmattan, Paris 2020.
[18] Cf. Le soir. Encyclopédie
de la Belgique, Bruxelles 2005, p. 76.
[19] Cf. J. Marchal, Morel contre
Léopold II. L’histoire du Congo 1900-1910, t.1, L’Harmattan, Paris 1996, p. 12 ; K.C. Pataya, Jalons pour une
théologie pastorale du pardon et de la réconciliation en Afrique. Cas de la
République Démocratique du Congo (RDC), Louvain-La-Neuve, Bruxelles 2012, p.
50.
[20] C. Braeckman,
Vers la deuxième indépendance du
Congo, Le Cri, Bruxelles 2009, p. 13.
[21] Cf. E. Ndaywel,
Histoire générale du Congo. De
l’héritage ancien à la République Démocratique, Duculot – De Boeck, Paris 1998, p. 561.
[22] R. Cornevin,
Histoire du Zaïre. Des origines à
nos jours, Hayez, Bruxelles 1989, p.
365.
[23] Cf. G. Mukendi
– B. Kasonga, Kabila, le retour du Congo, Quorum, Bruxelles 1997, p. 184.
[24] Cf. O. Lanotte, chronologie de la République Démocratique du
Congo/Zaïre (1960-1997), Grip, Bruxelles 2010, p. 13.
[25] Cf. E. Remacle,
ed., L’Afrique des Grands Lacs : Des
conflits à la Paix ?, Peter
Lang Pub Inc, Bruxelles 2007, p. 48.
[26] Cf. R.G.M. Abogado, Rapport
pour la cour pénale internationale. Document ICC 01/04-01/06, Santiago du
Chili 2009, p. 9.17.
[27] Cf. J.M. Kalere, Code de paix et
de sécurité internationale. Textes fondamentaux sur le processus de paix en
République Démocratique du Congo, CPRS,
Leuven 2010, p. 691-710 ;
O. Lanotte, République Démocratique du Congo, Guerre sans frontière. De
Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila, Grip, Bruxelles 2003, p. 86-95.
[28] Cf. O. Lanotte, République
Démocratique du Congo, Guerre sans frontière. De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph
Kabila, Grip, Bruxelles
2003, p. 86-95.
[29] Cf. J.M. Kalere,
Code de paix et de sécurité
internationale. Textes fondamentaux sur le processus de paix en République
Démocratique du Congo, CPRS, Leuven
2010, p. 691-710 ; O. Lanotte,
République Démocratique du Congo,
Guerre sans frontière. De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph Kabila, Grip, Bruxelles 2003, p.
86-95.
[30] Conference Episcopale Du Congo, Arrêtez de tuer vos frères. « Le sang de ton
frère crie vers moi du sol » (Gn 4,10). Message du Comité Permanent de la
CENCO sur la situation d’insécurité et des massacres à l’Est de la R.D. Congo, Secrétariat Général CENCO, Kinshasa 2021, n°
1.7-8.
[31] T. Diakité, L’Afrique malade
d’elle-même, Karthala, Paris 1986, p. 160.
[32] J.M. Ela, Innovations
sociales et renaissance de l’Afrique Noire. Les défis du « monde d’en bas », L’Harmattan, Paris 1998, p.
252.
[33] N’ayant pas trouvé des
raisons pour la condamnation de Jésus, Pilate, préfet de la Province romaine de
Judée entre 26 ap. J.C. à 36 ou début de 37 ap. J.C., autorisa sa crucifixion
(cf. Jn 19,6). Les Évangiles se réfèrent à lui avec le titre générique de
‘gouverneur’. En tant que préfet, il lui revenait de maintenir l’ordre dans la
province et de l’administrer au plan judiciaire et économique. Par conséquent,
il devait être à la tête de l’appareil judicaire dans le procès de Jésus. Il
percevait aussi les tributs et les impôts pour subvenir aux nécessités de la
province et de Rome. Sa mention dans le Credo est un indicateur très important
montrant que le christianisme n’est pas un programme éthique ou une
philosophie, mais une foi historique, incarnée. La rédemption s’est réalisée en
un lieu concret du monde, la Palestine, à un temps précis de l’histoire,
lorsque Pilate fut préfet de Judée. Cf. J.C. Mulekya Kinombe, Donner
la vie en abondance pour un christianisme congolais crédible. Au-delà des
prétentions du christianisme exaltationiste, L’Harmattan, Paris 2021, p.
76 ; O. Lanotte, République
Démocratique du Congo, Guerre sans frontière. De Joseph-Désiré Mobutu à Joseph
Kabila, Grip,
Bruxelles 2003, p. 241.
[34] Cf. I.N. Maduku, «
Responsabilité sociale et politique de l’Église du Congo », dans M. Moerschbacher, – I.N. Maduku, ed., Culture et foi dans la théologie africaine.
Le dynamisme de l’Église catholique au Congo Kinshasa, Karthala, Paris 2014, p. 86.
[35] Cf. J.C. Mulekya
Kinombe, L’importance de la mémoire, Publibook, Paris 2020,
p. 41.
[36] Cf. Y. Assogba, Jean-Marc
Ela. Le sociologue et théologien africain en boubou, L’Harmattan, Paris 1999, p. 71 ; M. Okam, Sociologie
de Jean-Marc Ela. Les voies du social, L’Harmattan, Paris 2011, p. 17.
[37] Jean-François Bayart est un
politologue français dont la spécialité est la sociologie historique comparée
de l’État. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’Afrique subsaharienne et sur
l’historicité du politique, sa sociologie des gens « d’en-haut » se trouve
développée dans son ouvrage « L’État en Afrique : La politique du ventre
». « La politique
du ventre » est
un concept qui désigne une manière d'exercer l'autorité avec un souci exclusif
de la satisfaction matérielle d'une minorité. Cf. J-F. Bayart, L’État en
Afrique : La politique du ventre, Fayard, Paris 1989.
[38] Kä Mana, «
Décrypter la tragédie de Beni pour penser les conditions d’une paix heureuse
dans la région des Grands Lacs », in : Revue Afroscopie 7 (2017), op. cit., p. 182.
[39] B. Tshiunza
- Kä Mana, Le nouvel homme congolais : une éthique pour
sortir la R.D. Congo de sa crise économique et socioculturelle, Kinshasa 2014, p. 17.
[40] J.M. Ela, Le cri de l'homme Africain.
Questions aux Chrétiens et aux Églises d'Afrique, L'Harmattan, Paris 1980, p. 134.
[41] Cf. François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium sur
l’annonce de l’évangile dans le monde d’aujourd’hui, Cité du Vatican 2013,
n° 205 ; ID., Discours aux membres de la fondation ‘Giorgia la Piro’,
Roma, 23 mars 2018 ; ID., Discorso a un gruppo della Pontificia
commissione per l’America Latina, Roma, 4 marzo 2019. Voir aussi : B.E.
Awazi Mbambi Kungua, Le
Pape François, ‘‘De Laudato si’’ à ‘‘Fratelli Tutti’’. Une Herméneutique
philosophique, politique et théologique, Les Impliqués/L’Harmattan, Paris 2021, 148 pages.
[42] Cf. B.E. Awazi Mbambi Kungua, Le
tournant prophétique des théologies négro-africaines contemporaines. De
l’Auto-Performativité de la Deutérose, L’Harmattan, Paris 2021.
[43]Le théologien allemand Metz le dit clairement : « Gesù non fu sicuramente un
politico. Ma chi potrebbe affermare che il suo messaggio non è politico?
Certamente la politica non è tutto. Ma tutto può essere politico ». J.B. Metz, Mistica degli occhi aperti. Per
una spiritualità concreta e responsabile, Queriniana, Brescia 2013, p.
85.
[44] Cf. P.D. Ndombe, Néo-colonialismes politique et religieux :
les Africains face à leur nouvelle indépendance. Essai d’une théologie politique pour l’Afrique, L’Harmattan, Paris 2011, p. 39-61.
[45] Nella prospettiva
cristiana, « chi di “Dio” non deve chiudere gli occhi. Il cristianesimo non è
un cieco incanto dell’anima, ma insegna una mistica degli occhi aperti ». Cf.
J.B. Metz, Mistica degli occhi
aperti. Per una spiritualità concreta e responsabile, Queriniana, Brescia
2013, p. 81. 101.
[46] Cf. F. Kabasele Lumbala, « Le christianisme congolais et ses dérives
identitaires », Revue
Africaine de Théologies 63-64 (2010), p. 295.
[47] Cf. B. Awazi Mbambi Kungua, Le
Dieu crucifié en Afrique : esquisse d’une christologie négro-africaine de
la libération holistique, L’Harmattan, Paris 2008, 330p.
[48] Cf. J.C. Mulekya
Kinombe, « De la théologie transcendantale à la théologie
fondamentale pratique. Contribution de Jean-Baptiste Metz au monde théologique
actuel », in Antonianum XCV (2020), p. 685-716.
[49]Cf. B. Musavuli, Les massacres de Beni. Kabila, le Rwanda et les
faux islamistes, Independently Published, Paris 2018, p. 7-9.
[50] Cf. J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009.
[51] Cf. J.B. Metz,
« Politische
Teologie und die Herausforderung des Marxismus », in Reihe
23 (1981), p. 181.
[52] J.B. Metz, La foi dans l’histoire et dans la société. Essai
de théologie fondamentale pratique, Cerf, Paris 1979, p. 131.
[53] J.B. Metz, La foi dans l’histoire et dans la société. Essai
de théologie fondamentale pratique, Cerf, Paris 1979, p. 133.
[54] Cf. J.B. Metz,
Memoria Passionis. Un souvenir provocateur dans la société pluraliste,
Cerf, Paris 2009, p. 14.
[55] Cf. J.-M., Ela,
Le cri de l’homme africain. Questions aux chrétiens et aux Églises
d’Afrique, L’Harmattan, Paris 1980 ; J. Kouadio Colbert, Le cri de l’homme africain (1980-2020).
40 ans après, L’Harmattan, Paris 2020, 15-85.
[56] Cf. J.B. Metz,
Memoria Passionis. Un souvenir provocateur dans la société pluraliste,
Cerf, Paris 2009, p. 30.
[57] Cf. Benoit XVI,
Discours de visite au camp de
concentration d’Auschwitz. Auschwitz-Birkenau 28 mai 2006.
[58] Cf. J.B. Metz,
Memoria Passionis. Un souvenir provocateur dans la société pluraliste,
Paris 2009, p. 95.
[59] J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p.
92.
[60] François, Homélie pour la journée mondiale des pauvres
du 18 novembre 2018.
[61] Cf. J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 97-98.
[62] J.B. Metz,
Memoria Passionis. Un
souvenir provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 97-98.
[63] J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Paris 2009, p. 99.
[64] Cf. J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 99.
[65] J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 102.
[66] J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 101.
[67] Cf. J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 67.
[68] J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 103.
[69] Questa mistica della con-passione non è una faccenda elitaria, essa è,
per così dire, mistica del quotidiano, accessibile a tutti e a tutti richiesta.
Essa non vale soltanto per l’ambito della nostra vita privata, ma anche per la
vita pubblica, per una vita politica. Cf. J.B. Metz,
Povertà nello spirito – Passione e
passioni, Queriniana, Brescia
2007, p. 68.
[70] Cf. J.B. Metz, « Proposta
di programma universale del cristianesimo nell’età della globalizzazione », in R. Gibellini, ed., Prospettive
teologiche per il XXI secolo, Queriniana, Brescia 2003, p. 395.
[71] J.B. Metz, « Proposta di
programma universale del cristianesimo nell’età della globalizzazione », p. 395.
[72] J.B. Metz – Tiemo Rainer
P., Passione per Dio. Vivere da religioso oggi, Queriniana, Brescia 1992, p. 37.
[73] Cf. J.B. Metz, « Proposta
di programma universale del cristianesimo nell’età della globalizzazione », p. 395.
[74] C. Royon, « Le jugement
dernier relu par S. Breton », in Revue Theologique de Louvain 26-3
(1995), p. 462-463.
[75] «Il primo sguardo di Gesù non fu diretto al peccato degli altri, ma al
dolore degli altri. Per lui il peccato rappresentava non da ultimo il rifiuto (Verweigerung)
di partecipare al dolore altrui, rifiuto (Weigerung) di pensare al di là
dell’oscuro orizzonte della propria storia di sofferenza[…] E cosi il
cristianesimo prese avvio come comunità di memoria e di narrazione nella
sequela di Gesù, il cui primo sguardo fu rivolto al dolore altrui». J.B. Metz, Memoria Passionis. Un souvenir provocateur dans la
société pluraliste, Cerf, Paris
2009, p. 153.
[76] J.B. Metz, Mistica degli occhi aperti. Per une
spiritualità concreta e responsabile, Queriniana, Brescia 2013, p. 175.
[77] Cf. J.B. Metz,
Un temps pour les ordres
religieux?, Cerf, Paris
1981, p. 21-57.
[78] Cf. J.B. Metz,
Un temps pour les ordres
religieux?, Cerf, Paris
1981, p. 10-11.
[80] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 1981, p. 36.
[81] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 1981, p. 36.
[82] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 19981, p. 38.
[83] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 19981, p. 39.
[84] Cf. E. Ancilli, « La
mistica: alla ricerca di una definizione », in M.
Paparozzi, ed., La mistica. Fenomenologia e riflessione teologica, voll.
2, Roma 1984, p. 17; J. Lhermitte, Mistici e falsi mistici, San Paolo, Milano 1952, p. 7.
[85] Cf. J.B. Metz, Mistica degli occhi aperti. Per une
spiritualità concreta e responsabile, Queriniana, Brescia 2013, p. 177-178.
[86] Cf. J.B. Metz, Mistica degli occhi aperti. Per une
spiritualità concreta e responsabile, Queriniana, Brescia 2013, p. 56-59; J.B. Metz – P. Tiemo Rainer, Passione per Dio. Vivere da religiosi oggi, Queriniana, Bresca,1992, p.
36-37; J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 158.
[87] A ce sujet, Metz écrit: « La mistica che Gesù ha vissuto ed insegnato,
e che avrebbe poi ispirato pure il logos della teologia cristiana, non è una
mistica inaccessibile degli occhi chiusi, ma la mistica empatica degli occhi
aperti (vedi ad esempio Lc 10,25-37). Ed è vano cercare, al fuori di queste
percezioni, il Dio di Gesù ». J.B. Metz,
« Con gli occhi di un teologo europeo », Concilium 232 (1990), p. 127.
[88] Cf. J.B. Metz, « Con gli
occhi di un teologo europeo », Concilium 232 (1990), p. 127.
[89] Cf. F.X. Kaufmann – J.B.
Metz, Capacità di futuro. Movimenti di ricerca nel cristianesimo, Queriniana, Brescia 1988, p. 104.
[90] Cf. J.B. Metz, Sul concetto della nuova teologia politica
1967-1997, Queriniana, Brescia
1998, p. 108.
[91] Cf. J.B. Metz, Sul concetto della nuova teologia politica
1967-1997, Queriniana, Brescia
1998, p. 95.
[92] Cf. J.B. Metz,
Pour une théologie du monde, Cerf, Paris 1970, p. 100-102.
[93]
Cf. J.B. Metz, Sul concetto della nuova teologia politica
1967-1997, Queriniana, Brescia
1998, p. 102.
[94] C’est cela que Moingt qualifie de « l’esprit du christianisme ».
C’est une faculté du jugement, rendu à l’esprit de l’homme comme partage d’un
bien commun et appel à l’entraide. Cf. J. Moingt,
L’esprit du christianisme, Temps Présent, Paris 2018, p.
277.
[95] J.B. Metz, Memoria
Passionis. Un souvenir
provocateur dans la société pluraliste, Cerf, Paris 2009, p. 60.
[96] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 1981, p. 61.
[97] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 1981, p. 54.
[98] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 1981, p. 107.
[99] J.B. Metz,
« Notre espérance. La force de l’Évangile pour la gestation de l’avenir
», in Concilium 110 (1976), p. 111.
[100] F. Varillon,
Joie de croire, joie de vivre, Bayard, Paris 1981, p. 24.
[101] Né le 14 mars 1879 à Ulm, dans le Wurtemberg, en
Allemagne, et mort le 18 avril 1955 à Princeton, dans le New Jersey, Albert
Einstein est un grand physicien théoricien. Il est auteur de la célèbre formule
E=mc2.
[102] Pasteur baptiste et militant non-violent
afro-américain pour le mouvement des droits civiques des Noirs américains aux
États-Unis, Martin Luther King Jr. est un fervent militant pour la paix et
contre la pauvreté. Il est né à Atlanta, en Géorgie, le 15 janvier 1929, et
mort assassiné le 4 avril 1968 à Memphis, dans le Tennessee.
[103] Cf. J.C.
Mulekya Kinombe, L’importance de la mémoire, Puplibook, Paris
2020, p. 68.
[104] Cf. O. Bimwenyi Kweshi, Discours
théologique négro-africain. Problèmes des fondements, Présence africaine, Paris
1981, p. 154.
[105] J.B. Metz, Un temps pour les ordres religieux?, Cerf, Paris 1981, p. 36.
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