Le sabbat une dîme sanctifiante et recréatrice de l’homme et du cosmos Lecture rabbinique de l’Exode 20,8-11

 

Le sabbat une dîme  sanctifiante et recréatrice de l’homme et du cosmos

Lecture rabbinique de l’Exode 20,8-11

Père Lambert Malungu, sdb
Institut de théologie saint François de Sales, Lubumbashi


Introduction générale

 

 Pour une meilleure appréhension du sens du précepte sabbatique, il nous semble important de confronter les textes bibliques avec  la littérature rabbinique[1]. Notre enquête sera focalisée sur l’étude exégétique systématique du texte de l’Exode 20,8-11, texte, qui au cœur du décalogue formule d’une manière excellente le précepte du sabbat ; surtout par la répétition du verbe « sanctifier » qui souligne la caractéristique essentielle de ce jour. C’est surtout ce texte Ex 20,8-11 et celui du Dt 5,12 qui est la seconde version des mêmes paroles, qui pourraient donner une clef de lecture pour une compréhension appropriée du parler néotestamentaire concernant le sabbat[2]. Voilà pourquoi Ex 20,8-11  est au centre de notre étude. En effet,  « Le sabbat est un jour « saint », distinct des six autres jours de la semaine. Israël est appelé à lui reconnaître cette sainteté à la suite d'Adonaï. Pour ce faire, il mettra à part le septième jour (v.10) en cessant de faire ce qui l’occupe le reste de la semaine, à savoir faire son ouvrage (v.9), lui et ceux qui dépendent de lui. Ce faisant, il imite le Créateur des cieux et de la terre qui, après avoir organisé et peuplé les espaces, a parfait le rythme du temps en instaurant une alternance entre les six jours de travail et le septième où il s’est reposé, bénissant ainsi le sabbat (v.11) »[3].

            Dans le cadre de la redécouverte du sens du sabbat, et par conséquent  de la redécouverte du sens du « Jour du Seigneur »[4] pour nous chrétiens aujourd’hui, l’étude de ce texte s’avère incontournable. Aussi, disons-le, avec l’investigation sur le  sabbat nous sommes au cœur des traditions juives qu’un chrétien doit nécessairement connaître. Car, le plus souvent, les chrétiens ignorent leur propre histoire et tradition. Ils ignorent même que l’Ancien Testament était la Sainte Écriture de notre Seigneur Jésus Christ et également des  premiers chrétiens, et que la terre d’Israël était non seulement le lieu de la naissance de Jésus mais aussi le lieu où il a exercé son ministère, où il est mort et ressuscité. Donc, la culture juive était l’unique culture dans laquelle notre Seigneur Jésus Christ était immergé. L’ignorer, c’est donc mal connaître le Christ.

            Le premier chapitre veut présenter quelques textes bibliques et de la littérature rabbinique qui parlent du sabbat. Nous le clôturerons en parlant de Jésus et du commandement sabbatique. Notre intention n’est pas d’exposer l’aspect historique du sabbat, mais plutôt de montrer à travers les différents textes l’évolution de ce concept et son sens le plus profond, l’alliance entre Dieu et son peuple dans une consécration sanctifiante du temps : défi majeur de l’homme moderne. Le deuxième chapitre présente l’exégèse du texte de l’Exode 20,8-11 selon la perspective rabbinique. Nous analyserons les paroles importantes et nous les discuterons à la lumière de certains commentaires rabbiniques pour en dégager le message pour nous, aujourd’hui. Enfin, le dernier chapitre se concentrera d’une manière synthétique sur l’étude de la liturgie du sabbat, car pour sanctifier le sabbat, il faut le célébrer dans la synagogue. Ainsi présenterons-nous la liturgie du sabbat dans ses moments principaux: la veille du sabbat, c’est-à-dire le vendredi soir, et le jour du sabbat même, toute la journée du samedi.

But et Méthode

            Pourquoi cet article ? Il est ici question d’une première approche très modeste de l’une des plus importantes traditions juives, le sabbat, à l’usage de nos étudiants en théologie de l’Institut Saint François de Sales. Car, chaque fois que nous lisons avec eux les textes du Nouveau Testament[5] (les synoptiques et le quatrième évangile) qui touchent à la pratique du sabbat, ils expriment le désir d’en connaître davantage. Leur désir de connaître cette belle tradition juive nous a poussé à écrire ces modestes  pages. Sans eux, celles-ci n’auraient jamais pu voir la lumière, ce dont nous leur savons gré. Notre  réflexion se situe à un double niveau, à savoir : au niveau de l’appréhension de cette pratique à travers les textes bibliques et la littérature rabbinique, et de sa célébration liturgique. Le but n’est certes pas de faire le tour d’horizon de la question, mais d’offrir aux lecteurs (nos étudiants en théologie) une matière facile pour une appréhension moins technique du sabbat dans une perspective rabbinique.  Pas plus qu'ils ne peuvent ignorer la littérature rabbinique, ils ne peuvent méconnaître l’importance de la liturgie juive, qui constitue l’arrière-plan religieux des évangiles. Aussi, cet article s’insère-t-il dans le cadre du dialogue judaïsme-christianisme[6].

            Sans doute « le sabbat est une institution essentielle, tant dans la Bible que dans le Judaïsme. Dans les églises chrétiennes, elle a pourtant disparu, comme occultée par le « Jour du Seigneur » où se célèbre la résurrection de Jésus. Néanmoins, un chrétien ne perdra pas son temps en se penchant sur ce que la Bible dit du sabbat. Non seulement il pourra corriger l’image si peu nuancée qu’on s’en fait parfois. Mais il découvrira sans doute dans le sabbat (surtout  dans sa célébration  liturgique[7]) juif une richesse de sens que ne permet guère de soupçonner ce qu’en dit le Nouveau Testament[8].» En outre, il appréciera la dévotion, la beauté et la rigueur avec laquelle on le célèbre. Ainsi découvrira-t-il comment le jour du sabbat, un juif croyant consacre son temps à Dieu. De là, il saisira  que le sabbat est « une dîme sur le temps »[9], sanctifiante et recréatrice de l’homme et du cosmos. Cette appréhension de choses pourrait l’aider à enrichir sa manière de célébrer le « Jour du Seigneur » et d’en vivre comme  jour d’écoute de la Parole de Dieu, de prière et  mieux encore jour  de rencontre fraternelle avec ses frères et sœurs dans la communauté ecclésiale et dans sa propre famille : jour de la consécration de son temps au Seigneur et au prochain. En effet, écrit Jean-Paul II, « Le devoir de sanctifier le dimanche, surtout par la participation à l’Eucharistie et par un repos riche de joie chrétienne et de fraternité, se comprend bien si l’on considère les nombreuses dimensions de cette journée, (…). C’est un jour qui se trouve au cœur même de la vie chrétienne. Si, depuis le début de mon pontificat, je ne me suis pas lassé de répéter « N’ayez pas peur ! Ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! ». Je voudrais aujourd’hui vous inviter tous avec insistance à redécouvrir le dimanche : N’ayez pas peur de donner votre temps au Christ ! Oui ouvrons notre temps au Christ pour qu’il puisse l’éclairer et l’orienter. C’est lui qui connaît le secret du temps comme celui de l’éternité. Enfin, avec Fréderic Manns nous soulignons : « Pour mieux apprécier la beauté de la liturgie chrétienne, il faut commencer par étudier la liturgie Juive. »[10] En termes plus simples : ignorer le judaïsme, c’est se condamner à ignorer le milieu du Nouveau Testament et de l’Église primitive.

            Pour plus de clarté, la méthode suivie sera linéaire et descriptive, spécialement, dans la partie liturgique du sabbat. Nous décrirons les différentes parties de sa célébration. Par contre, dans la première partie et la partie consacrée à l’analyse du texte de l’Exode 20,8-11, la méthode sera herméneutique.

                1.    L’arrière-plan[11]: le sabbat dans la Bible et dans la littérature rabbinique

 

Introduction

            Le sabbat revêt une importance capitale dans l’Ancien Testament en général et en particulier dans la littérature rabbinique. Pour essayer d’illustrer cette assertion, il sied de présenter une étude statistique du terme « sabbat » dans l’A.T. Celui-ci a une occurrence considérable parmi les institutions religieuses vétérotestamentaires, c’est-à-dire les temps sacrés[12]. Par sa récurrence périodique, il revient 117[13] fois dans l’A.T. Et, dans la littérature rabbinique, force est de constater que le Midrash et le Talmud en soulignent le caractère singulier : « Le sabbat est le centre et la fontaine de la religion juive ». En effet, pour les rabbins, l’observance du commandement sabbatique équivaut aux autres préceptes (Exode Rabba 25,12). A notre humble avis, la valeur essentielle du sabbat dans l’A.T, aussi  bien que dans la littérature rabbinique, réside surtout dans le fait qu’il est le signe identitaire[14] par excellence pour l’homme de l’A.T. et du judaïsme.  Car l’identité d’un peuple se définit toujours à travers des rites. Le sabbat est l’un d’eux (rites essentiels du judaïsme). Il rythme le temps tandis que la circoncision marque le corps[15]. Nous dirons aussi un mot sur le sabbat d’après les manuscrits de la mer Morte.

            Ce thème[16] rebondit dans le Nouveau Testament. D’une part, le NT nous révèle que Jésus ainsi que ses disciples ont participé à la célébration du sabbat dans la synagogue ; d’autre part, le NT nous montre que le commandement sabbatique était l’un des points de la controverse entre Jésus et les pharisiens. Il était même un point de son accusation  (Mc 3,1-6 ; Jn 5,16 ; 9,16). Les derniers contextes dans le NT où est évoqué le sabbat sont ceux qui parlent des funérailles et de la résurrection de Jésus (Mc 15,42, Lc 23,54 et Jn 19,31).  Notre  objectif dans ce premier chapitre consiste à présenter un tableau synthétique des récits annonçant les préceptes du sabbat dans la Bible ainsi que dans la littérature rabbinique comme arrière-plan de l’appréhension de l’étude exégétique du texte de l’Exode 20,8-11. Cette trajectoire nous aidera à décrire l’évolution théologique de ce concept  pour ainsi arriver à bien dégager son sens théologique le plus profond pour nous aujourd’hui.

        1.1.        Le Décalogue

            On ne peut pas parler du sabbat sans le situer dans son corps vital qu’est le décalogue. Celui-ci est le texte fondamental en ce qui concerne la loi de l’Ancien Testament. Il a comme caractéristique le fait que Yhwh transmet la loi directement au peuple, sans la médiation de Moïse (Ex 20,1 ; Dt 5,4). Ceci montre la grande considération avec laquelle la communauté tenait à cette parole. C’est ainsi que le judaïsme en a fait sa première parole. De plus, c’est Dieu qui l’a écrite sur deux tables de pierre (Ex 24,12 ; Dt 5, 22). Ce décalogue «éthique» existe sous deux formes dans la Torah : en Ex 20,1-17 et en Dt 5,6-21. Il faut signaler en outre que la Torah présente beaucoup de formulations plus ou moins semblables (Ex 34,17-26 ; Dt 27,15-26 ; Lev 19). Seulement Dt 5,6-21 constitue un parallèle étroit de Ex 20,1-17. Un autre élément important à signaler est le fait que le décalogue est unique, c’est-à-dire qu’il est en connexion d’une manière particulière avec l’alliance.[17] La centralité du décalogue consiste surtout dans le fait de donner la vie et de la transmettre. Le Décalogue contient une ouverture vers l’« autre». En fait, Il n’y a pas de Torah sans éthique du futur[18]. C’est dans le contexte de l’alliance qu’il faut comprendre le commandement du sabbat. En effet, ce qui caractérise le sabbat, c’est qu’il est « sanctifié par sa relation avec le Dieu de l’Alliance et qu’il est l’élément essentiel de cette alliance. Le « jour tabou » d’autres religions devient le jour « consacré au Seigneur », une dîme sur le temps, comme les premiers-nés du troupeau et les prémices de la récolte sont une dîme sur le travail des autres jours. C’est pourquoi le sabbat apparaît comme une clause de différents pactes de l’alliance : pacte primitif du Sinaï, qui est le Décalogue ; le pacte de la fédération des tribus, qui est le code de l’alliance, Ex 23,12 et son parallèle, Ex 34,2[19].

            Une lecture  Synoptique du  commandement sabbatique (Ex 20,8-11 // Dt 5,12-15)

            En lisant Ex 20,8-11, on se rend compte que la motivation du commandement du sabbat est différente de celle du Dt 5,12-15. En Ex 20,8-11 il est écrit : « Car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour, c'est pourquoi Yahvé a béni le jour du sabbat et l'a consacré.» Par contre, en Dt 5,12-15 : « Tu te souviendras que tu as été en servitude au pays d'Égypte et que Yahvé ton Dieu t'en a fait sortir d'une main forte et d'un bras étendu ; c'est pourquoi Yahvé ton Dieu t'a commandé de garder le jour du sabbat.» Nous pouvons dire qu’Ex 20,8-11 fonde le sabbat sur le repos du créateur.[20]

            En effet, le fondement en six jours de l’univers et de tout ce qui l’habite par la parole créatrice de Dieu, aboutissant dans la célébration, par Dieu lui-même, d’un repos sabbatique le septième jour prouve que la création peut, grâce à la bénédiction, fonctionner pour elle-même (Gn 1), tandis que Dt 5,12-15 le rattache à la sortie d’Égypte. La différence principale entre les deux textes concerne la justification du sabbat. L’élément qui, en Exode, légitime le sabbat est le repos sacerdotal de Yahvé après la création (Gn 2,1-3), alors qu’en Dt 5,12-15 c’est la libération de la servitude en Égypte. Notons que les deux arguments justifient le repos sabbatique. Les deux textes parlent de liberté par rapport au travail pour ne pas en devenir l’esclave[21]. Cette implication entre les textes est soulignée aussi par Hans Ausloos, dans son article Jésus et l’idolâtrie du sabbat quand il montre que les termes hébreux qui rendent le sens de commémorer (zkr) et d’observer (smr) s’impliquent les uns les autres. Cela ressort de la traduction, fidèle au texte source, du Psaume 103,18, dans laquelle les deux verbes sont mis en parallèles : « ceux qui observent son alliance, et commémorent ses consignes »[22].

            Dans la Genèse, le repos de Dieu met la parole «fin» à la création. Le repos de Dieu est une action divine qui donne aux choses créées un rythme de travail/repos. Seulement quand ce rythme est respecté, la création correspond aux intentions de Dieu. Autrement, la création tombe dans le chaos. Dt 5, 12-15 parle de l’origine du sabbat à partir de la libération de la servitude en Égypte, ce texte présente les préoccupations humanitaires du sabbat. Le sabbat est une institution fondamentalement égalitariste. Le repos du sabbat est pour tous: riches et pauvres, maîtres et esclaves, les êtres humains et les animaux. Ces préoccupations humanitaires du sabbat est un pont vers les commandements qui concernent les relations interpersonnelles.

1.1.1.  Le repos du Créateur (Gn 2, 2-3)[23]

            L’origine du sabbat est donnée dans le livre de la Genèse. Mais le nom de sabbat n’y apparaît pas encore explicitement. Nous lisons : « Dieu acheva au septième jour l’œuvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute  l’œuvre qu’il faisait. Dieu bénit le septième jour et le consacra, car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait créée par son action ». Au septième jour Dieu cessa de travailler, il bénit ce jour et le déclara saint (vDEÞq;y>w: y[iêybiV.h; ~Ayæ-ta, ‘~yhil{a/ %r<b'Ûy>w:). Rachi fait un beau commentaire[24] sur ce thème du repos du créateur. Il répond à la question : que manquait-il au monde ? La réponse est simple : le repos. Le sabbat est venu, et avec lui le repos.

            Selon l’histoire[25], la mise en rapport du repos hebdomadaire de la création en sept jours n’est pas la plus ancienne. Elle apparaît au plus tôt pendant l’exil de Juda, au moment où l’institution du sabbat prend la forme que reflète la plupart des textes bibliques. Mais dans la mesure où elle lie le sens du sabbat à l’essence même de l’univers, ce qu’évoque au fond la première page de la Genèse, cette interprétation acquiert une antériorité logique ou, plus exactement, théologique. L’insistance sur le septième jour est forte. Comme l’indique une autre répétition «toute son œuvre...», ce jour Dieu met un terme à l’entreprise de la création. Pendant six jours, Dieu déploie une intense activité de maîtrise. Par la seule force de sa parole, il sépare les éléments du chaos qu’il organise pour aménager un espace où la vie puisse être accueillie et se développer. Puis il fait  appel à la vie animale et humaine qui peupleront cet espace.

1.1.2.  La pratique du Sabbat dans l’Ancien Testament

            Le repos du sabbat était conçu par la loi[26] de façon très stricte : interdiction d’allumer du feu (Ex 35,3), de ramasser du bois (Nb 15,32s), de préparer de la nourriture (Ex 16,23s). Au témoignage des prophètes, son observance conditionnait la réalisation des promesses eschatologiques (Jr 17,19-27 ; Is 58,13s). Aussi voit-on Néhémie tenir ferme à sa pratique intégrale (Ne 13,15-22), un texte qui montre comment Néhémie donne les injonctions de fermer les portes de la ville reconstruite pendant le sabbat pour empêcher qu’on puisse faire du commerce le jour du sabbat. Cette péricope prescrit également que le sabbat commence au coucher du soleil.

            Pour sanctifier ce jour (Dt 5,12), il y a «convocation sainte» (Lv 23,3), offrande de sacrifices (Nb 28,9s), renouvellement des pains de proposition (Lv 24,8; 1Ch 9,32). En dehors de Jérusalem[27], ces rites sont remplacés par une assemblée de la synagogue, consacrée à la prière commune et à la lecture commentée de l’Écriture sainte. A l’époque des Maccabées, la fidélité au chômage du sabbat est telle que des Assidéens se laissent massacrer plutôt que de le violer en prenant les armes (1M 2,32-38). Vers le temps du Nouveau Testament, on sait que les Esséniens l’observent dans toute sa rigueur, tandis que les docteurs pharisiens élaborent à son sujet une casuistique minutieuse.

 

1.1.3.  Le sabbat dans la littérature rabbinique[28]

            Le Midrash est encore plus profond que l’A.T. quant à l’observance  du sabbat. Il affirme : «Le sabbat a épousé Israël». Par Israël, il faut entendre la communauté des hommes qui acceptent d’être régis par une loi qui les pousse à aller au-delà d’eux-mêmes. Mais entre le temps et l’homme, il y a une alliance dans laquelle la femme représente le sabbat. Dans le Midrash les termes tels que : la «reine du sabbat ou la reine sabbatique» abondent. Toute la liturgie du sabbat dans la synagogue tourne autour de ces images.

            Le vendredi soir, on entonne un beau chant qui a pour titre «Lekhah dodi[29]» : «Viens mon bien aimé à la rencontre de la fiancée ! Allons accueillir le sabbat !  Accueillons le sabbat...» En outre, le Midrash souligne la valeur éducative du jour du sabbat. Il est le jour par excellence de l’initiation à la foi des enfants de la part des parents. En effet, la transmission de la foi aux enfants est la première mission de chaque famille hébraïque. On commence quand l’enfant est encore très petit. Cet élément est aussi  fortement souligné dans le Code of Jewish Law du Rabbi Salomon où il précise que l’initiation à la Torah des enfants a une base biblique (Pr 22,6)[30].

            Dans la littérature rabbinique, on rencontre, en outre,  tout un tas d’adjectifs et d'expressions qui montrent l’importance singulière de ce jour saint : le sabbat, la reine de tous les jours; qui honore le sabbat est honoré par le Seigneur; le sabbat donne une âme supplémentaire; le repas du sabbat, le repas du paradis; le sabbat n’est pas un jour de tristesse; durant le sabbat la colère est un double péché; le sabbat, une guérison de l’esprit; le sabbat l’unique jour béni; le sabbat est la figure de l’éternité; le sabbat est le jour de paix et de joie.

            Ces adjectifs et expressions montrent que le jour du sabbat est un jour exceptionnel et doit être célébré avec une grande dévotion, joie, action de grâce et paix. Dans cette ligne le verset de l’Ex 35,3 doit être interprété dans le sens de ne pas allumer le feu de la dispute ni non plus le feu de la colère. Il faut vivre le jour du sabbat en paix. Enfin, d’autres éléments qui mettent ce jour en relief dans la littérature rabbinique sont des traditions culinaires. Cela signifie que le judaïsme aborde l’homme dans sa totalité. Il ne sépare pas le «spirituel» du «temporel», c’est pour cette raison que des règles alimentaires viennent régir les repas. Dans ce sens l’expression «manger cachère» signifie se conformer par son alimentation à l’ensemble des prescriptions bibliques et talmudiques. Pour compléter cette liste, il faut y ajouter le mode vestimentaire. Durant le sabbat, on ne s’habille pas comme les jours ordinaires. C’est pourquoi, l’homme doit observer le sabbat, le célébrer avec un repas copieux et de beaux habits, comme disent les sages[31].

            Ainsi très tôt dans la pensée juive[32], le sabbat était le jour du rafraîchissement spirituel. Il est vu comme une opportunité pour l’homme d’imiter son créateur qui s’est reposé le septième jour. L’homme, aussi, doit se reposer de ses jours de travail dans le but de se consacrer lui-même à la contemplation et d'améliorer son caractère. Les philosophes juifs de l’époque médiévale ont tendance à développer la nature symbolique de ce jour.

                Pour Maïmonide, le sabbat a un  double sens : le sabbat enseigne la vraie opinion que Dieu a créé le monde et qu'il prévoit l’homme avec un repos physique et rafraîchissant. Selon Isaac Arma, le sabbat enseigne trois principes juifs fondamentaux : croire en la creatio ex nihilo, en la révélation (parce que le sabbat est un temps où la Torah est étudiée) et croire dans l’eschatologie. Juda Halevi, quant à lui, pense le sabbat comme une opportunité que Dieu donne aux hommes de se réjouir complètement du repos du corps et de l’âme. Samson Raphaël va plus loin, il comprend l’interdiction de travailler le jour du sabbat comme une leçon pour l’homme de connaître son créateur comme créateur de tout ce qui existe. Selon lui, il est permis à l’homme d’avoir de l’autorité sur le monde pour six jours dans la ligne de la volonté de Dieu, mais il est interdit le septième jour de faire sa propre volonté. Dans chaque sabbat, l’homme restaure le monde pour Dieu, comme il était, et ceci proclame qu’il jouit seulement de l’autorité qui vient de Dieu.

1.1.4.  Le sabbat dans les manuscrits de la mer Morte

      Ici nous nous référons au fameux article de H. Ausloos[33]. Selon lui, les manuscrits de la mer Morte montrent que le sabbat était très important dans le judaïsme des derniers siècles avant le début de l’ère chrétienne. D’après notre auteur, sous ce rapport, le document de Damas, mérite d’être mentionné d’une façon particulière. Dans le cadre des études relatives au sabbat, ce sont surtout la dixième et la onzième colonne (X, 14-XI, 18) qui importe. Dans ces écrits, nous trouvons l’énumération des actions interdites le jour du sabbat, par exemple : le jour du sabbat, personne ne dira un mot fou ou irréfléchi et on ne parlera pas d’occasions relatives au travail ou d’occupations qui seront effectuées le jour suivant. Le jour du sabbat, on ne traquera pas son bétail afin de le mener hors de la ville et personne n’empoisonnera la vie de son esclave ou de son journalier. On a trouvé d’autres consignes dans ce document qui font signes d’une fermeté exceptionnelle, à savoir : « Personne n’aidera un animal dans la mise bas le jour du sabbat. Si un animal tombe dans un puis ou une cavité, il ne le délivrera pas le sabbat ». A l’égard de l’homme en danger, le texte est encore plus impitoyable : « On ne retira pas un homme vivant, tombé dans une mare ou une source, que ce soit avec une échelle, une corde ou un autre moyen ». Nous ne saurons pas présenter ici tous les détails sur la pratique du sabbat dans ce document.

1.1.5.  Jésus et le commandement du Sabbat[34]

            Dans les Évangiles, plusieurs récits mettent Jésus en scène un jour de sabbat dans des situations de deux types : d’une part, on le voit se rendre à la synagogue prendre la parole pour enseigner et y faire la lecture (Mc 1,21-22 // Lc 4,31-32;  Mc 6,1-6 // Lc 4,16-21); d’autre part, son attitude, face aux pratiques du sabbat, provoque des polémiques avec les pharisiens. Pour ce second cas, le matériau est abondant (Mt 12, 1-14, Mc 2,23-3,6 et Lc 6,1-11), les guérisons d’une femme courbée et d’un hydropique, deux récits propres à Luc (Lc 13,10-17 et 14,1-6), et deux autres guérisons en Jean, celle du paralysé de la piscine de Béthesda (Jn 5,1-18, prolongé en 7,22-23) et celle de l’aveugle-né (9,13-16). 

            En s'appuyant sur cet ensemble de textes, certains exégètes ne sont pas d’accord que Jésus se soit opposé au commandement sabbatique. En effet, ils font remarquer que ces récits ont certainement reçu leur forme définitive dans l’Église primitive en conflit avec le rabbinat juif de son temps ; en effet ce sont les disciples et non Jésus lui-même qui s’est mis en cause face aux pharisiens, et leur discussion avec leurs adversaires trahit tous les caractères des conflits entre la synagogue et les chrétiens avant la rupture définitive décrétée par l’assemblée de Yamnia. Cela ne signifie pas, cependant, que le conflit n’ait pas commencé du vivant de Jésus.

            Des 63 traités qui composent la Mishnah, celui qui est consacré au sabbat est le plus important, le plus long. Rabbi Nathan rappelle le texte [35]: « profane un seul sabbat pour que tu puisses en garder beaucoup ». Un autre fait se trouve dans Mt 12,2. Dans ce passage les pharisiens n’accusent pas les disciples de Jésus de vol, mais d’enfreindre la réglementation du sabbat; les pharisiens assimilent le geste des disciples à un véritable travail agricole; plus tard, un commentaire rabbinique du sabbat (Gemara sabb. 128a, b) précisera: « il est permis d’arracher avec la main et de manger (le jour du sabbat), mais il n’est pas permis d’arracher avec un outil... ».  Un autre texte que nous pouvons citer à ce sujet est celui de Mt 12,9-11. Sur un point fondamental, cette péricope fait passer la miséricorde active : eleoj, v.7 avant les devoirs religieux (qusi,a), ce mot nous fait toucher un thème important, il ne s’agit pas de conflits portant spécialement sur le culte  du temple et les prêtres, mais d’un sujet beaucoup plus brûlant vers les années 80 (dix ans après la destruction du temple): la relation entre le respect dû au sabbat et l’amour de l’« homme » (a;nqrwpoj v.10s); on remarquera ce terme très général; il ne s’agit ici ni d’un frère, ni d’un prochain.

            En clair, ce n’est rien moins que la définition du bien qui est en cause. Les rabbins discutaient beaucoup sur les soins aux malades autorisés pendant le sabbat : « celui qui ouvre un abcès au sabbat, si c’est pour lui faire une ouverture, est coupable, mais non pas si c’est pour en faire sortir du liquide ». La règle générale était que le sabbat était suspendu en cas de danger de mort, pour les personnes tout au moins ; pour les bêtes, on discutait : pour éloigner un danger de mort, on peut suspendre un sabbat[36].

Conclusion

            Ce tableau sur les différents récits du sabbat que nous venons de présenter, nous a permis de nous rendre compte de l’importance singulière  de ce jour, de sa valeur primordiale par rapport aux autres jours de la semaine dans l’Ancien Testament, en général et, en particulier dans la littérature rabbinique, sans oublier les manuscrits de la Mer Morte. Le repos est un des éléments essentiels qui le caractérisent. Il ne s’agit pas seulement du repos physique comme celui décrit dans le code de l’Alliance, ni du repos social du Deutéronome, mais  il s’agit plutôt du mode de vie de Dieu qu’il faut imiter. Ceci (ce mode) identifie le peuple comme peuple de Dieu, consacré à lui. Voilà pourquoi, ce commandement est situé dans la perspective  des structures fondamentales de l’éthique pour montrer qu’Israël ne le considère pas comme une simple disposition de discipline religieuse communautaire, mais comme une expression constitutive et indispensable du rapport avec Dieu annoncé et proposé par la révélation biblique[37].

            Donc, c’est dans le repos de Dieu lui-même que réside la justification du repos sabbatique et l’obligation qu’il en fait n’est que l’écho extérieur de la communication de vie divine qu’il propose à l’homme. Cette façon de concevoir le sabbat, nous la trouvons tant dans l’univers biblique de l’A.T., que dans la littérature rabbinique. Cependant, dans le Nouveau Testament, ce thème est situé dans un contexte  polémique. Pour certains exégètes, ces polémiques sont peut-être postérieures à Jésus. Toutefois, l’attitude de Jésus dans ce contexte est libératrice parce qu’elle subordonne toute pratique religieuse au service concret de l’homme dans la détresse. Selon lui (Jésus), dans la pratique du sabbat, il y a toujours un bien qui devance le devoir religieux.

                2.    Le sabbat comme  berceau d’un avenir toujours nouveau (Exode 20, 8-11)

 

Introduction

            Après avoir abordé le thème du sabbat d’une façon générale dans la Bible et dans la littérature rabbinique, nous voudrions, dans ce chapitre, étudier spécifiquement la péricope de l’Exode 20, 8-11 à partir du texte  hébreu, texte qui formule d’une manière correcte le précepte sabbatique. L’itinéraire d’approche consiste à traduire le texte, analyser les paroles importantes et dégager le message. Notre commentaire de référence sur ce chapitre sera celui de H. Freedman[38]

        2.1.    Le texte hébreu (Ex 20,8-11)

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        2.2.    La traduction (Ex 20,8-11)[39]

20,8     Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier.

20,9     Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage,

20,10 Mais le septième jour, c'est le sabbat pour le SEIGNEUR, ton Dieu: Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l'émigré (gér)[40] que tu as dans tes portes[41].

20,11  Car en six jours, le SEIGNEUR a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le SEIGNEUR a béni le jour du sabbat et l'a consacré.

        2.3.    Interprétation rabbinique

2.3.1.  Souviens-toi du sabbat pour le sanctifier : Exode 20,8

2.3.1.1.  Le sens du  vocable Zakhor                                     

                La première parole que nous rencontrons dans Ex 20,8-11 est la parole (rAk°z") Zakhor, communément traduite par «souviens-toi». Cette traduction est inexacte. Normalement en hébreu, la parole utilisée pour «souviens-toi» est tizkor ou zekhor. Mais dans notre texte il est écrit Zakhor. Cette petite différence est très importante. Selon Rachi, en effet, le « souviens-toi » du commandement sabbatique est un pual, une forme grammaticale qui souligne la continuité de l’action.  Il ne s’agit pas d’un impératif qui renvoie aux événements précis à partir desquels le sabbat aurait été institué du passé. Pour Rachi, il faudrait traduire : Souviens-toi constamment du sabbat. Cet impératif concerne le futur et non le passé. Il s’agit de se souvenir du sabbat que tu auras dans le futur. Donc, la meilleure traduction serait : «souviens-toi de ton futur».[42]

            De ce qui précède, le sabbat a une  dimension toute  particulière : la projection de son être, de la force intérieure que l’on a à l’intérieur de soi, au dedans de soi vers le futur. Donc « souviens-toi du sabbat » est une invitation à vivre  une injonction, un ordre, à tendre vers le futur. Exister signifie vivre activement et non s’aplatir sur la passivité de la facilité de l’être. «Souviens-toi» est une invitation à choisir la vie.  «Choisis la vie» est un commandement de la Torah (Dt 30). Dans cette perspective, le sabbat est le désir et la possibilité de construire en vue du futur, c’est-à-dire la possibilité d’entrer dans une dynamique qui sache créer le sens de son existence future. Ainsi, nous touchons des doigts une nouvelle éthique : de tendre vers le futur, vers la réalisation d’un projet et de refuser l’absurdité du monde[43].

                2.3.1.2.  Souviens-toi et garde le jour du sabbat 

            Il sied de savoir que selon certains rabbins  «souviens-toi du jour du sabbat» (Ex 20,8) et «garde le jour du sabbat» (Dt 5,12) ont été prononcés[44] simultanément. Il en va même de : « Celui qui le profanera, il sera mis à mort (Ex 31,14) et vous offrirez deux agneaux le jour du sabbat (Nb 28,9). Pour Rachi le mot Zakhor dans ce contexte signifie : appliquez-vous à vous souvenir toujours du sabbat, de telle manière que, s’il vous advient un bel objet, vous le mettez de côté pour le sabbat[45].

            Approfondissons maintenant le sens de ces deux phrases : «souviens-toi » et « garde-le».  Avec cet impératif, lequel dans le décalogue est un infinitif, nous entrons dans une dimension temporelle. Nous observons que le temps advient toujours dans un espace : chaque heure a un rapport unique avec une aire. C’est l’événement qui donne sens à un lieu, mais il faut l’événement et le lieu. La dimension hébraïque du «souviens-toi» est un souviens-toi des événements passés, c’est-à-dire de l’Exode et de la création. Dans ce sens, célébrer le sabbat c’est faire mémoire de ces deux événements.

            Ceci revient à dire que pendant le sabbat l’homme crée. Il se crée soi-même. Il «fait» et «créé». Il fait ce qu’il n’a pas pu faire durant la semaine. Heschel, dans une expression rhétorique, dit : «Ce que nous sommes dépend de ce que le sabbat est pour nous». D’une manière midrashique, la tradition dit que, pendant le sabbat, nous recevons une shamah yeterah, une âme supplémentaire parce que pour vivre, déguster et observer le sabbat, il faut en plus un (yeter) en soi : ce yeter en plus nous est donné par le ciel. Un chrétien parlera de la grâce.

            Cette âme supplémentaire est donnée à la fin du sabbat par le rite de la Havdalah[46]. Nous en parlerons  plus loin dans l’aspect liturgique du sabbat. Le deuxième point de la mémoire, c’est-à-dire du Zakhor, est la sortie de l’Egypte. Le peuple hébreu se souvient de la servitude et du premier Pesah, la première pâque. N’oublions jamais que, dans six jours, l’homme est à la fois patron et esclave. C’est une expérience que nous faisons tous. Cependant,  pendant le sabbat nous ne sommes ni patron ni esclave. Nous sommes dans la situation de ceux qui sont sortis de l’Egypte. La rétrospectivité (Création et Exode) est ici fondamentale[47] pour la compréhension du vocable Zakhor.

            Rabbi Ishmael met aussi les deux paroles ensemble, parce qu’elles ont été prononcées dans une seule expression. Voici comment il raisonne (Ex 20,8 et Dt 5,12) «souviens-toi et observe» le jour du sabbat : souviens-toi avant qu’il n’arrive et observe après que le sabbat ait été passé. D’où la maxime : « il faut toujours ajouter quelque chose de profane à ce qui est saint ». Dans ce sens, le sabbat, peut être comparé à un loup, qui pourchasse n’importe qui, qui est devant lui ou bien derrière lui. De ce qui précède,  « souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier », signifie : souviens-toi dès le premier jour de la semaine de telle manière que si tu trouves quelque chose de bon à manger, tu puisses le manger le jour du  sabbat. Et Rabbi Itzhaq ajoute : « Il ne faut pas compter les jours de la semaine comme les comptent les autres, mais par contre il faut les compter à partir du sabbat pour le sanctifier avec la bénédiction. Au commencement du sabbat, on le sanctifie avec la bénédiction sur le vin[48] ».

2.3.1.3.  Le vocable le-qadesh

            La parole hébraïque (Avª*D>q;l.) le-qadesh (sanctifier) que nous rencontrons dans Ex 20,8 a aussi un autre sens  dans le Talmud, il signifie : consacrer une femme, se fiancer avec elle. C’est pourquoi cette parole prononcée sur le Sinaï voulait fixer dans la conscience d’Israël l’idée que son destin est d’être l’époux promis de ce jour sacré, le commandement d’épouser le septième jour. Malgré son aspect majestueux, le sabbat n’est pas autosuffisant, sa réalité spirituelle réclame la participation de l’homme. Les six jours ont besoin de l’espace, le septième jour a besoin de l’homme. Il n’est pas bon que l’esprit soit laissé seul. Voilà pourquoi, Israël a été destiné à être le compagnon du sabbat.

            Ainsi la célébration du sabbat est semblable à la célébration du mariage. Dans le Midrash nous apprenons aussi que le sabbat ressemble à une épouse : «Comme une épouse va à la rencontre de son époux, suave et parfumée, ainsi le sabbat va à la rencontre d’Israël suave et parfumé ».  Il  est encore  écrit: «Le septième jour, il cessa de travailler, et se reposa» (Ex 31,17), et immédiatement on lit:  donna à Moise (kekalotò) signifie quand il avait fini peut aussi signifier comme son épouse[49], pour nous enseigner que le sabbat est suave et parfumé, comme l'est l'époux; comme l’époux met ses beaux habits, ainsi l’homme met ses beaux habits le jour du sabbat; comme l’homme est joyeux le jour des noces, ainsi il est joyeux le jour du sabbat; comme l’époux ne travaille pas le jour des noces, ainsi l’homme s’abstient du travail le jour du sabbat. Voilà pourquoi les sages et les anciens appelèrent le sabbat une «épouse».[50]

   Le vocable le-qadesh  suscite une question, à savoir : qu’est-ce que la sainteté et comment sanctifier le sabbat ? L’homme saint donne soit le sens, soit la direction à sa vie. Mais il est aussi capable de donner sens à la vie des autres. L’homme saint ne se retranche pas du monde et du contact avec les autres hommes. Dans ce monde où il y a mille et une chose à faire, il cherche à orienter sa vie et à aider également  les autres à s’orienter. Le sabbat est un jour saint parce que c’est le jour dans lequel nous retrouvons le sens et la direction de notre vie et celle des autres. Nous sommes ici dans le domaine du sens à donner et à chercher pour la vie commune, donc, dans le champ éthique. Sanctifier le sabbat ne demande pas de se retirer du monde comme un moine, mais consiste par contre à une activité silencieuse ou à un repos actif de celui qui veut vivre une vie significative parmi les hommes.[51]

2.3.1.4.  Le sens du précepte  sabbatique

            Observer le précepte du sabbat selon Exode 20,8 signifie aussi : célébrer la création du monde et créer de nouveau le septième jour, comme  un jour de liberté et un jour de repos, un jour dans lequel le Seigneur est comme le Roi des autres jours de la semaine. Maintenant comment faire  la différence entre le sabbat et les autres jours de la semaine ? Un jour comme le mercredi, les heures sont vides et restent privées de caractère si on ne leur donne pas de sens. Par contre, les heures du jour de sabbat sont significatives en soi, leur contenu et leur beauté ne dépendent pas du travail. Elles ont la beauté de la grandeur, une couronne de victoire, un jour de repos et de sainteté, un repos qui donne la paix et la sérénité, la tranquillité et la sécurité, un parfait repos dont on se réjouit. La différence entre les autres jours de la semaine et le sabbat réside dans la dimension temporelle, c’est-à-dire dans le rapport de l’univers avec Dieu. Le sabbat précède la création et il la complète. Il  est le maximum d’esprit que le monde peut porter.[52] 

            La sanctification de ce jour[53] implique de poser des gestes particuliers, notamment, au commencement et à la fin du sabbat, en vue de le distinguer  des autres jours de la semaine. On doit réciter certaines paroles spéciales (kiddush). Il s’agit à ce niveau d’un aspect spirituel du sabbat. La sanctification de ce jour exige aussi, selon la tradition, de s’habiller autrement, différemment des autres jours de la semaine, d’étudier et de lire les Écritures et la Mishnah.[54]

            Heschel renchérit  sur cette idée tout en faisant  remarquer que  la sanctification du sabbat réside surtout dans le mode de sa célébration. Selon lui, dans celle-ci, on ne doit  faire  recours à aucun objet rituel, contrairement à la majeure partie des festivités, dans lesquelles sont essentiels certains objets, comme par exemple le pain sans levain, le shofar... ou le tabernacle. Le jour du sabbat est dispensé de symboles. Ces derniers sont superflus parce que le sabbat est par nature saint. Il est entièrement saint. Il soutient toutes les âmes. Ainsi l’affirme le Talmud, et tous les sages sont unanimes à ce sujet, la première fête de la semaine dans laquelle fut donnée la Torah tombe le sabbat. Celui-ci est l’unique jour durant lequel on peut donner la parole de Dieu à l’homme[55].

2.3.2.   Tu feras tout ton travail (Exode 20,9)

2.3.2.1.  Le point de vue de l’école de Shammai et de Hillel

            Que signifie « Tu feras tout ton travail ? » Signifie-t-il tout ce que tu désires faire ? Cette idée est discutée par deux écoles.[56] La première est celle de Shammai et la seconde est celle de Hillel. Voici comment cette première école explique ce verset : «Six jours tu travailleras et tu feras tout ton travail.» Selon cette première école, tout le travail doit être achevé à la veille du sabbat, tandis que pour l’école de Hillel, on fera le travail pour tous les six jours et le reste du travail peut être fait automatiquement le jour du Sabbat. Nous avons l’impression d’une contradiction. Voilà pourquoi pour beaucoup de personnes l’aspect du sabbat qui crée beaucoup de confusions est le concept du travail.

2.3.2.2.  Le vocable « melakà »

            Pour mieux comprendre le vrai sens du repos sabbatique, il  faut  préalablement  définir le travail (melakà). Car, l’absence du  travail en ce jour est un  élément caractéristique qui le distingue des autres jours de la semaine. Pour ce faire, il sied d’aller en amont de la donation de la Torah. Le peuple hébreu, après avoir reçu la Torah dans le désert, a construit le Tabernacle pour Dieu. Ainsi, pour comprendre le sens de l’Exode 20,9 nous devons aussi nous situer dans le contexte de la construction du Tabernacle. Cette dernière était un signe permanent de la présence de Dieu parmi le peuple et le signe de la consécration d’Israël à Dieu. Avant de dire à Moïse de commencer à construire le Tabernacle, Dieu lui communiqua d’abord  le commandement du sabbat. Ainsi la Torah orale à partir de la construction du Tabernacle nous donne une grande leçon sur le  commandement sabbatique. Durant ce jour, tout le travail pour la construction du Tabernacle devait être arrêté, il fallait éviter même la plus petite activité. Nous en déduisons donc que, durant le sabbat, tous les types de travaux nécessaires à la construction du Tabernacle étaient interdits. Par conséquent, pour savoir quels types de travaux étaient interdits, il faut analyser la construction du Tabernacle et identifier tous les types de travaux qui étaient effectués.

2.3.2.3.  Les travaux interdits le jour du sabbat

            La Torah orale nous enseigne qu’il y avait trente-neuf catégories[57] de travaux interdits le jour du sabbat. Il s’agit de toutes les opérations nécessaires pour la construction du Tabernacle. En effet, la construction du Tabernacle était pour le peuple hébreu un engagement total. Elle représentait toutes sortes d’habilités du peuple : «chaque type d’œuvre artistique.» C’est justement ces différentes sortes d’habilités qui sont interdites le jour du sabbat. Les sages nous enseignent que le Tabernacle fut construit pour symboliser la création tout entière. Il (tabernacle) représente la collaboration entre Dieu et l’homme pour porter le monde vers son but final. D’une certaine manière sa construction est comparée à l’acte divin de la création. Chacune des trente-neuf catégories de travaux qui furent nécessaires pour le Tabernacle correspondait à un aspect de la création divine : de la même manière, leur interruption hebdomadaire correspondrait exactement au repos divin. Donc s’abstenir de ces travaux correspond au repos divin de la création[58]. Voilà pourquoi la Torah dit : «Pendant six jours tu feras tes travaux, et le septième jour tu chômeras, afin que se reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que de l'étranger» (Ex 23,12). Dans  cette péricope,  il est demandé de se  reposer selon l’esprit de la journée, et, en outre, de suivre les lois pratiques, s’abstenir du travail vrai, il faut sauvegarder l’atmosphère générale du sabbat.

Les « 40 travaux moins 1» défendus le jour du sabbat[59]

            (1) Semer, (2) labourer, (3) récolter, (4) lier des gerbes, (5) battre le grain (6) le vanner, (7) le nettoyer, (8) moudre, (9) passer au tamis, (10) pétrir la pâte, (11) cuire au four ; (12) tondre la laine, (13) la laver, (14) la carder, (15) teindre, (16) filer, (17) ourdir, (18) faire un cordon, (19) tisser deux fils, (20) séparer deux fils, (21) faire un nœud, (22) défaire un nœud, (23) coudre deux pièces, (24) déchirer pour coudre deux pièces ; (25) chasser le cerf, (26) le tuer, (27) le dépouiller, (28) le saler, (29) préparer la peau, (30) gratter la peau, (31) le découper ; (32) écrire deux lettres, (33) gommer pour écrire deux lettres, (34) construire, (35) démolir, (36) éteindre le feu, (37) l’allumer, (38) frapper au marteau, (39) transporter quelque chose.

            2.3.2.4. Que signifie tu feras tout ton travail ?

            Tu feras tout ton travail (`^T<)k.al;m.-lK' t'yfIßä['w>). Selon Rachi, quand vient le sabbat, qu’il en soit à tes yeux comme si tout ton travail était achevé, de manière que tu ne penses pas à celui-ci[60]. La question est de savoir : Est-il possible à l’homme d’accomplir en six jours tout son travail ? La réponse à cette question est justement l’attitude à adopter en ce jour. Pour Rachi, en ce jour, nous devons vivre comme si tout le travail était réalisé. Il s’agit de se reposer de l’idée même de travailler. En effet, l’Écriture dit: « Et si tu t'abstiens de violer le sabbat, de vaquer à tes affaires en mon jour saint, si tu appelles le sabbat "délices" et "vénérable" le jour saint de Yahvé, si tu l'honores en t'abstenant de voyager, de traiter tes affaires et de tenir des discours (Is 58,13) , « alors tu trouveras tes délices en Yahvé, je te conduirai en triomphe sur les hauteurs du pays; je te nourrirai de l'héritage de ton père Jacob, car la bouche de Yahvé a parlé »(Is 58,14).  

            Mais comment définir le travail ? Autrement dit : qu’est-ce qui est permis et qu’est ce qui n’est pas permis ? Les maîtres du Talmud ont déduit d’un verset de la Torah que ce qui est interdit fut le travail accompli pour construire le tabernacle. Comment comprendre alors que les interdictions prévues par le sabbat ? «Tu ne feras pas...» sont répétées plus d’une fois ? S’agit-il d’une loi qui limite le travail ? Ceci serait en contradiction avec tout ce qui concerne la liberté et la joie strictement liée au sabbat. En réalité, les interdictions, qui peuvent paraître rigides et graves, sont des gestes de liberté. Ce sont les lois qui rendent libres suite à la suspension qui s’impose au sans arrêt du travail, de l’habitude, de la nécessité. Le temps qui finit est caractérisé par la finitude humaine. Le sabbat, par contre, nous dit : vous pouvez arrêter le temps qui passe, en  arrêtant de faire le travail. La rigidité est vraie : ne pas prendre le véhicule, ne pas préparer le repas, ne pas allumer le feu... Mais en ceci, il faut voir le don fait à l’homme, un moment dans lequel le temps s’arrête afin que l’homme puisse réfléchir.

2.3.3.     Le Repos pour tous  (Exode 20,10)

2.3.1.       Ni ton fils, ni ta fille ; ni ton serviteur, ni ta servante

            Ni ton fils ni ta fille, ne s’agit-il pas  ici des jeunes enfants, ou de ceux déjà grands ? Pourquoi alors l’Écriture ajoute : Ni ton fils, ni ta fille ? Il faut considérer que ceux-ci sont déjà inclus dans l’interdiction, et donc que le texte vient ici avertir les grands pour qu’ils veillent au repos des petits. Voilà ce que dit la Mishna : «un enfant qui vient éteindre un feu, on ne doit pas le laisser faire, parce que c’est toi qui es responsable de son repos». Il est donc question des mineurs[61]. Ni ton Serviteur, ni ta Servante, Il s’agit des serviteurs fils de l’Alliance. Il faut entendre vraiment que ceux-ci sont des fils de l’Alliance et non des esclaves incirconcis, selon qu’il est écrit : pendant six jours tu feras tes travaux, et le septième jour tu chômeras, afin que se reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l'étranger (Ex 23,12). Ici, en effet on mentionne l’esclave incirconcis. Mais pourquoi l’Écriture affirme-t-elle : Ni «ton esclave», ni «ta servante» ? Parce qu’ils sont fils de l’Alliance.

2.3.2.        Le vocable gér (étranger)

            Qui est cet étranger ? Il est rendu dans notre texte par la parole « gér »[62].  Selon certaines sources, cet étranger est un converti. Littéralement «juste» (tsaddiq). L’étranger résident est seulement tenu à observer les sept commandements noachiques parce qu’il «est fils de l’Alliance», un fils d’Israël. Dans notre cas, il s’agit d’un étranger converti et non d’un étranger résident. Mais pourquoi ne dit-on pas «ton étranger» ? Parce que c’est un étranger converti. Du reste, c’est une surprise ici que l’esclave et l’étranger viennent pour habiter avec les Hébreux, et ils doivent eux aussi se reposer. Nous devons nous rappeler qu’à l’époque, il n’existait aucun droit du travail, mais seulement l’esclavage et l’exploitation. Dans une société antique «normale», tous pouvaient cesser de travailler excepté l’esclave duquel on pouvait disposer comme on voulait, totalement privé du droit de repos.

            Exode 20,10 veut finir avec cette règle de vie antique. Pour construire la société, il convient de faire reposer tout le monde sans exception aucune. Cette raison «sociale» est accentuée, pour ainsi dire, par une autre, très importante : «Parce qu’en six jours Dieu a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’il contient, et le septième jour il s’est reposé». Dieu le septième jour, n’a pas travaillé, il n’a rien fait, il a par contre créé le repos, en l’observant, lui le premier. Dieu n’a pas dit : «observez le repos », mais il s’est reposé lui-même. C’est en fait une force singulière du sabbat. Du reste, le texte le souligne : «C’est pourquoi Dieu a béni le septième jour, le sabbat, et il l’a sanctifié ». Du point de vue humain, un seul verbe, «souviens-toi», concerne le sabbat. Pour Dieu, il y en a deux : «bénir» et «sanctifier».[63]

2.3.3.       La femme

            Dans la petite liste de ceux qui ne travaillent pas le jour du sabbat manque la femme. Cette absence ne doit pas être ignorée, surtout parce que la femme est tellement citée dans le Décalogue. Si nous prenons le texte littéralement, la femme est absolument absente. Mais, au niveau de la dialectique homme/femme qui traverse tout le texte, elle est omniprésente. Avant tout, selon la tradition, chaque jour de la semaine est «épousé» par un autre jour. Le dimanche avec le lundi, le mardi avec le mercredi, le jeudi avec le vendredi... Le sabbat, au contraire, est tout seul. Mais le Midrash affirme : «le sabbat est épousé avec Israël». Par le terme « Israël », il faut entendre toute la communauté de tous les hommes qui acceptent d’être régis par la loi qui les invite à aller au-delà d’eux-mêmes. Entre le temps et l’homme, il y a une autre alliance, un mariage dans lequel la femme représente le sabbat. Dans le Midrash, les expressions : «la reine du sabbat» et «la reine sabbat» ne désignent-elles pas, peut-être, la femme en ce jour ? Le sabbat, toute la liturgie tourne autour de cette image.

            En effet, le vendredi soir dans la synagogue, on chante un beau chant qui a pour titre Lekhah dodi, viens mon fiancé, dont voici les paroles : Viens mon bien-aimé à la rencontre de la fiancée ! Allons accueillir le shabbat ! Chamor we Zakhor, observe et souviens-toi, ont été prononcés simultanément. Le Dieu unique n’a fait entendre qu’une parole unique pour nous recommander de sanctifier le sabbat. Viens, mon bien-aimé, à la rencontre de la fiancée ! Allons accueillir le sabbat ![64] Il y a donc une présence féminine dans le texte, mais aussi une métamorphose dans l’ordre des symboles : le temps lui-même devient une femme et la femme le futur. Si «souviens-toi du sabbat» signifie d’abord, «souviens-toi de ton futur» et, si le sabbat est la femme, l ‘épouse, il faut dire : «souviens-toi de ton avenir qui est femme».

            A ce sujet, Levinas montre  que nous avons accès au temps à partir de l’altérité, des autres (autrui), fondamentalement de l’altérité féminine. Donc le sabbat, est un temps de renouvellement des promesses matrimoniales. C’est,  cela  en fait le vrai  sens du sabbat. Disons : «souviens-toi de ton futur», pour exprimer le sens du sabbat avec la parole Zakhor. Du moment que le sabbat exprime aussi la transformation du temps en femme, il faudrait affirmer : «souviens-toi de ta femme ».[65] 

2.3.4.          Le repos divin (Exode 20,11)   

2.3.4.1.  La motivation du repos sabbatique

            Ex 20,11 parle  de la motivation du repos sabbatique. En effet,  le verset est précédé par  le mot  ((yKiä) qui introduit en hébreu une explication. Car «en six jours le Seigneur créa le ciel et la terre». La question est de savoir : pourquoi furent  créés le ciel et la terre en six jours ? Il n’est pas  peut-être dit : «Par sa parole, le Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée, par le souffle de sa bouche » (Ps 33,6) ? Mais  pour infliger la rétribution aux mauvais qui ont détruit le monde créé en six jours, et pour donner une dignité aux justes qui sauvegardent le monde qui fut créé en six jours[66]. En six jours, le Seigneur créa le ciel et la terre. Qu’est-ce que cela signifie ? Une Dame demanda au rabbin José ben Halafta: En combien de jours le Seigneur créa le monde? Il lui répondit : en six jours, puisqu’il est dit : «en six jours le Seigneur créa le ciel et la terre». Elle répliqua : Qu’est-ce que le Seigneur fait alors chaque jour ? Il lui répondit : il unit les couples dans le mariage, enrichit les uns et appauvrit les autres.

2.3.4.2.  Le sens du repos de Dieu au septième jour

            Le repos divin au septième  jour soulève  un problème : Comment comprendre que Dieu se soit  reposé ? S’était-il fatigué ? N’est-ce pas qu’il est écrit : «Ne sais-tu pas, n’as-tu pas entendu? Le Seigneur est le Dieu de toujours, il a créé les extrémités de la terre. Il ne faiblit pas, il ne se fatigue pas ; nul moyen de sonder son intelligence» (Is 40,28). Et aussi : «il donne de l’énergie au faible, il amplifie l’endurance de  ce qui est sans force» (Is 40,29).  En outre : «Par sa parole, le Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée, par le souffle de sa bouche» (Ps 33,6). Qu’est-ce que les Écritures enseignent et supposent par ce repos de Dieu ?  Voici un raisonnement : Si celui qui ne se fatigue pas a permis que soit écrit sur lui qu’il créa son monde en six jours et se reposa  le septième jour, combien de fois pour l’homme il est dit : «Oui, c’est pour la misère que l’homme est né, et l’étincelle pour prendre son essor» (Jb 5,7) doit se reposer le septième jour.[67]

            Le Seigneur a créé le ciel et la terre. Qu’est-ce que cela signifie et qu’est-ce que cela enseigne ? Cela enseigne que la mer est égale à toute la création. Une autre idée : la mer était incluse dans la création. Mais pourquoi encore cette spécification ? C’est pour nous enseigner que la mer a les mêmes propriétés, les mêmes vertus que la totalité de la création. De même nous lisons : «Là, vont et viennent les bateaux, et le Léviatan que tu as formé pour jouer avec lui» (Ps 104,26). N’est-ce pas que le léviatan est parmi les dinosaures de la mer ? Mais ceci nous enseigne que le léviatan a quelque chose d’important qui est égal à toutes les autres créatures.[68]

Conclusion

            L’analyse que nous venons de faire dans le deuxième chapitre nous a permis de mieux saisir en extension ce que Exode 20,8-11 entend quand il affirme : «Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier». En fait, l’étude des vocables dans leur contexte en s’appuyant sur les commentaires des différents rabbins nous a permis de mieux saisir le concept de la «Sanctification du Sabbat». Sanctifier le sabbat selon notre péricope (Ex 20,8-11) nous renvoie au repos de Dieu lui-même qui se reposa après avoir accompli toute son œuvre. Le Sabbat représente la première création. Ainsi, sanctifier le Sabbat signifie faire mémoire de ce Dieu créateur (Gn 2,2). De la part de l’homme,  il s’agit par conséquent d’imiter Dieu qui s’est reposé le septième jour. D’autre part, sanctifier le sabbat signifie : faire mémoire du Dieu qui a libéré le peuple d’Israël de l’esclavage (Dt 5,15). Donc pour sanctifier le Sabbat, toute la société doit se reposer, aussi bien l’esclave que l’étranger et même les animaux, car Dieu a libéré son peuple de l’esclavage, non seulement l’esclave doit se reposer, l’étranger et même les animaux qui sont destinés à certains travaux. Le commandement du sabbat a donc trois  dimensions : divine, humanitaire et cosmique. 

            A ce point, on perçoit la continuité profonde entre les deux textes du décalogue (Ex 20,8-11 et Dt 5,12). Tous deux parlent de liberté : celle qu’on prend par rapport au travail pour ne pas devenir l’esclave d’un seul maître et celle qu’on offre aux autres pour ne pas être un maître despotique[69]. Sanctifier le Sabbat c’est en définitive faire mémoire du Dieu créateur et libérateur.

3. L’office sabbatique  dans  la synagogue comme lieu par excellence de la sanctification du sabbat

Introduction

            Ce troisième chapitre aborde un aspect pratique de notre thème : Comment sanctifier le sabbat? Pour répondre à cette question, il sied d’interroger sa liturgie. En effet, la liturgie juive est le terrain privilégié de la connaissance des traditions juives ; en elle, plus qu’en toute autre expression de la tradition juive, se ressaisissent et se rassemblent les trésors inépuisables, bibliques et spirituels, qui de ses débuts à nos jours l’ont inspirée et alimentée[70]. En un mot, la liturgie juive est le berceau des traditions spirituelles juives. Dans ce chapitre, nous présenterons d’une manière synthétique les différents moments de cet office à savoir : la veille du sabbat, le sabbat matin et le sabbat après-midi. Et nous montrerons comment on les célèbre.

   3.1. La Veille du sabbat

            Le nom du service liturgique de la veillée sabbatique est la Qabbalat.[71] Ce terme signifie l’action de prendre l’obligation pour soi-même. Dans son sens verbal, il signifie recevoir et accueillir. Dans le premier sens, il est appliqué à la loi, par contre, dans le second à une personne. Dans la  littérature médiévale, la Qabbalat était employée exclusivement dans le premier sens, le fait de prendre pour soi-même l’obligation de se reposer. Dans notre cas, c’est-à-dire dans le contexte de la célébration du sabbat, il signifie tous les deux. Il a en même temps un sens légal et spirituel. Ainsi il convient de dire Qabbalat Shabbat. Quelles sont alors  les coutumes de la liturgie de la veillée sabbatique ?  Le Vendredi, bien avant la tombée de la nuit, la maison doit être rangée et nettoyée. Traditionnellement[72], avant la destruction du temple, un Kohen sonnait le Chofar[73] quelques heures avant la tombée de la nuit, pour rappeler à la maison les travailleurs des champs. Il renouvelait son appel un peu plus tard pour inviter ceux qui se trouvaient en ville à cesser leurs activités ; à la nuit tombée, le Chofar retentissait, une dernière fois, pour avertir qu’il était temps d’allumer les lumières du sabbat. Des rabbins de Safed (ville sainte de Palestine) se rendaient en procession, le vendredi après-midi, à travers les champs, pour aller à la rencontre du sabbat, comparé à une fiancée. On mettait  de beaux habits, la table est une table de fête. La maîtresse de maison met une nappe blanche et dispose une coupe pour le Kiddouch et deux pains tressés (halloth) recouverts d’un napperon pour le Motsi.

            Elle allume deux bougies : une pour Israël, une pour les autres nations, une pour le sabbat, une pour les autres jours, en chantant la bénédiction des lampes, signifiant ainsi que son foyer est prêt à accueillir le sabbat. On se rend à la synagogue, à l’office de qabbalat shabbat (accueil du sabbat comparé à la fiancée d’Israël) et le Kiddouch[74] qui consacre l’entrée du sabbat.  De retour, on se met à table et le chef de famille, à son tour, prononce le Kiddouch (sanctification du nom de Dieu) sur une coupe de vin qui représente la joie. Il porte la coupe à ses lèvres et la passe à chacune des personnes présentes. Après l’ablution des mains, il dit le Motsi (bénédiction du pain) sur les halloth superposées. Il prend l’une d’elles, la rompt et distribue un morceau qu’il trempe dans du sel à tous les convives. Motsi signifie sortir. Le créateur avait donc permis de faire sortir le pain de la terre. Le sel, lui, est symbole de purification. Les deux Halloth rappellent la double portion de manne tombée dans le désert, le sixième jour, pour subvenir aux besoins du jour suivant.

            Les napperons évoquent la couche de rosée qui recouvrait la manne le matin. Pour distinguer le sabbat des autres jours, on prend un repas plus copieux que de coutume. La nourriture est préparée le vendredi dans la journée et gardée au chaud. Avant le Birkat hamazon (bénédiction du repas), on chante les zemiroth[75] (cantiques du sabbat). On peut faire suivre la soirée par une discussion à caractère religieux.

3.2. Le sabbat (matin) [76]

            A la lecture de  la prière, il y a un nouvel élément : l’hymne nishmat kol hay «l’âme de ce qui vit», une invitation à chaque existence à louer et à rendre grâce au Seigneur pour ses merveilles de la création et de l’amour. En outre, la liturgie du samedi matin est caractérisée par deux bénédictions qui précèdent le shema[77], une hymne de louange à Dieu pour la création de la lumière. La Lecture de la Torah[78] est consacrée d’une manière particulière au sabbat : dans ce jour, la lecture est plus ample et solennelle, soit pour les passages choisis que pour les prières qui l’accompagnent. Cette lecture est effectuée par un lecteur[79] (ba’al qore‘ ou ba’al qeria’ah) déjà bien préparé.  Autrefois n’importe qui pouvait être invité à lire la Torah, selon l’indication de Megillah 23a, mais avec le temps, le texte biblique étant sans voyelles et sans la ponctuation, seulement un expert pouvait le faire. La lecture de la haftarah (péricope du livre des prophètes) suit celle de la Torah. Cet ordre dans la lecture montre l’importance des différentes parties de la Bible hébraïque : d’abord le Pentateuque (la Torah), puis les Prophètes, enfin les Hagiographes. Durant le sabbat la Torah est lue non seulement le matin mais aussi dans l’après-midi. Normalement les péricopes lues le matin seront méditées et approfondies à travers la discussion et en les confrontant avec les écrits des rabbins. Signalons ici que le moment de la lecture de la Torah est crucial dans la liturgie synagogale, on pense que ceci a constitué le noyau originel de différentes prières. Grosso modo, on peut dire que la lecture de la Torah (du Pentateuque) se fait au moins quatre fois par semaine dans les murs de la synagogue : le lundi et le jeudi matin, le samedi matin et le samedi après-midi.

3.3. Le Sabbat (après-midi) [80]

            La liturgie du sabbat après-midi est très simple : on se retrouve en famille ou en communauté pour réaliser un Oneg sabbat (Délice du sabbat). On célèbre le sabbat par une étude, des chants et des danses. Le troisième repas  se prend dans l’après-midi après l’office de Minha. Le sabbat se termine avec la Havdala[81] (séparation) qui comprend trois bénédictions : sur le vin, les épices et la lumière. On se quitte, après une collation appelée Melavé malka (pour accompagner la princesse) en se souhaitant bonne semaine : Savouah Tov. Tel est donc d’une manière synthétique la liturgie du sabbat. Notons encore dans cette liturgie sabbatique un aspect important : la bénédiction.

            La notion de la bénédiction[82] caractérise bel et bien la liturgie juive en général et en particulier celle du sabbat. Elle attribue à Dieu la seigneurie de toute chose (Lév 25,23). C’est Dieu qui en est le vrai propriétaire. Ainsi, le commandement de la sanctification du sabbat nous fait entrer dans une nouvelle dimension : Dieu est le propriétaire de toute chose et en particulier du temps. Il faut le lui donner par la célébration du sabbat. La berakah, en effet, définit un triple rapport : avec Dieu, avec le monde et avec ses propres semblables. Elle (berakah) empêche de séparer Dieu de l’homme et du monde. De plus, en maintenant unis et inséparables les trois pôles, elle fixe les conditions grâce auxquelles ils demeurent dans la vérité. A l’égard de l’homme et du monde, Dieu est la «source» et la «norme»[83]. 

Conclusion

             A travers la liturgie sabbatique, on perçoit que le judaïsme est une religion de la sanctification du temps. Une religion qui enseigne à se sentir lié à la sainteté dans le temps et à être lié aux événements saints[84]. Nous apprécions aussi la richesse du symbolisme de la liturgie sabbatique. Ce symbolisme communique par sa nature la richesse spirituelle de cette liturgie. Bref, la liturgie est le lieu par excellence de la mise en pratique du commandement du sabbat. Nous avons compris que le meilleur moyen de sanctifier le sabbat c’est de le célébrer d’une manière solennelle. En effet, la semaine est rythmée par le sabbat qui donne sens aux autres jours de la semaine et sens à la vie.



[1] Pour avoir une notion assez claire de la littérature rabbinique Cf. M. R. Hayoun, La littérature rabbinique (Paris, 1990).

[2] Telle est aussi la position de H. Ausloos, « Jésus et l’idolâtrie du sabbat » in RSR 85 n° 1 (2011) 29.

[3] A. Wénin, Le sabbat dans la Bible. = Connaître la Bible 38 (Bruxelles, Lumen vitae 2005) 37.

[4] Cf. Jean-Paul II, Le Jour du Seigneur. Lettre apostolique Dies Domini (Montréal, Médiaspaul 1988) 23-24.

[5] “Contrairement à ce qu’on attendrait, le NT comme littérature chrétienne se réfère fréquemment au sabbat. En plus, il est à noter que ce sont surtout les évangiles qui évoquent le sabbat”: H. Ausloos, Art. cit., 27.

[6] Lire à ce sujet : PONTIFICIA COMMISSIO BIBLICA, Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne (Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2001) et J. Massonnet (dir.), Accueil de la Torah. Le peuple juif et ses Écritures dans la Bible chrétienne Étude et prolongements (Lyon, Profac 2011).

[7]  Voir le troisième chapitre de notre article.

[8] A. Wénin,, « Le Sabbat dans la Bible » in Connaître la bible 38 (2005) 5.

[9] L’expression « le sabbat une dime sur le temps » n’est pas la nôtre, elle  est de R. De Vaux,  Les institutions de l’Ancien Testament II (Paris, Cerf 1960) 378. Nous savons bien que le terme « dîme » signifie le un dixième du revenu que l’on donne à Dieu. Comme les premiers-nés du troupeau et les prémices de la récolte sont une dîme sur le travail des autres jours, le sabbat est une dîme sur le temps. Nous l’employons ici dans le sens du temps donné à Dieu, du temps consacré  à Dieu qui sanctifie l’homme, le  récréé et recrée par conséquent  le cosmos. Nous sommes convaincus  que, « arrêter le travail le septième jour fait partie de la vocation de tout être humain destiné à s’achever  à l’image du créateur » Voir A. Wénin, Op.cit., 36.

[10] F. Manns, Le Judéo-Christianisme. Mémoire ou Prophétie ? (Paris, Beauchesne 2009) 333.

[11] Sur l’histoire du sabbat nous renvoyons aux travaux célèbres de R.  De Vaux, Les institutions de l’Ancien Testament II (Paris, Cerf 1960) 371-382 et au petit ouvrage de A. Wénin, « Le sabbat dans la Bible » In Connaître la Bible n° 38 (2005) 7-19.

[12] Cf. R. De Vaux, Op.cit., 363-370.

[13] Cf. Concordance de la Bible de Jérusalem  (Turnhout, Brepols – Paris, Cerf 1981) 1000.

[14] Cf. Ph. Abadie, « Sabbat et circoncision. Entre Héritage culturel et quête identitaire » in Le monde de la Bible n°198 (octobre-novembre 2011) 23.

[15] Cf. Ibidem.

[16] La récurrence du terme “Sabbat” dans le NT est moindre que dans l’A.T.: il revient 60 fois. Cf. la Concordance de la Bible de Jérusalem, 1000. On rencontre également le terme « sabbat » ailleurs dans le NT : Ac 13,14.27.42.44 ; 15,21 ; 16,13 ; 18,4 ; Col 2,16.

[17] Cf. M. Weinfeld, “The Decalogue: Its Significance, Uniqueness, and Place in Israel’s Tradition” in RBP (1990) 3.

[18] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole. Il Decalogo riletto e commentato dai Maestri ebrei antichi e moderni  (Milano, Paoline 2004) 40.

[19] R. De Vaux, Op. cit. 378.

[20] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi accompagné du Targoum Ounqelos (Jérusalem, Gallia et Yéed haSefarim 2001) 299.

[21] Cf. A. Wénin, Le Décalogue. Approche contextuelle, théologie et anthropologie,  in C. Focant (dir.), La Loi dans l’un et l’autre Testament = Lectio Divina 168 (Paris, Cerf 1997) 36-37.

[22] Cf. H. Ausloos, art. cit . 32-33.                                                                                                                    Cf. H. Ausloos, Art. cit. 32-33.     

[23] Cf.  M. J. Graetz, “Sabbath”, Encyclopedia Judaica XVII, 616-617. Sur la racine du verbe hébreu sbt dans le poème de la création voir H. Ausloos, Art. cit., 34. La note 15.

[24] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi 21-23.

[25] Cf. M. Defossez, “Sabbat”, in Dictionnaire encyclopédique de la Bible 1149-1150.

[26] Cf. L. Nemoy (ed.), The Code of Maimonides (Mishneh Torah) Book Three. The Book of Seasons Vol. XIV trans. by S. Gandz - H. Klein (New Haven, Yale University Press 1961) 160.

[27] A partir de quelle époque?  Probablement au III° siècle av. J.-C. pour la diaspora et au  I° siècle pour la Palestine. Cf. H. Cousin, Le monde où vivait Jésus (Paris, Cerf 1998) 287.

[28] Cf. L. Jacobs, “Sabbath”, Encyclopaedia Judaica XVII, 618-619.

[29] Quand on récite ce poème, les fidèles dans la synagogue se tournent vers la porte d’entrée afin d’accueillir la “fiancée Shabbat”.  Cf.  B. Halpern – Guedj, “La prière juive”, in M. Meslin (dir.), Quand les hommes parlent aux Dieux. Histoire de la prière dans les civilisations (Paris, Bayard 2003) 288.

[30]  Cf.  S. Ganzfried, Code of Jewish Law (New York 1961) 47-48.

[31] Cf. A. Natan, Shema Israel. Midrashim dal libro della Genesi (London, 2000) 44.

[32] Cf. L.  Jacobs, “Sabbath”, Encyclopaedia Judaica XVII, 619-620.

[33] Cf. H. Ausloos, Jésus et l’idolâtrie du sabbat 37-38.

[34] Cf. C. Spicq – p. Grelot, « Sabbat », in X. Léon-Dufour (dir.), Vocabulaire de théologie biblique (Paris, Cerf 2005) 1151-1154.

[35] Cf. C. G. Montefiore, Rabbinic Literature and Gospel Teachings (London, Macmillan 1930) 243.

[36] Cf.  C. G. Montefiore, Rabbinic Literature and Gospel Teachings 244.

[37]Cf. Jean-Paul II, Le Jour du Seigneur 19.

[38] Cf. H. Freedman (Trans.), “Exodus Chapter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. A millennial Anthology Torah Shelemah IX (ed. M.M. Kasher) (New York, American biblical Society 1979).

[39] Notre traduction  est basée sur celle de  A. Mello, Il dono della Torah. Commento al decalogo di Es. 20 nella Mekilta di R. Ishmael (Roma, Città Nuova 1982) 85.

[40] Dans la traduction de A. Mello, le mot « gér » ne se trouve pas. Mais, on le trouve dans le texte de H. Freedman. Nous en discuterons dans la partie exégétique de notre travail.

[41] A. Mello n’a pas traduit le mot (^yr<ê(['v.Bi) du v.10, nous avons constaté que d’autres auteurs l’ont traduit avec d’autres tournures, notamment M. A. Ouaknin l’a rendu par: « dans tes portes ». Voir M.A. Ouaknin, Le Dieci parole 96. Mais littéralement le mot signifie « dans tes villes ».

[42] Cf. M. A.  Ouaknin, Le Dieci Parole 98-99.

[43] Cf. Ibidem., 98-99. Pour mieux  approfondir la syntaxe du verbe Zakhor en Ex 20,8 Voir P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique (Roma, P.I.B 1996) 123 v ; P. Joüon – T. Muraoka, A Grammar of Biblical Hebrew (Roma, P.I.B. 2008) 113m et E. Kautzsch, Gesenius’ Hebrew Grammar (Mineola, New York 2006) 113bb.

[44] Cf. H. Freedman (trans.), “Exodus Chapiter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah, 160, n. 190. Ces paroles «souviens-toi du sabbat et garde-le» ont été prononcées simultanément. Il s’agit d’une omission textuelle. Ces deux paroles ont été prononcées dans une unique expression. Souviens-toi (Ex 20,8) et Observe (Dt 5,12), Voir aussi A. Mello, Il dono della Torah 85.

[45] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi, 297.                                                                     Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi 297.                                                                                                                                                 

[46] Selon la liturgie, le sabbat se termine avec la Havdalà  (séparation) qui comprend trois bénédictions: sur le vin, les épices et la lumière. Pour la compréhension de ce vocable voir la troisième partie du travail, l’office sabbatique particulièrement la liturgie du sabbat (après-midi).

[47] Cf. G.Trotta (a cura di), Il Sabato  nella tradizione ebraica (Brescia, Morcelliana 1991) 19-27.

[48] Cf. A. Mello, Il dono della Torah 86-87.

[49] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 70.

[50] Cf. A. J. Heschel, The Sabbath. Its Meaning for Modern Man 71.

[51] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 100.

[52] Cf. A. J. Heschel, The Sabbath. Its Meaning for Modern Man 28-30.

[53] Cf. H. Freedman (trans.), “Exodus Chapiter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah, 156, n. 176.

[54] Cf.  Ibidem, 158, n. 181.

[55] Cf. A. J. Heschel,  Op. cit. 103.

[56] Cf. H. Freedman (trans.), Op. cit., 164, n. 205.

[57] Voir  A. Kaplan, Sabbat. Un giorno di Eternità 35.

[58] Cf. Ibidem 30-34.

[59] Cf. Talmud de Jérusalem, Shab 7,2.

[60] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi 299.

[61] Cf. H. Freedman (trans.), “Exodus  Chapiter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah,  168, n. 223.

[62] L’étranger (gér) “is interpreted in its later sense of proselyte. There were two kinds: the righteous (true, complete) proselyte, who accepts all the laws of authentic Judaism; and the resident proselyte, who has merely renounced idolatry” voir. Ibidem, 168, n. 228

[63] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 101.

[64] Cf. B. Halpern – Guedj, “La prière juive” 288-289.

[65] Cf.  M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 102-104.

[66] Cf. H. Freedman (trans.), “Exodus  Chapter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah, 172, n.  231.

[67] Cf. H. Freedman (trans.), “Exodus  Chapter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah, 173, n. 236-237.

[68] Cf. Ibidem 172, n. 235.

[69] Cf. A. Wénin, “Le Décalogue. Approche contextuelle, Théologie et anthropologie”,  in C. Focant (dir), La Loi dans l’un et l’autre Testament (Paris, Seuil 1997) 36-37.

[70] Cf. C. Di Sante, La prière D’Israël. Aux sources de la liturgie chrétienne (trad. de l’italien par Louis Dussaut) (Paris, Desclée-Mame 1986) 15.

[71] Cf.  A. J. Heschel, The Sabbat. Its Meaning for Modern Man ( New York 1951) 61-62.

[72] Cf. G. Wigoder (ed), “Sabbath”, The New Encyclopedia of Judaism 668. Voir aussi I. Elbogen, Jewish Liturgy: A Comprehensive History (Trans. By R. P. Scheindlin) (New York 1993) 91-92.

[73] Il y a deux façons d’écrire ce mot : chofar ou shofar. C’est une corne de bélier servant aux sonneries particulières.

[74] Le Kiddouch est un précepte biblique que l’on trouve en Ex 20,8 qui consacre l’entrée du sabbat. Mais le kiddouch comme cérémonie a été institué par les sages, doit être récité sur une coupe de vin. Voir S. Ganzfried, Code of Jewish Law 79-83.

[75] Les zemiroth ou zemirot sont des poèmes liturgiques qu’on chante en famille, entre amis et avec les convives à la table du shabbat. Ces chants contribuent à créer une ambiance festive durant les trois repas sabbatiques, le vendredi soir, le Sabbat midi et en fin d’après-midi (séoudah chelichit “le troisième repas”). Ce poème rappelle les préceptes de l’observation du sabbat: Il convient de s’abstenir de travailler le jour du Sabbat et de célébrer la sainteté de ce jour au cours de trois repas de sanctification. C’est alors que le Sabbat est source de sérénité “Comme les jardins au nord des fleuves”. Cf. B. Halpern – Guedj,  “La prière juive” 298.

[76] Cf. G. Wigoder (ed.), “Sabbath”, The New Encyclopedia of Judaism 669.

[77] Le Shema Israël, ce poème doit son succès au fait que son refrain reprend les grands principes de la foi d’Israël. Ces mots: “Écoute Israël...” et “l’Éternel est Dieu” sont prononcées d’une seule voix par tous les fidèles. Quant à la troisième phrase, elle aussi en forme de credo: “L’Éternel est le roi, L’Éternel a régné, l’Éternel régnera à jamais!”. Elle conjugue plusieurs sources bibliques et se trouve sous cette forme dans d’autres parties de la liturgie. Voir  B. Halpern – Guedj,  “La prière juive” 318. Cette prière comprend trois parties: la première tirée du Dt 6,4-9; la seconde partie Dt 11,13-21; la troisième partie Nb 15,37-41.

[78] Cf.  A. Steinsaltz, A Guide to Jewish Prayer (New York 2000) 114.

[79] Cf.  S. Ganzfried, Code of Jewish Law 84-86.

[80] Cf. G. Wigoder (ed), “Sabbath”, The New Encyclopedia of Judaism 669.

[81] Comme le début du sabbat est marqué par le Kiddouch qui souligne son importance et sa sacralité, ainsi sa fin est accompagnée d’une brève cérémonie antique appelée Havdala (séparation) parce qu’elle marque la différence entre le sabbat qui est en train de terminer et les jours fériés qui doivent commencer. Elle consiste dans le fait de réciter quatre brèves bénédictions: sur une coupe de vin, sur des herbes parfumées, sur la lumière du feu et sur la division entre Israël et les autres peuples. La lumière dans cette cérémonie ne signifie rien d’autre que la libération de l’esclavage du travail pendant six jours. En fait, la prière de Havdala distingue le shabbat, qui est de l’ordre de la sainteté (Kodesh), de la dimension profane (hol) dans laquelle l’homme est censé achever l’œuvre de la création, en faisant aboutir le projet du Créateur. Voir B. Halpern – Guedj, “La prière juive 311.

[82] Pour mieux approfondir cette notion, il faut lire : E. Munk, Il mondo delle preghiere (Roma, Litos 1992).

[83] Cf.  G. Wigoder (ed), “Sabbath”, The New Encyclopedia of Judaism 669.

[84] Cf. A. J. Heschel,. The Sabbath. Its Meaning for Modern man 12.

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