Le sabbat une dîme sanctifiante et recréatrice de l’homme et du cosmos Lecture rabbinique de l’Exode 20,8-11
Le sabbat une dîme sanctifiante
et recréatrice de l’homme et du cosmos
Lecture rabbinique de l’Exode 20,8-11
Introduction générale
Pour une meilleure appréhension du sens du
précepte sabbatique, il nous semble important de confronter les textes
bibliques avec la littérature rabbinique[1]. Notre
enquête sera focalisée sur l’étude exégétique systématique du texte de l’Exode
20,8-11, texte, qui au cœur du décalogue formule d’une manière excellente le
précepte du sabbat ; surtout par la répétition du verbe
« sanctifier » qui souligne la caractéristique essentielle de ce
jour. C’est surtout ce texte Ex 20,8-11 et celui du Dt 5,12 qui est la seconde
version des mêmes paroles, qui pourraient donner une clef de lecture pour une
compréhension appropriée du parler néotestamentaire concernant le sabbat[2]. Voilà
pourquoi Ex 20,8-11 est au centre de
notre étude. En effet, « Le sabbat
est un jour « saint », distinct des six autres jours de la semaine.
Israël est appelé à lui reconnaître cette sainteté à la suite d'Adonaï. Pour ce
faire, il mettra à part le septième jour (v.10) en cessant de faire ce qui
l’occupe le reste de la semaine, à savoir faire son ouvrage (v.9), lui et ceux
qui dépendent de lui. Ce faisant, il imite le Créateur des cieux et de la terre
qui, après avoir organisé et peuplé les espaces, a parfait le rythme du temps
en instaurant une alternance entre les six jours de travail et le septième où
il s’est reposé, bénissant ainsi le sabbat (v.11) »[3].
Dans
le cadre de la redécouverte du sens du sabbat, et par conséquent de la redécouverte du sens du « Jour du
Seigneur »[4]
pour nous chrétiens aujourd’hui, l’étude de ce texte s’avère incontournable.
Aussi, disons-le, avec l’investigation sur le
sabbat nous sommes au cœur des traditions juives qu’un chrétien doit
nécessairement connaître. Car, le plus souvent, les chrétiens ignorent leur
propre histoire et tradition. Ils ignorent même que l’Ancien Testament était la
Sainte Écriture de notre Seigneur Jésus Christ et également des premiers chrétiens, et que la terre d’Israël
était non seulement le lieu de la naissance de Jésus mais aussi le lieu où il a
exercé son ministère, où il est mort et ressuscité. Donc, la culture juive
était l’unique culture dans laquelle notre Seigneur Jésus Christ était immergé.
L’ignorer, c’est donc mal connaître le Christ.
Le premier chapitre veut présenter quelques textes bibliques et de la littérature rabbinique qui parlent du sabbat. Nous le clôturerons en parlant de Jésus et du commandement sabbatique. Notre intention n’est pas d’exposer l’aspect historique du sabbat, mais plutôt de montrer à travers les différents textes l’évolution de ce concept et son sens le plus profond, l’alliance entre Dieu et son peuple dans une consécration sanctifiante du temps : défi majeur de l’homme moderne. Le deuxième chapitre présente l’exégèse du texte de l’Exode 20,8-11 selon la perspective rabbinique. Nous analyserons les paroles importantes et nous les discuterons à la lumière de certains commentaires rabbiniques pour en dégager le message pour nous, aujourd’hui. Enfin, le dernier chapitre se concentrera d’une manière synthétique sur l’étude de la liturgie du sabbat, car pour sanctifier le sabbat, il faut le célébrer dans la synagogue. Ainsi présenterons-nous la liturgie du sabbat dans ses moments principaux: la veille du sabbat, c’est-à-dire le vendredi soir, et le jour du sabbat même, toute la journée du samedi.
But et Méthode
Pourquoi
cet article ? Il est ici question d’une première approche très modeste de
l’une des plus importantes traditions juives, le sabbat, à l’usage de nos
étudiants en théologie de l’Institut Saint François de Sales. Car, chaque fois
que nous lisons avec eux les textes du Nouveau Testament[5] (les
synoptiques et le quatrième évangile) qui touchent à la pratique du sabbat, ils
expriment le désir d’en connaître davantage. Leur désir de connaître cette
belle tradition juive nous a poussé à écrire ces modestes pages. Sans eux, celles-ci n’auraient jamais
pu voir la lumière, ce dont nous leur savons gré. Notre réflexion se situe à un double niveau, à
savoir : au niveau de l’appréhension de cette pratique à travers les
textes bibliques et la littérature rabbinique, et de sa célébration liturgique.
Le but n’est certes pas de faire le tour d’horizon de la question, mais
d’offrir aux lecteurs (nos étudiants en théologie) une matière facile pour une
appréhension moins technique du sabbat dans une perspective rabbinique. Pas plus qu'ils ne peuvent ignorer la
littérature rabbinique, ils ne peuvent méconnaître l’importance de la liturgie
juive, qui constitue l’arrière-plan religieux des évangiles. Aussi, cet article
s’insère-t-il dans le cadre du dialogue judaïsme-christianisme[6].
Sans doute « le sabbat est une
institution essentielle, tant dans la Bible que dans le Judaïsme. Dans les
églises chrétiennes, elle a pourtant disparu, comme occultée par le « Jour
du Seigneur » où se célèbre la résurrection de Jésus. Néanmoins, un
chrétien ne perdra pas son temps en se penchant sur ce que la Bible dit du
sabbat. Non seulement il pourra corriger l’image si peu nuancée qu’on s’en fait
parfois. Mais il découvrira sans doute dans le sabbat (surtout dans sa célébration liturgique[7]) juif
une richesse de sens que ne permet guère de soupçonner ce qu’en dit le Nouveau
Testament[8].» En
outre, il appréciera la dévotion, la beauté et la rigueur avec laquelle on le
célèbre. Ainsi découvrira-t-il comment le jour du sabbat, un juif croyant
consacre son temps à Dieu. De là, il saisira
que le sabbat est « une dîme sur le temps »[9],
sanctifiante et recréatrice de l’homme et du cosmos. Cette appréhension de choses
pourrait l’aider à enrichir sa manière de célébrer le « Jour du
Seigneur » et d’en vivre comme jour
d’écoute de la Parole de Dieu, de prière et
mieux encore jour de rencontre
fraternelle avec ses frères et sœurs dans la communauté ecclésiale et dans sa
propre famille : jour de la consécration de son temps au Seigneur et au
prochain. En effet, écrit Jean-Paul II, « Le devoir de sanctifier le
dimanche, surtout par la participation à l’Eucharistie et par un repos riche de
joie chrétienne et de fraternité, se comprend bien si l’on considère les
nombreuses dimensions de cette journée, (…). C’est un jour qui se trouve au
cœur même de la vie chrétienne. Si, depuis le début de mon pontificat, je ne me
suis pas lassé de répéter « N’ayez pas peur ! Ouvrez toutes
grandes les portes au Christ ! ». Je voudrais aujourd’hui vous
inviter tous avec insistance à redécouvrir le dimanche : N’ayez pas peur
de donner votre temps au Christ ! Oui ouvrons notre temps au Christ pour
qu’il puisse l’éclairer et l’orienter. C’est lui qui connaît le secret du temps
comme celui de l’éternité. Enfin, avec Fréderic Manns nous
soulignons : « Pour mieux apprécier la beauté de la liturgie
chrétienne, il faut commencer par étudier la liturgie Juive. »[10] En
termes plus simples : ignorer le judaïsme, c’est se condamner à ignorer le
milieu du Nouveau Testament et de l’Église primitive.
Pour plus de clarté, la méthode suivie sera linéaire et descriptive, spécialement, dans la partie liturgique du sabbat. Nous décrirons les différentes parties de sa célébration. Par contre, dans la première partie et la partie consacrée à l’analyse du texte de l’Exode 20,8-11, la méthode sera herméneutique.
1.
L’arrière-plan[11]:
le sabbat dans la Bible et dans la littérature rabbinique
Introduction
Le
sabbat revêt une importance capitale dans l’Ancien Testament en général et en
particulier dans la littérature rabbinique. Pour essayer d’illustrer cette
assertion, il sied de présenter une étude statistique du terme
« sabbat » dans l’A.T. Celui-ci a une occurrence considérable parmi
les institutions religieuses vétérotestamentaires, c’est-à-dire les temps
sacrés[12]. Par sa
récurrence périodique, il revient 117[13] fois
dans l’A.T. Et, dans la littérature rabbinique, force est de constater que le
Midrash et le Talmud en soulignent le caractère singulier : « Le
sabbat est le centre et la fontaine de la religion juive ». En effet, pour
les rabbins, l’observance du commandement sabbatique équivaut aux autres
préceptes (Exode Rabba 25,12). A notre humble avis, la valeur essentielle du
sabbat dans l’A.T, aussi bien que dans
la littérature rabbinique, réside surtout dans le fait qu’il est le signe
identitaire[14]
par excellence pour l’homme de l’A.T. et du judaïsme. Car l’identité d’un peuple se définit
toujours à travers des rites. Le sabbat est l’un d’eux (rites essentiels du
judaïsme). Il rythme le temps tandis que la circoncision marque le corps[15]. Nous
dirons aussi un mot sur le sabbat d’après les manuscrits de la mer Morte.
Ce
thème[16]
rebondit dans le Nouveau Testament. D’une part, le NT nous révèle que Jésus
ainsi que ses disciples ont participé à la célébration du sabbat dans la
synagogue ; d’autre part, le NT nous montre que le commandement sabbatique
était l’un des points de la controverse entre Jésus et les pharisiens. Il était
même un point de son accusation (Mc
3,1-6 ; Jn 5,16 ; 9,16). Les derniers contextes dans le NT où est
évoqué le sabbat sont ceux qui parlent des funérailles et de la résurrection de
Jésus (Mc 15,42, Lc 23,54 et Jn 19,31).
Notre objectif dans ce premier
chapitre consiste à présenter un tableau synthétique des récits annonçant les
préceptes du sabbat dans la Bible ainsi que dans la littérature rabbinique
comme arrière-plan de l’appréhension de l’étude exégétique du texte de l’Exode
20,8-11. Cette trajectoire nous aidera à décrire l’évolution théologique de ce
concept pour ainsi arriver à bien
dégager son sens théologique le plus profond pour nous aujourd’hui.
1.1.
Le Décalogue
On
ne peut pas parler du sabbat sans le situer dans son corps vital qu’est le décalogue.
Celui-ci est le texte fondamental en ce qui concerne la loi de l’Ancien
Testament. Il a comme caractéristique le fait que Yhwh transmet la loi
directement au peuple, sans la médiation de Moïse (Ex 20,1 ; Dt 5,4). Ceci
montre la grande considération avec laquelle la communauté tenait à cette
parole. C’est ainsi que le judaïsme en a fait sa première parole. De plus,
c’est Dieu qui l’a écrite sur deux tables de pierre (Ex 24,12 ; Dt 5, 22).
Ce décalogue «éthique» existe sous deux formes dans la Torah : en Ex
20,1-17 et en Dt 5,6-21. Il faut signaler en outre que la Torah présente
beaucoup de formulations plus ou moins semblables (Ex 34,17-26 ; Dt
27,15-26 ; Lev 19). Seulement Dt 5,6-21 constitue un parallèle étroit de
Ex 20,1-17. Un autre élément important à signaler est le fait que le décalogue
est unique, c’est-à-dire qu’il est en connexion d’une manière particulière avec
l’alliance.[17]
La centralité du décalogue consiste surtout dans le fait de donner la vie et de
la transmettre. Le Décalogue contient une ouverture vers l’« autre». En
fait, Il n’y a pas de Torah sans éthique du futur[18]. C’est
dans le contexte de l’alliance qu’il faut comprendre le commandement du sabbat.
En effet, ce qui caractérise le sabbat, c’est qu’il est « sanctifié par sa
relation avec le Dieu de l’Alliance et qu’il est l’élément essentiel de cette
alliance. Le « jour tabou » d’autres religions devient le jour
« consacré au Seigneur », une dîme sur le temps, comme les
premiers-nés du troupeau et les prémices de la récolte sont une dîme sur le
travail des autres jours. C’est pourquoi le sabbat apparaît comme une clause de
différents pactes de l’alliance : pacte primitif du Sinaï, qui est le
Décalogue ; le pacte de la fédération des tribus, qui est le code de
l’alliance, Ex 23,12 et son parallèle, Ex 34,2[19].
Une lecture Synoptique du
commandement sabbatique (Ex 20,8-11 // Dt 5,12-15)
En
lisant Ex 20,8-11, on se rend compte que la motivation du commandement du
sabbat est différente de celle du Dt 5,12-15. En Ex 20,8-11 il est écrit :
« Car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce
qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour, c'est pourquoi Yahvé
a béni le jour du sabbat et l'a consacré.» Par contre, en Dt 5,12-15 : « Tu
te souviendras que tu as été en servitude au pays d'Égypte et que Yahvé ton
Dieu t'en a fait sortir d'une main forte et d'un bras étendu ; c'est
pourquoi Yahvé ton Dieu t'a commandé de garder le jour du sabbat.» Nous pouvons dire qu’Ex 20,8-11 fonde le
sabbat sur le repos du créateur.[20]
En
effet, le fondement en six jours de l’univers et de tout ce qui l’habite par la
parole créatrice de Dieu, aboutissant dans la célébration, par Dieu lui-même,
d’un repos sabbatique le septième jour prouve que la création peut, grâce à la
bénédiction, fonctionner pour elle-même (Gn 1), tandis que Dt 5,12-15 le
rattache à la sortie d’Égypte. La différence principale entre les deux textes
concerne la justification du sabbat. L’élément qui, en Exode, légitime le
sabbat est le repos sacerdotal de Yahvé après la création (Gn 2,1-3), alors
qu’en Dt 5,12-15 c’est la libération de la servitude en Égypte. Notons que les
deux arguments justifient le repos sabbatique. Les deux textes parlent de
liberté par rapport au travail pour ne pas en devenir l’esclave[21]. Cette
implication entre les textes est soulignée aussi par Hans Ausloos, dans son
article Jésus et l’idolâtrie du sabbat
quand il montre que les termes hébreux qui rendent le sens de commémorer (zkr)
et d’observer (smr) s’impliquent les uns les autres. Cela ressort de la
traduction, fidèle au texte source, du Psaume 103,18, dans laquelle les deux
verbes sont mis en parallèles : « ceux qui observent son alliance, et
commémorent ses consignes »[22].
Dans
la Genèse, le repos de Dieu met la parole «fin» à la création. Le repos de Dieu
est une action divine qui donne aux choses créées un rythme de travail/repos.
Seulement quand ce rythme est respecté, la création correspond aux intentions
de Dieu. Autrement, la création tombe dans le chaos. Dt 5, 12-15 parle de
l’origine du sabbat à partir de la libération de la servitude en Égypte, ce
texte présente les préoccupations humanitaires du sabbat. Le sabbat est une
institution fondamentalement égalitariste. Le repos du sabbat est pour tous:
riches et pauvres, maîtres et esclaves, les êtres humains et les animaux. Ces
préoccupations humanitaires du sabbat est un pont vers les commandements qui
concernent les relations interpersonnelles.
1.1.1.
Le repos du Créateur (Gn 2, 2-3)[23]
L’origine
du sabbat est donnée dans le livre de la Genèse. Mais le nom de sabbat n’y
apparaît pas encore explicitement. Nous lisons : « Dieu acheva au
septième jour l’œuvre qu’il avait faite, il arrêta au septième jour toute l’œuvre qu’il faisait. Dieu bénit le septième
jour et le consacra, car il avait alors arrêté toute l’œuvre que lui-même avait
créée par son action ». Au septième jour Dieu cessa de travailler, il
bénit ce jour et le déclara saint (vDEÞq;y>w: y[iêybiV.h; ~Ayæ-ta, ‘~yhil{a/
%r<b'Ûy>w:). Rachi fait un beau commentaire[24] sur ce
thème du repos du créateur. Il répond à la question : que manquait-il au
monde ? La réponse est simple : le repos. Le sabbat est venu, et avec
lui le repos.
Selon l’histoire[25], la mise en rapport du repos hebdomadaire de la création en sept jours n’est pas la plus ancienne. Elle apparaît au plus tôt pendant l’exil de Juda, au moment où l’institution du sabbat prend la forme que reflète la plupart des textes bibliques. Mais dans la mesure où elle lie le sens du sabbat à l’essence même de l’univers, ce qu’évoque au fond la première page de la Genèse, cette interprétation acquiert une antériorité logique ou, plus exactement, théologique. L’insistance sur le septième jour est forte. Comme l’indique une autre répétition «toute son œuvre...», ce jour Dieu met un terme à l’entreprise de la création. Pendant six jours, Dieu déploie une intense activité de maîtrise. Par la seule force de sa parole, il sépare les éléments du chaos qu’il organise pour aménager un espace où la vie puisse être accueillie et se développer. Puis il fait appel à la vie animale et humaine qui peupleront cet espace.
1.1.2. La pratique du Sabbat dans l’Ancien Testament
Le
repos du sabbat était conçu par la loi[26] de
façon très stricte : interdiction d’allumer du feu (Ex 35,3), de ramasser
du bois (Nb 15,32s), de préparer de la nourriture (Ex 16,23s). Au témoignage
des prophètes, son observance conditionnait la réalisation des promesses
eschatologiques (Jr 17,19-27 ; Is 58,13s). Aussi voit-on Néhémie tenir
ferme à sa pratique intégrale (Ne 13,15-22), un texte qui montre comment
Néhémie donne les injonctions de fermer les portes de la ville reconstruite
pendant le sabbat pour empêcher qu’on puisse faire du commerce le jour du
sabbat. Cette péricope prescrit également que le sabbat commence au coucher du
soleil.
Pour
sanctifier ce jour (Dt 5,12), il y a «convocation sainte» (Lv 23,3), offrande
de sacrifices (Nb 28,9s), renouvellement des pains de proposition (Lv 24,8; 1Ch
9,32). En dehors de Jérusalem[27], ces
rites sont remplacés par une assemblée de la synagogue, consacrée à la prière
commune et à la lecture commentée de l’Écriture sainte. A l’époque des
Maccabées, la fidélité au chômage du sabbat est telle que des Assidéens se
laissent massacrer plutôt que de le violer en prenant les armes (1M 2,32-38).
Vers le temps du Nouveau Testament, on sait que les Esséniens l’observent dans
toute sa rigueur, tandis que les docteurs pharisiens élaborent à son sujet une
casuistique minutieuse.
1.1.3. Le sabbat dans la littérature rabbinique[28]
Le
Midrash est encore plus profond que l’A.T. quant à l’observance du sabbat. Il affirme : «Le sabbat
a épousé Israël». Par Israël, il faut entendre la communauté des hommes qui
acceptent d’être régis par une loi qui les pousse à aller au-delà d’eux-mêmes.
Mais entre le temps et l’homme, il y a une alliance dans laquelle la femme
représente le sabbat. Dans le Midrash les termes tels que : la «reine du
sabbat ou la reine sabbatique» abondent. Toute la liturgie du sabbat dans
la synagogue tourne autour de ces images.
Le
vendredi soir, on entonne un beau chant qui a pour titre «Lekhah dodi[29]» :
«Viens mon bien aimé à la rencontre de la fiancée ! Allons accueillir le
sabbat ! Accueillons le sabbat...» En outre, le Midrash souligne la
valeur éducative du jour du sabbat. Il est le jour par excellence de l’initiation
à la foi des enfants de la part des parents. En effet, la transmission de la
foi aux enfants est la première mission de chaque famille hébraïque. On
commence quand l’enfant est encore très petit. Cet élément est aussi fortement souligné dans le Code of Jewish Law
du Rabbi Salomon où il précise que l’initiation à la Torah des enfants a une
base biblique (Pr 22,6)[30].
Dans
la littérature rabbinique, on rencontre, en outre, tout un tas d’adjectifs et d'expressions qui
montrent l’importance singulière de ce jour saint : le sabbat, la reine de tous
les jours; qui honore le sabbat est honoré par le Seigneur; le sabbat donne une
âme supplémentaire; le repas du sabbat, le repas du paradis; le sabbat n’est
pas un jour de tristesse; durant le sabbat la colère est un double péché; le
sabbat, une guérison de l’esprit; le sabbat l’unique jour béni; le sabbat est
la figure de l’éternité; le sabbat est le jour de paix et de joie.
Ces adjectifs et expressions montrent
que le jour du sabbat est un jour exceptionnel et doit être célébré avec une
grande dévotion, joie, action de grâce et paix. Dans cette ligne le verset de
l’Ex 35,3 doit être interprété dans le sens de ne pas allumer le feu de la
dispute ni non plus le feu de la colère. Il faut vivre le jour du sabbat en
paix. Enfin, d’autres éléments qui mettent ce jour en relief dans la
littérature rabbinique sont des traditions culinaires. Cela signifie que le
judaïsme aborde l’homme dans sa totalité. Il ne sépare pas le «spirituel» du
«temporel», c’est pour cette raison que des règles alimentaires viennent régir
les repas. Dans ce sens l’expression «manger
cachère» signifie se conformer par son alimentation à l’ensemble des
prescriptions bibliques et talmudiques. Pour compléter cette liste, il faut y
ajouter le mode vestimentaire. Durant le sabbat, on ne s’habille pas comme les
jours ordinaires. C’est pourquoi, l’homme doit observer le sabbat, le célébrer
avec un repas copieux et de beaux habits, comme disent les sages[31].
Ainsi
très tôt dans la pensée juive[32], le
sabbat était le jour du rafraîchissement spirituel. Il est vu comme une
opportunité pour l’homme d’imiter son créateur qui s’est reposé le septième
jour. L’homme, aussi, doit se reposer de ses jours de travail dans le but de se
consacrer lui-même à la contemplation et d'améliorer son caractère. Les
philosophes juifs de l’époque médiévale ont tendance à développer la nature
symbolique de ce jour.
Pour Maïmonide, le sabbat a un double sens : le sabbat enseigne la
vraie opinion que Dieu a créé le monde et qu'il prévoit l’homme avec un repos
physique et rafraîchissant. Selon Isaac Arma, le sabbat enseigne trois
principes juifs fondamentaux : croire en la creatio ex nihilo, en
la révélation (parce que le sabbat est un temps où la Torah est étudiée) et
croire dans l’eschatologie. Juda Halevi, quant à lui, pense le sabbat comme une
opportunité que Dieu donne aux hommes de se réjouir complètement du repos du
corps et de l’âme. Samson Raphaël va plus loin, il comprend l’interdiction de
travailler le jour du sabbat comme une leçon pour l’homme de connaître son
créateur comme créateur de tout ce qui existe. Selon lui, il est permis à
l’homme d’avoir de l’autorité sur le monde pour six jours dans la ligne de la
volonté de Dieu, mais il est interdit le septième jour de faire sa propre
volonté. Dans chaque sabbat, l’homme restaure le monde pour Dieu, comme il
était, et ceci proclame qu’il jouit seulement de l’autorité qui vient de Dieu.
1.1.4. Le sabbat dans les manuscrits de la mer Morte
Ici nous nous référons au fameux article de H. Ausloos[33]. Selon
lui, les manuscrits de la mer Morte montrent que le sabbat était très important
dans le judaïsme des derniers siècles avant le début de l’ère chrétienne.
D’après notre auteur, sous ce rapport, le document de Damas, mérite d’être mentionné
d’une façon particulière. Dans le cadre des études relatives au sabbat, ce sont
surtout la dixième et la onzième colonne (X, 14-XI, 18) qui importe. Dans ces
écrits, nous trouvons l’énumération des actions interdites le jour du sabbat,
par exemple : le jour du sabbat, personne ne dira un mot fou ou irréfléchi
et on ne parlera pas d’occasions relatives au travail ou d’occupations qui
seront effectuées le jour suivant. Le jour du sabbat, on ne traquera pas son
bétail afin de le mener hors de la ville et personne n’empoisonnera la vie de
son esclave ou de son journalier. On a trouvé d’autres consignes dans ce
document qui font signes d’une fermeté exceptionnelle, à savoir :
« Personne n’aidera un animal dans la mise bas le jour du sabbat. Si un
animal tombe dans un puis ou une cavité, il ne le délivrera pas le
sabbat ». A l’égard de l’homme en danger, le texte est encore plus
impitoyable : « On ne retira pas un homme vivant, tombé dans une mare
ou une source, que ce soit avec une échelle, une corde ou un autre
moyen ». Nous ne saurons pas présenter ici tous les détails sur la
pratique du sabbat dans ce document.
1.1.5.
Jésus et le commandement du Sabbat[34]
Dans
les Évangiles, plusieurs récits mettent Jésus en scène un jour de sabbat dans
des situations de deux types : d’une part, on le voit se rendre à la
synagogue prendre la parole pour enseigner et y faire la lecture (Mc 1,21-22 //
Lc 4,31-32; Mc 6,1-6 // Lc 4,16-21);
d’autre part, son attitude, face aux pratiques du sabbat, provoque des
polémiques avec les pharisiens. Pour ce second cas, le matériau est abondant
(Mt 12, 1-14, Mc 2,23-3,6 et Lc 6,1-11), les guérisons d’une femme courbée et
d’un hydropique, deux récits propres à Luc (Lc 13,10-17 et 14,1-6), et deux
autres guérisons en Jean, celle du paralysé de la piscine de Béthesda (Jn
5,1-18, prolongé en 7,22-23) et celle de l’aveugle-né (9,13-16).
En
s'appuyant sur cet ensemble de textes, certains exégètes ne sont pas d’accord
que Jésus se soit opposé au commandement sabbatique. En effet, ils font
remarquer que ces récits ont certainement reçu leur forme définitive dans
l’Église primitive en conflit avec le rabbinat juif de son temps ; en
effet ce sont les disciples et non Jésus lui-même qui s’est mis en cause face
aux pharisiens, et leur discussion avec leurs adversaires trahit tous les
caractères des conflits entre la synagogue et les chrétiens avant la rupture
définitive décrétée par l’assemblée de Yamnia. Cela ne signifie pas, cependant,
que le conflit n’ait pas commencé du vivant de Jésus.
Des
63 traités qui composent la Mishnah, celui qui est consacré au sabbat est le
plus important, le plus long. Rabbi Nathan rappelle le texte [35]:
« profane un seul sabbat pour que tu puisses en garder beaucoup ». Un
autre fait se trouve dans Mt 12,2. Dans ce passage les pharisiens n’accusent
pas les disciples de Jésus de vol, mais d’enfreindre la réglementation du
sabbat; les pharisiens assimilent le geste des disciples à un véritable travail
agricole; plus tard, un commentaire rabbinique du sabbat (Gemara sabb. 128a, b)
précisera: « il est permis d’arracher avec la main et de manger (le
jour du sabbat), mais il n’est pas permis d’arracher avec un
outil... ». Un autre texte que nous
pouvons citer à ce sujet est celui de Mt 12,9-11. Sur un point fondamental,
cette péricope fait passer la miséricorde active : eleoj, v.7 avant les devoirs religieux (qusi,a), ce mot nous fait toucher un thème important, il ne
s’agit pas de conflits portant spécialement sur le culte du temple et les prêtres, mais d’un sujet
beaucoup plus brûlant vers les années 80 (dix ans après la destruction du
temple): la relation entre le respect dû au sabbat et l’amour de
l’« homme » (a;nqrwpoj v.10s); on remarquera ce terme très général; il ne s’agit ici
ni d’un frère, ni d’un prochain.
En clair, ce n’est rien moins que la définition du bien qui est en cause. Les rabbins discutaient beaucoup sur les soins aux malades autorisés pendant le sabbat : « celui qui ouvre un abcès au sabbat, si c’est pour lui faire une ouverture, est coupable, mais non pas si c’est pour en faire sortir du liquide ». La règle générale était que le sabbat était suspendu en cas de danger de mort, pour les personnes tout au moins ; pour les bêtes, on discutait : pour éloigner un danger de mort, on peut suspendre un sabbat[36].
Conclusion
Ce
tableau sur les différents récits du sabbat que nous venons de présenter, nous
a permis de nous rendre compte de l’importance singulière de ce jour, de sa valeur primordiale par
rapport aux autres jours de la semaine dans l’Ancien Testament, en général et,
en particulier dans la littérature rabbinique, sans oublier les manuscrits de
la Mer Morte. Le repos est un des éléments essentiels qui le caractérisent. Il
ne s’agit pas seulement du repos physique comme celui décrit dans le code de
l’Alliance, ni du repos social du Deutéronome, mais il s’agit plutôt du mode de vie de Dieu qu’il
faut imiter. Ceci (ce mode) identifie le peuple comme peuple de Dieu, consacré
à lui. Voilà pourquoi, ce commandement est situé dans la perspective des structures fondamentales de l’éthique
pour montrer qu’Israël ne le considère pas comme une simple disposition de
discipline religieuse communautaire, mais comme une expression constitutive et
indispensable du rapport avec Dieu annoncé et proposé par la révélation biblique[37].
Donc, c’est dans le repos de Dieu lui-même que réside la justification du repos sabbatique et l’obligation qu’il en fait n’est que l’écho extérieur de la communication de vie divine qu’il propose à l’homme. Cette façon de concevoir le sabbat, nous la trouvons tant dans l’univers biblique de l’A.T., que dans la littérature rabbinique. Cependant, dans le Nouveau Testament, ce thème est situé dans un contexte polémique. Pour certains exégètes, ces polémiques sont peut-être postérieures à Jésus. Toutefois, l’attitude de Jésus dans ce contexte est libératrice parce qu’elle subordonne toute pratique religieuse au service concret de l’homme dans la détresse. Selon lui (Jésus), dans la pratique du sabbat, il y a toujours un bien qui devance le devoir religieux.
2.
Le sabbat comme berceau d’un
avenir toujours nouveau (Exode 20, 8-11)
Introduction
Après avoir abordé le thème du sabbat d’une façon générale dans la Bible et dans la littérature rabbinique, nous voudrions, dans ce chapitre, étudier spécifiquement la péricope de l’Exode 20, 8-11 à partir du texte hébreu, texte qui formule d’une manière correcte le précepte sabbatique. L’itinéraire d’approche consiste à traduire le texte, analyser les paroles importantes et dégager le message. Notre commentaire de référence sur ce chapitre sera celui de H. Freedman[38]
2.1.
Le texte hébreu (Ex 20,8-11)
`Avª*D>q;l. tB'øÞV;h; ~Ay“ð-ta, •rAk°z" 20,8
`^T<)k.al;m.-lK' t'yfIßä['w> édboê[]T;¥
‘~ymiäy" tv,vEÜä 20,9
hf,’ä[]t;-al{*æ ^yh,ª_l{a/ hw"åhyl;
tB"ßäv; y[iëøybiV.h; ‘~Ay’w> 20,10
‘^ßr>gEw> ^T,ëªm.h,b.W ‘^÷t.m'(a]w:
^Ü’D>b.[; ^T,ªbiWû-^)ån>biW hT'äa; hk'³øal'm.-lk'
`^yr<ê(['v.Bi rv<ïäa]
~yIm:åV'h;-ta, hw"÷hy> hf'’['
•~ymiy"-tv,ve( yKiä 20,11
y[i_ybiV.h;
~AYæB; xn:Y"ßw: ~B'ê-rv,a]-lK'-ta,w> ‘~Y"h;-ta,
#r<a'ªh'-ta,w>
s `Whve(D>q;y>w:) tB'ÞV;h; ~Ayð-ta,
hw"±hy> %r:ôBe !Ke
2.2. La traduction (Ex 20,8-11)[39]
20,8 Souviens-toi
du jour du sabbat pour le sanctifier.
20,9 Tu travailleras six jours, et tu feras tout
ton ouvrage,
20,10
Mais le septième jour, c'est le sabbat pour le SEIGNEUR, ton Dieu: Tu ne feras
aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta
servante, tes bêtes ou l'émigré (gér)[40] que tu
as dans tes portes[41].
20,11 Car en six jours, le SEIGNEUR a fait le ciel
et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le
septième jour. C'est pourquoi le SEIGNEUR a béni le jour du sabbat et l'a
consacré.
2.3. Interprétation rabbinique
2.3.1.
Souviens-toi du sabbat pour le
sanctifier : Exode 20,8
2.3.1.1. Le sens du vocable Zakhor
La
première parole que nous rencontrons dans Ex 20,8-11 est la parole (rAk°z") Zakhor,
communément traduite par «souviens-toi». Cette traduction est inexacte.
Normalement en hébreu, la parole utilisée pour «souviens-toi» est tizkor ou zekhor. Mais dans notre texte il est écrit Zakhor. Cette petite
différence est très importante. Selon Rachi, en effet, le
« souviens-toi » du commandement sabbatique est un pual, une forme
grammaticale qui souligne la continuité de l’action. Il ne s’agit pas d’un impératif qui renvoie
aux événements précis à partir desquels le sabbat aurait été institué du passé.
Pour Rachi, il faudrait traduire : Souviens-toi constamment du sabbat. Cet
impératif concerne le futur et non le passé. Il s’agit de se souvenir du sabbat
que tu auras dans le futur. Donc, la meilleure traduction serait :
«souviens-toi de ton futur».[42]
De ce qui précède, le sabbat a une dimension toute particulière : la projection de son être, de la force intérieure que l’on a à l’intérieur de soi, au dedans de soi vers le futur. Donc « souviens-toi du sabbat » est une invitation à vivre une injonction, un ordre, à tendre vers le futur. Exister signifie vivre activement et non s’aplatir sur la passivité de la facilité de l’être. «Souviens-toi» est une invitation à choisir la vie. «Choisis la vie» est un commandement de la Torah (Dt 30). Dans cette perspective, le sabbat est le désir et la possibilité de construire en vue du futur, c’est-à-dire la possibilité d’entrer dans une dynamique qui sache créer le sens de son existence future. Ainsi, nous touchons des doigts une nouvelle éthique : de tendre vers le futur, vers la réalisation d’un projet et de refuser l’absurdité du monde[43].
2.3.1.2. Souviens-toi et garde le jour du sabbat
Il sied de savoir que selon certains
rabbins «souviens-toi du jour du sabbat»
(Ex 20,8) et «garde le jour du sabbat» (Dt 5,12) ont été prononcés[44]
simultanément. Il en va même de : « Celui qui le profanera, il sera
mis à mort (Ex 31,14) et vous
offrirez deux agneaux le jour du sabbat (Nb 28,9). Pour
Rachi le mot Zakhor dans ce
contexte signifie : appliquez-vous à vous souvenir toujours du sabbat, de telle
manière que, s’il vous advient un bel objet, vous le mettez de côté pour le
sabbat[45].
Approfondissons
maintenant le sens de ces deux phrases : «souviens-toi » et
« garde-le». Avec cet impératif,
lequel dans le décalogue est un infinitif, nous entrons dans une dimension
temporelle. Nous observons que le temps advient toujours dans un espace :
chaque heure a un rapport unique avec une aire. C’est l’événement qui donne
sens à un lieu, mais il faut l’événement et le lieu. La dimension hébraïque du
«souviens-toi» est un souviens-toi des événements passés, c’est-à-dire de
l’Exode et de la création. Dans ce sens, célébrer le sabbat c’est faire mémoire
de ces deux événements.
Ceci revient à dire que pendant le
sabbat l’homme crée. Il se crée soi-même. Il «fait» et «créé». Il fait ce qu’il
n’a pas pu faire durant la semaine. Heschel, dans une expression rhétorique,
dit : «Ce que nous sommes dépend de ce que le sabbat est pour nous». D’une
manière midrashique, la tradition dit que, pendant le sabbat, nous recevons une
shamah yeterah, une âme
supplémentaire parce que pour vivre, déguster et observer le sabbat, il faut en
plus un (yeter) en soi : ce yeter en plus nous est donné par le
ciel. Un chrétien parlera de la grâce.
Cette âme supplémentaire est donnée
à la fin du sabbat par le rite de la Havdalah[46].
Nous en parlerons plus loin dans
l’aspect liturgique du sabbat. Le
deuxième point de la mémoire, c’est-à-dire du Zakhor, est la sortie de l’Egypte. Le peuple hébreu se souvient de
la servitude et du premier Pesah, la
première pâque. N’oublions jamais que, dans six jours, l’homme est à la fois
patron et esclave. C’est une expérience que nous faisons tous. Cependant, pendant le sabbat nous ne sommes ni patron ni
esclave. Nous sommes dans la situation de ceux qui sont sortis de l’Egypte. La
rétrospectivité (Création et Exode) est ici fondamentale[47] pour la
compréhension du vocable Zakhor.
Rabbi Ishmael met aussi les deux
paroles ensemble, parce qu’elles ont été prononcées dans une seule expression.
Voici comment il raisonne (Ex 20,8 et Dt 5,12) «souviens-toi et observe» le jour du sabbat : souviens-toi
avant qu’il n’arrive et observe après que le sabbat ait été passé. D’où la
maxime : « il faut toujours ajouter quelque chose de profane à ce qui
est saint ». Dans ce sens, le sabbat, peut être comparé à un loup, qui
pourchasse n’importe qui, qui est devant lui ou bien derrière lui. De ce qui précède, « souviens-toi du jour du sabbat pour le
sanctifier », signifie : souviens-toi dès le premier jour de la
semaine de telle manière que si tu trouves quelque chose de bon à manger, tu
puisses le manger le jour du sabbat. Et
Rabbi Itzhaq ajoute : « Il ne faut pas compter les jours de la
semaine comme les comptent les autres, mais par contre il faut les compter à
partir du sabbat pour le sanctifier avec la bénédiction. Au commencement du
sabbat, on le sanctifie avec la bénédiction sur le vin[48] ».
2.3.1.3.
Le
vocable le-qadesh
La parole hébraïque (Avª*D>q;l.) le-qadesh (sanctifier) que
nous rencontrons dans Ex 20,8 a aussi un autre sens dans le Talmud, il signifie : consacrer une
femme, se fiancer avec elle. C’est pourquoi cette parole prononcée sur le Sinaï
voulait fixer dans la conscience d’Israël l’idée que son destin est d’être
l’époux promis de ce jour sacré, le commandement d’épouser le septième jour.
Malgré son aspect majestueux, le sabbat n’est pas autosuffisant, sa réalité
spirituelle réclame la participation de l’homme. Les six jours ont besoin de
l’espace, le septième jour a besoin de l’homme. Il n’est pas bon que l’esprit
soit laissé seul. Voilà pourquoi, Israël a été destiné à être le compagnon du
sabbat.
Ainsi la célébration du sabbat est
semblable à la célébration du mariage. Dans le Midrash nous apprenons aussi que
le sabbat ressemble à une épouse : «Comme une épouse va à la
rencontre de son époux, suave et parfumée, ainsi le sabbat va à la rencontre
d’Israël suave et parfumé ».
Il est encore écrit: «Le septième jour, il cessa de
travailler, et se reposa» (Ex 31,17), et immédiatement on lit: donna à Moise (kekalotò) signifie quand il avait fini peut aussi signifier comme
son épouse[49],
pour nous enseigner que le sabbat est suave et parfumé, comme l'est l'époux;
comme l’époux met ses beaux habits, ainsi l’homme met ses beaux habits le jour
du sabbat; comme l’homme est joyeux le jour des noces, ainsi il est joyeux le
jour du sabbat; comme l’époux ne travaille pas le jour des noces, ainsi l’homme
s’abstient du travail le jour du sabbat. Voilà pourquoi les sages et les
anciens appelèrent le sabbat une «épouse».[50]
Le vocable le-qadesh suscite une
question, à savoir : qu’est-ce que la sainteté et comment sanctifier le sabbat ?
L’homme saint donne soit le sens, soit la direction à sa vie. Mais il est aussi
capable de donner sens à la vie des autres. L’homme saint ne se retranche pas
du monde et du contact avec les autres hommes. Dans ce monde où il y a mille et
une chose à faire, il cherche à orienter sa vie et à aider également les autres à s’orienter. Le sabbat est un
jour saint parce que c’est le jour dans lequel nous retrouvons le sens et la
direction de notre vie et celle des autres. Nous sommes ici dans le domaine du
sens à donner et à chercher pour la vie commune, donc, dans le champ éthique.
Sanctifier le sabbat ne demande pas de se retirer du monde comme un moine, mais
consiste par contre à une activité silencieuse ou à un repos actif de celui qui
veut vivre une vie significative parmi les hommes.[51]
2.3.1.4.
Le
sens du précepte sabbatique
Observer
le précepte du sabbat selon Exode 20,8 signifie aussi : célébrer la création du
monde et créer de nouveau le septième jour, comme un jour de liberté et un jour de repos, un
jour dans lequel le Seigneur est comme le Roi des autres jours de la semaine.
Maintenant comment faire la différence
entre le sabbat et les autres jours de la semaine ? Un jour comme le
mercredi, les heures sont vides et restent privées de caractère si on ne leur
donne pas de sens. Par contre, les heures du jour de sabbat sont significatives
en soi, leur contenu et leur beauté ne dépendent pas du travail. Elles ont la
beauté de la grandeur, une couronne de victoire, un jour de repos et de
sainteté, un repos qui donne la paix et la sérénité, la tranquillité et la
sécurité, un parfait repos dont on se réjouit. La différence entre les autres
jours de la semaine et le sabbat réside dans la dimension temporelle,
c’est-à-dire dans le rapport de l’univers avec Dieu. Le sabbat précède la
création et il la complète. Il est le
maximum d’esprit que le monde peut porter.[52]
La sanctification de ce jour[53]
implique de poser des gestes particuliers, notamment, au commencement et à la
fin du sabbat, en vue de le distinguer
des autres jours de la semaine. On doit réciter certaines paroles
spéciales (kiddush). Il s’agit à ce niveau d’un aspect spirituel du
sabbat. La sanctification de ce jour exige aussi, selon la tradition, de
s’habiller autrement, différemment des autres jours de la semaine, d’étudier et
de lire les Écritures et la Mishnah.[54]
Heschel renchérit sur cette idée tout en faisant remarquer que
la sanctification du sabbat réside surtout dans le mode de sa
célébration. Selon lui, dans celle-ci, on ne doit faire
recours à aucun objet rituel, contrairement à la majeure partie des
festivités, dans lesquelles sont essentiels certains objets, comme par exemple
le pain sans levain, le shofar... ou le tabernacle. Le jour du sabbat est
dispensé de symboles. Ces derniers sont superflus parce que le sabbat est par
nature saint. Il est entièrement saint. Il soutient toutes les âmes. Ainsi
l’affirme le Talmud, et tous les sages sont unanimes à ce sujet, la première
fête de la semaine dans laquelle fut donnée la Torah tombe le sabbat. Celui-ci
est l’unique jour durant lequel on peut donner la parole de Dieu à l’homme[55].
2.3.2. Tu feras tout ton travail (Exode 20,9)
2.3.2.1. Le point de vue de l’école de Shammai et de Hillel
Que
signifie « Tu feras tout ton travail ? » Signifie-t-il tout
ce que tu désires faire ? Cette idée est discutée par deux écoles.[56] La
première est celle de Shammai et la seconde est celle de Hillel. Voici comment
cette première école explique ce verset : «Six jours tu travailleras et tu
feras tout ton travail.» Selon cette première école, tout le travail doit être
achevé à la veille du sabbat, tandis que pour l’école de Hillel, on fera le
travail pour tous les six jours et le reste du travail peut être fait
automatiquement le jour du Sabbat. Nous avons l’impression d’une contradiction.
Voilà pourquoi pour beaucoup de personnes l’aspect du sabbat qui crée beaucoup
de confusions est le concept du travail.
2.3.2.2. Le vocable « melakà »
Pour
mieux comprendre le vrai sens du repos sabbatique, il faut
préalablement définir le travail
(melakà). Car, l’absence du
travail en ce jour est un élément
caractéristique qui le distingue des autres jours de la semaine. Pour ce faire,
il sied d’aller en amont de la donation de la Torah. Le peuple hébreu, après
avoir reçu la Torah dans le désert, a construit le Tabernacle pour Dieu. Ainsi,
pour comprendre le sens de l’Exode 20,9 nous devons aussi nous situer dans le
contexte de la construction du Tabernacle. Cette dernière était un signe
permanent de la présence de Dieu parmi le peuple et le signe de la consécration
d’Israël à Dieu. Avant de dire à Moïse de commencer à construire le Tabernacle,
Dieu lui communiqua d’abord le
commandement du sabbat. Ainsi la Torah orale à partir de la construction du
Tabernacle nous donne une grande leçon sur le
commandement sabbatique. Durant ce jour, tout le travail pour la
construction du Tabernacle devait être arrêté, il fallait éviter même la plus
petite activité. Nous en déduisons donc que, durant le sabbat, tous les types
de travaux nécessaires à la construction du Tabernacle étaient interdits. Par
conséquent, pour savoir quels types de travaux étaient interdits, il faut
analyser la construction du Tabernacle et identifier tous les types de travaux
qui étaient effectués.
2.3.2.3. Les travaux interdits le jour du sabbat
La
Torah orale nous enseigne qu’il y avait trente-neuf catégories[57] de
travaux interdits le jour du sabbat. Il s’agit de toutes les opérations
nécessaires pour la construction du Tabernacle. En effet, la construction du Tabernacle était pour le peuple hébreu un
engagement total. Elle représentait toutes sortes d’habilités du
peuple : «chaque type d’œuvre artistique.» C’est justement ces
différentes sortes d’habilités qui sont interdites le jour du sabbat. Les sages
nous enseignent que le Tabernacle fut construit pour symboliser la création
tout entière. Il (tabernacle) représente la collaboration entre Dieu et l’homme
pour porter le monde vers son but final. D’une certaine manière sa construction
est comparée à l’acte divin de la création. Chacune des trente-neuf catégories
de travaux qui furent nécessaires pour le Tabernacle correspondait à un aspect
de la création divine : de la même manière, leur interruption hebdomadaire
correspondrait exactement au repos divin. Donc s’abstenir de ces travaux
correspond au repos divin de la création[58]. Voilà
pourquoi la Torah dit : «Pendant
six jours tu feras tes travaux, et le septième jour tu chômeras, afin que se
reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent souffle le fils de ta servante
ainsi que de l'étranger» (Ex 23,12). Dans
cette péricope, il est demandé de
se reposer selon l’esprit de la journée,
et, en outre, de suivre les lois pratiques, s’abstenir du travail vrai, il faut
sauvegarder l’atmosphère générale du sabbat.
Les « 40 travaux moins 1» défendus le jour du sabbat[59]
(1)
Semer, (2) labourer, (3) récolter, (4) lier des gerbes, (5) battre le grain (6)
le vanner, (7) le nettoyer, (8) moudre, (9) passer au tamis, (10) pétrir la
pâte, (11) cuire au four ; (12) tondre la laine, (13) la laver, (14) la
carder, (15) teindre, (16) filer, (17) ourdir, (18) faire un cordon, (19)
tisser deux fils, (20) séparer deux fils, (21) faire un nœud, (22) défaire un
nœud, (23) coudre deux pièces, (24) déchirer pour coudre deux pièces ;
(25) chasser le cerf, (26) le tuer, (27) le dépouiller, (28) le saler, (29)
préparer la peau, (30) gratter la peau, (31) le découper ; (32) écrire
deux lettres, (33) gommer pour écrire deux lettres, (34) construire, (35)
démolir, (36) éteindre le feu, (37) l’allumer, (38) frapper au marteau, (39)
transporter quelque chose.
2.3.2.4. Que signifie tu
feras tout ton travail ?
Tu
feras tout ton travail (`^T<)k.al;m.-lK' t'yfIßä['w>). Selon Rachi, quand vient le sabbat, qu’il en soit à tes yeux comme si
tout ton travail était achevé, de manière que tu ne penses pas à celui-ci[60]. La question
est de savoir : Est-il possible à l’homme d’accomplir en six jours tout
son travail ? La réponse à cette question est justement l’attitude à
adopter en ce jour. Pour Rachi, en ce jour, nous devons vivre comme si tout le
travail était réalisé. Il s’agit de se reposer de l’idée même de travailler. En
effet, l’Écriture dit: « Et si tu t'abstiens de
violer le sabbat, de vaquer à tes affaires en mon jour saint, si tu appelles le
sabbat "délices" et "vénérable" le jour saint de Yahvé, si
tu l'honores en t'abstenant de voyager, de traiter tes affaires et de tenir des
discours (Is 58,13) , « alors tu trouveras tes délices en Yahvé, je
te conduirai en triomphe sur les hauteurs du pays; je te nourrirai de
l'héritage de ton père Jacob, car la bouche de Yahvé a parlé »(Is 58,14).
Mais
comment définir le travail ? Autrement dit : qu’est-ce qui est permis
et qu’est ce qui n’est pas permis ? Les maîtres du Talmud ont déduit d’un
verset de la Torah que ce qui est interdit fut le travail accompli pour
construire le tabernacle. Comment comprendre alors que les interdictions
prévues par le sabbat ? «Tu ne feras pas...» sont répétées plus d’une
fois ? S’agit-il d’une loi qui limite le travail ? Ceci serait en
contradiction avec tout ce qui concerne la liberté et la joie strictement liée
au sabbat. En réalité, les interdictions, qui peuvent paraître rigides et
graves, sont des gestes de liberté. Ce sont les lois qui rendent libres suite à
la suspension qui s’impose au sans arrêt du travail, de l’habitude, de la
nécessité. Le temps qui finit est caractérisé par la finitude humaine. Le
sabbat, par contre, nous dit : vous pouvez arrêter le temps qui passe,
en arrêtant de faire le travail. La
rigidité est vraie : ne pas prendre le véhicule, ne pas préparer le repas,
ne pas allumer le feu... Mais en ceci, il faut voir le don fait à l’homme, un
moment dans lequel le temps s’arrête afin que l’homme puisse réfléchir.
2.3.3. Le Repos pour tous (Exode 20,10)
2.3.1. Ni ton fils, ni ta fille ; ni ton serviteur, ni ta servante
Ni
ton fils ni ta fille, ne s’agit-il pas
ici des jeunes enfants, ou de ceux déjà grands ? Pourquoi alors
l’Écriture ajoute : Ni ton fils, ni ta fille ? Il faut considérer que
ceux-ci sont déjà inclus dans l’interdiction, et donc que le texte vient ici
avertir les grands pour qu’ils veillent au repos des petits. Voilà ce que dit
la Mishna : «un enfant qui vient éteindre un feu, on ne doit pas le
laisser faire, parce que c’est toi qui es responsable de son repos». Il est
donc question des mineurs[61]. Ni ton Serviteur, ni ta Servante, Il s’agit
des serviteurs fils de l’Alliance. Il faut entendre vraiment que ceux-ci sont
des fils de l’Alliance et non des esclaves incirconcis, selon qu’il est
écrit : pendant six jours tu feras tes travaux, et le septième
jour tu chômeras, afin que se reposent ton bœuf et ton âne et que reprennent
souffle le fils de ta servante ainsi que l'étranger (Ex 23,12). Ici, en effet on mentionne
l’esclave incirconcis. Mais pourquoi l’Écriture affirme-t-elle : Ni
«ton esclave», ni «ta servante» ? Parce qu’ils sont fils de
l’Alliance.
2.3.2.
Le vocable gér (étranger)
Qui est cet étranger ? Il est
rendu dans notre texte par la parole « gér »[62]. Selon certaines sources, cet étranger est un
converti. Littéralement «juste» (tsaddiq).
L’étranger résident est seulement tenu à observer les sept commandements noachiques parce qu’il «est fils de
l’Alliance», un fils d’Israël. Dans notre cas, il s’agit d’un étranger converti
et non d’un étranger résident. Mais pourquoi ne dit-on pas
«ton étranger» ? Parce que c’est un étranger converti. Du reste, c’est une surprise ici que l’esclave et l’étranger viennent pour
habiter avec les Hébreux, et ils doivent eux aussi se reposer. Nous devons nous rappeler qu’à l’époque, il
n’existait aucun droit du travail, mais seulement l’esclavage et
l’exploitation. Dans une société antique «normale», tous pouvaient cesser de
travailler excepté l’esclave duquel on pouvait disposer comme on voulait,
totalement privé du droit de repos.
Exode
20,10 veut finir avec cette règle de vie antique. Pour construire la société,
il convient de faire reposer tout le monde sans exception aucune. Cette raison
«sociale» est accentuée, pour ainsi dire, par une autre, très importante :
«Parce qu’en six jours Dieu a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’il
contient, et le septième jour il s’est reposé». Dieu le septième jour, n’a pas
travaillé, il n’a rien fait, il a par contre créé le repos, en l’observant, lui
le premier. Dieu n’a pas dit : «observez le repos », mais il s’est
reposé lui-même. C’est en fait une force singulière du sabbat. Du reste, le
texte le souligne : «C’est pourquoi Dieu a béni le septième jour, le
sabbat, et il l’a sanctifié ». Du point de vue humain, un seul verbe,
«souviens-toi», concerne le sabbat. Pour Dieu, il y en a deux : «bénir» et
«sanctifier».[63]
2.3.3. La femme
Dans
la petite liste de ceux qui ne travaillent pas le jour du sabbat manque la
femme. Cette absence ne doit pas être ignorée, surtout parce que la femme est
tellement citée dans le Décalogue. Si nous prenons le texte littéralement, la
femme est absolument absente. Mais, au niveau de la dialectique homme/femme qui
traverse tout le texte, elle est omniprésente. Avant tout, selon la tradition,
chaque jour de la semaine est «épousé» par un autre jour. Le dimanche avec le
lundi, le mardi avec le mercredi, le jeudi avec le vendredi... Le sabbat, au
contraire, est tout seul. Mais le Midrash affirme : «le sabbat est
épousé avec Israël». Par le terme « Israël », il faut entendre toute
la communauté de tous les hommes qui acceptent d’être régis par la loi qui les
invite à aller au-delà d’eux-mêmes. Entre le temps et l’homme, il y a une autre
alliance, un mariage dans lequel la femme représente le sabbat. Dans le
Midrash, les expressions : «la reine du sabbat» et «la reine sabbat» ne désignent-elles
pas, peut-être, la femme en ce jour ? Le sabbat, toute la liturgie tourne
autour de cette image.
En
effet, le vendredi soir dans la synagogue, on chante un beau chant qui a pour
titre Lekhah dodi, viens mon fiancé,
dont voici les paroles : Viens mon bien-aimé à la rencontre de la
fiancée ! Allons accueillir le shabbat ! Chamor we Zakhor, observe et souviens-toi, ont été prononcés
simultanément. Le Dieu unique n’a fait entendre qu’une parole unique pour nous
recommander de sanctifier le sabbat. Viens, mon bien-aimé, à la rencontre de la
fiancée ! Allons accueillir le sabbat ![64] Il y a
donc une présence féminine dans le texte, mais aussi une métamorphose dans
l’ordre des symboles : le temps lui-même devient une femme et la femme le
futur. Si «souviens-toi du sabbat» signifie d’abord, «souviens-toi de ton
futur» et, si le sabbat est la femme, l ‘épouse, il faut dire :
«souviens-toi de ton avenir qui est femme».
A
ce sujet, Levinas montre que nous avons
accès au temps à partir de l’altérité, des autres (autrui), fondamentalement de
l’altérité féminine. Donc le sabbat, est un temps de renouvellement des
promesses matrimoniales. C’est,
cela en fait le vrai sens du sabbat. Disons : «souviens-toi
de ton futur», pour exprimer le sens du sabbat avec la parole Zakhor. Du moment que le sabbat exprime
aussi la transformation du temps en femme, il faudrait
affirmer : «souviens-toi de ta femme ».[65]
2.3.4.
Le repos divin (Exode 20,11)
2.3.4.1. La motivation du repos sabbatique
Ex
20,11 parle de la motivation du repos
sabbatique. En effet, le verset est
précédé par le mot ((yKiä) qui introduit en hébreu
une explication. Car «en six jours le Seigneur créa le ciel et la terre». La
question est de savoir : pourquoi furent
créés le ciel et la terre en six jours ? Il n’est pas peut-être dit : «Par sa parole, le
Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée, par le souffle de sa
bouche » (Ps 33,6) ? Mais pour
infliger la rétribution aux mauvais qui ont détruit le monde créé en six jours,
et pour donner une dignité aux justes qui sauvegardent le monde qui fut créé en
six jours[66].
En six jours, le Seigneur créa le ciel et la terre. Qu’est-ce que cela
signifie ? Une Dame demanda au rabbin José ben Halafta: En combien de
jours le Seigneur créa le monde? Il lui répondit : en six jours, puisqu’il
est dit : «en six jours le Seigneur créa le ciel et la terre». Elle
répliqua : Qu’est-ce que le Seigneur fait alors chaque jour ? Il lui
répondit : il unit les couples dans le mariage, enrichit les uns et
appauvrit les autres.
2.3.4.2. Le sens du repos de Dieu au septième jour
Le
repos divin au septième jour
soulève un problème : Comment
comprendre que Dieu se soit
reposé ? S’était-il fatigué ? N’est-ce pas qu’il est
écrit : «Ne sais-tu pas, n’as-tu pas entendu? Le Seigneur est le Dieu de
toujours, il a créé les extrémités de la terre. Il ne faiblit pas, il ne se
fatigue pas ; nul moyen de sonder son intelligence» (Is 40,28). Et
aussi : «il donne de l’énergie au faible, il amplifie l’endurance
de ce qui est sans force» (Is
40,29). En outre : «Par sa parole,
le Seigneur a fait les cieux, et toute leur armée, par le souffle de sa bouche»
(Ps 33,6). Qu’est-ce que les Écritures enseignent et supposent par ce repos de
Dieu ? Voici un raisonnement :
Si celui qui ne se fatigue pas a permis que soit écrit sur lui qu’il créa son
monde en six jours et se reposa le
septième jour, combien de fois pour l’homme il est dit : «Oui, c’est pour
la misère que l’homme est né, et l’étincelle pour prendre son essor» (Jb 5,7)
doit se reposer le septième jour.[67]
Le Seigneur a créé le ciel et la terre. Qu’est-ce que cela signifie et qu’est-ce que cela enseigne ? Cela enseigne que la mer est égale à toute la création. Une autre idée : la mer était incluse dans la création. Mais pourquoi encore cette spécification ? C’est pour nous enseigner que la mer a les mêmes propriétés, les mêmes vertus que la totalité de la création. De même nous lisons : «Là, vont et viennent les bateaux, et le Léviatan que tu as formé pour jouer avec lui» (Ps 104,26). N’est-ce pas que le léviatan est parmi les dinosaures de la mer ? Mais ceci nous enseigne que le léviatan a quelque chose d’important qui est égal à toutes les autres créatures.[68]
Conclusion
L’analyse
que nous venons de faire dans le deuxième chapitre nous a permis de mieux
saisir en extension ce que Exode 20,8-11 entend quand il affirme :
«Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier». En fait, l’étude des vocables
dans leur contexte en s’appuyant sur les commentaires des différents rabbins
nous a permis de mieux saisir le concept de la «Sanctification du Sabbat».
Sanctifier le sabbat selon notre péricope (Ex 20,8-11) nous renvoie au repos de
Dieu lui-même qui se reposa après avoir accompli toute son œuvre. Le Sabbat
représente la première création. Ainsi, sanctifier le Sabbat signifie faire
mémoire de ce Dieu créateur (Gn 2,2). De la part de l’homme, il s’agit par conséquent d’imiter Dieu qui
s’est reposé le septième jour. D’autre part, sanctifier le sabbat
signifie : faire mémoire du Dieu qui a libéré le peuple d’Israël de l’esclavage
(Dt 5,15). Donc pour sanctifier le Sabbat, toute la société doit se reposer,
aussi bien l’esclave que l’étranger et même les animaux, car Dieu a libéré son
peuple de l’esclavage, non seulement l’esclave doit se reposer, l’étranger et
même les animaux qui sont destinés à certains travaux. Le commandement du
sabbat a donc trois dimensions :
divine, humanitaire et cosmique.
A
ce point, on perçoit la continuité profonde entre les deux textes du décalogue
(Ex 20,8-11 et Dt 5,12). Tous deux parlent de liberté : celle qu’on prend
par rapport au travail pour ne pas devenir l’esclave d’un seul maître et celle
qu’on offre aux autres pour ne pas être un maître despotique[69].
Sanctifier le Sabbat c’est en définitive faire mémoire du Dieu créateur et
libérateur.
3. L’office
sabbatique dans la synagogue comme lieu par excellence de la
sanctification du sabbat
Introduction
Ce
troisième chapitre aborde un aspect pratique de notre thème : Comment
sanctifier le sabbat? Pour répondre à cette question, il sied d’interroger sa
liturgie. En effet, la liturgie juive est le terrain privilégié de la
connaissance des traditions juives ; en elle, plus qu’en toute autre
expression de la tradition juive, se ressaisissent et se rassemblent les
trésors inépuisables, bibliques et spirituels, qui de ses débuts à nos jours
l’ont inspirée et alimentée[70]. En un
mot, la liturgie juive est le berceau des traditions spirituelles juives. Dans
ce chapitre, nous présenterons d’une manière synthétique les différents moments
de cet office à savoir : la veille du sabbat, le sabbat matin et le sabbat
après-midi. Et nous montrerons comment on les célèbre.
Le
nom du service liturgique de la veillée sabbatique est la Qabbalat.[71] Ce
terme signifie l’action de prendre l’obligation pour soi-même. Dans son sens
verbal, il signifie recevoir et accueillir. Dans le premier sens, il est
appliqué à la loi, par contre, dans le second à une personne. Dans la littérature médiévale, la Qabbalat était employée exclusivement
dans le premier sens, le fait de prendre pour soi-même l’obligation de se
reposer. Dans notre cas, c’est-à-dire dans le contexte de la célébration du
sabbat, il signifie tous les deux. Il a en même temps un sens légal et
spirituel. Ainsi il convient de dire Qabbalat
Shabbat. Quelles sont alors les
coutumes de la liturgie de la veillée sabbatique ? Le Vendredi, bien avant la tombée de la nuit,
la maison doit être rangée et nettoyée. Traditionnellement[72], avant
la destruction du temple, un Kohen
sonnait le Chofar[73]
quelques heures avant la tombée de la nuit, pour rappeler à la maison les
travailleurs des champs. Il renouvelait son appel un peu plus tard pour inviter
ceux qui se trouvaient en ville à cesser leurs activités ; à la nuit
tombée, le Chofar retentissait, une dernière fois, pour avertir qu’il était
temps d’allumer les lumières du sabbat. Des rabbins de Safed (ville sainte de
Palestine) se rendaient en procession, le vendredi après-midi, à travers les
champs, pour aller à la rencontre du sabbat, comparé à une fiancée. On
mettait de beaux habits, la table est
une table de fête. La maîtresse de maison met une nappe blanche et dispose une
coupe pour le Kiddouch et deux pains
tressés (halloth) recouverts d’un
napperon pour le Motsi.
Elle
allume deux bougies : une pour Israël, une pour les autres nations, une
pour le sabbat, une pour les autres jours, en chantant la bénédiction des
lampes, signifiant ainsi que son foyer est prêt à accueillir le sabbat. On se
rend à la synagogue, à l’office de qabbalat
shabbat (accueil du sabbat comparé à la fiancée d’Israël) et le Kiddouch[74]
qui consacre l’entrée du sabbat. De
retour, on se met à table et le chef de famille, à son tour, prononce le Kiddouch (sanctification du nom de Dieu)
sur une coupe de vin qui représente la joie. Il porte la coupe à ses lèvres et
la passe à chacune des personnes présentes. Après l’ablution des mains, il dit
le Motsi (bénédiction du pain) sur
les halloth superposées. Il prend
l’une d’elles, la rompt et distribue un morceau qu’il trempe dans du sel à tous
les convives. Motsi signifie sortir.
Le créateur avait donc permis de faire sortir le pain de la terre. Le sel, lui,
est symbole de purification. Les deux Halloth
rappellent la double portion de manne tombée dans le désert, le sixième jour,
pour subvenir aux besoins du jour suivant.
Les
napperons évoquent la couche de rosée qui recouvrait la manne le matin. Pour
distinguer le sabbat des autres jours, on prend un repas plus copieux que de
coutume. La nourriture est préparée le vendredi dans la journée et gardée au
chaud. Avant le Birkat hamazon
(bénédiction du repas), on chante les zemiroth[75]
(cantiques du sabbat). On peut faire suivre la soirée par une discussion à
caractère religieux.
3.2. Le sabbat (matin) [76]
A
la lecture de la prière, il y a un
nouvel élément : l’hymne nishmat kol
hay «l’âme de ce qui vit», une invitation à chaque existence à louer et à
rendre grâce au Seigneur pour ses merveilles de la création et de l’amour. En
outre, la liturgie du samedi matin est caractérisée par deux bénédictions qui
précèdent le shema[77],
une hymne de louange à Dieu pour la création de la lumière. La Lecture de la
Torah[78] est
consacrée d’une manière particulière au sabbat : dans ce jour, la lecture
est plus ample et solennelle, soit pour les passages choisis que pour les prières
qui l’accompagnent. Cette lecture est effectuée par un lecteur[79] (ba’al qore‘ ou ba’al qeria’ah) déjà bien
préparé. Autrefois n’importe qui pouvait
être invité à lire la Torah, selon l’indication de Megillah 23a, mais avec le temps, le texte biblique étant sans
voyelles et sans la ponctuation, seulement un expert pouvait le faire. La
lecture de la haftarah (péricope du
livre des prophètes) suit celle de la
Torah. Cet ordre dans la lecture montre l’importance des différentes parties de
la Bible hébraïque : d’abord le Pentateuque (la Torah), puis les
Prophètes, enfin les Hagiographes. Durant le sabbat la Torah est lue non
seulement le matin mais aussi dans l’après-midi. Normalement les péricopes lues
le matin seront méditées et approfondies à travers la discussion et en les
confrontant avec les écrits des rabbins. Signalons ici que le moment de la
lecture de la Torah est crucial dans la liturgie synagogale, on pense que ceci
a constitué le noyau originel de différentes prières. Grosso modo, on peut dire
que la lecture de la Torah (du Pentateuque) se fait au moins quatre fois par
semaine dans les murs de la synagogue : le lundi et le jeudi matin, le
samedi matin et le samedi après-midi.
3.3. Le Sabbat (après-midi) [80]
La liturgie du sabbat après-midi est
très simple : on se retrouve en famille ou en communauté pour réaliser un Oneg sabbat (Délice du sabbat). On
célèbre le sabbat par une étude, des chants et des danses. Le troisième
repas se prend dans l’après-midi après
l’office de Minha. Le sabbat se
termine avec la Havdala[81]
(séparation) qui comprend trois bénédictions : sur le vin, les épices et
la lumière. On se quitte, après une collation appelée Melavé malka (pour accompagner la princesse) en se souhaitant bonne
semaine : Savouah Tov. Tel est
donc d’une manière synthétique la liturgie du sabbat. Notons encore dans cette
liturgie sabbatique un aspect important : la bénédiction.
La notion de la bénédiction[82] caractérise bel et bien la liturgie juive en général et en particulier celle du sabbat. Elle attribue à Dieu la seigneurie de toute chose (Lév 25,23). C’est Dieu qui en est le vrai propriétaire. Ainsi, le commandement de la sanctification du sabbat nous fait entrer dans une nouvelle dimension : Dieu est le propriétaire de toute chose et en particulier du temps. Il faut le lui donner par la célébration du sabbat. La berakah, en effet, définit un triple rapport : avec Dieu, avec le monde et avec ses propres semblables. Elle (berakah) empêche de séparer Dieu de l’homme et du monde. De plus, en maintenant unis et inséparables les trois pôles, elle fixe les conditions grâce auxquelles ils demeurent dans la vérité. A l’égard de l’homme et du monde, Dieu est la «source» et la «norme»[83].
Conclusion
[1] Pour avoir une notion
assez claire de la littérature rabbinique Cf. M.
R. Hayoun, La littérature
rabbinique (Paris, 1990).
[2] Telle est aussi la
position de H. Ausloos,
« Jésus et l’idolâtrie du sabbat » in RSR 85 n° 1 (2011) 29.
[3] A. Wénin, Le sabbat dans la Bible. = Connaître la Bible 38 (Bruxelles, Lumen
vitae 2005) 37.
[4] Cf. Jean-Paul II, Le Jour du Seigneur. Lettre apostolique Dies Domini (Montréal,
Médiaspaul 1988) 23-24.
[5] “Contrairement à ce
qu’on attendrait, le NT comme littérature chrétienne se réfère fréquemment au
sabbat. En plus, il est à noter que ce sont surtout les évangiles qui évoquent
le sabbat”: H. Ausloos, Art. cit., 27.
[6] Lire à ce
sujet : PONTIFICIA COMMISSIO BIBLICA,
Le peuple juif et ses Saintes Écritures
dans la Bible chrétienne (Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana,
2001) et J. Massonnet (dir.), Accueil de la Torah. Le peuple juif et ses
Écritures dans la Bible chrétienne Étude et prolongements (Lyon, Profac
2011).
[7] Voir le troisième chapitre de notre article.
[8] A. Wénin,, « Le Sabbat dans la
Bible » in Connaître la bible
38 (2005) 5.
[9] L’expression
« le sabbat une dime sur le temps » n’est pas la nôtre, elle est de R.
De Vaux, Les institutions de l’Ancien Testament II
(Paris, Cerf 1960) 378. Nous savons bien que le terme « dîme »
signifie le un dixième du revenu que l’on donne à Dieu. Comme les premiers-nés
du troupeau et les prémices de la récolte sont une dîme sur le travail des
autres jours, le sabbat est une dîme sur le temps. Nous l’employons ici dans le
sens du temps donné à Dieu, du temps consacré
à Dieu qui sanctifie l’homme, le
récréé et recrée par conséquent
le cosmos. Nous sommes convaincus
que, « arrêter le travail le septième jour fait partie de la
vocation de tout être humain destiné à s’achever à l’image du créateur » Voir A. Wénin, Op.cit., 36.
[10] F. Manns, Le Judéo-Christianisme. Mémoire ou Prophétie ? (Paris,
Beauchesne 2009) 333.
[11] Sur l’histoire du
sabbat nous renvoyons aux travaux célèbres de R. De Vaux, Les institutions de l’Ancien Testament
II (Paris, Cerf 1960) 371-382 et au petit ouvrage de A. Wénin, « Le sabbat dans la Bible » In Connaître la Bible n° 38 (2005) 7-19.
[12] Cf. R. De Vaux, Op.cit., 363-370.
[13] Cf. Concordance de la
Bible de Jérusalem (Turnhout, Brepols –
Paris, Cerf 1981) 1000.
[14] Cf. Ph. Abadie,
« Sabbat et circoncision. Entre Héritage culturel et quête
identitaire » in Le monde de
la Bible n°198 (octobre-novembre 2011) 23.
[15] Cf. Ibidem.
[16] La récurrence du
terme “Sabbat” dans le NT est moindre que dans l’A.T.: il revient 60 fois. Cf.
la Concordance de la Bible de Jérusalem, 1000. On rencontre également le
terme « sabbat » ailleurs dans le NT : Ac 13,14.27.42.44 ;
15,21 ; 16,13 ; 18,4 ; Col 2,16.
[17]
Cf. M. Weinfeld,
“The Decalogue: Its Significance, Uniqueness, and Place in Israel’s Tradition”
in RBP (1990) 3.
[18] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole. Il Decalogo
riletto e commentato dai Maestri ebrei antichi e moderni (Milano, Paoline 2004) 40.
[19]
R. De Vaux,
Op. cit. 378.
[20] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi accompagné du Targoum Ounqelos
(Jérusalem, Gallia et Yéed haSefarim 2001) 299.
[21] Cf. A. Wénin, Le Décalogue. Approche contextuelle,
théologie et anthropologie, in C. Focant (dir.), La Loi dans l’un et l’autre Testament = Lectio Divina 168 (Paris,
Cerf 1997) 36-37.
[22] Cf. H. Ausloos, art. cit . 32-33.
Cf. H. Ausloos, Art. cit. 32-33.
[23]
Cf. M. J. Graetz, “Sabbath”, Encyclopedia
Judaica XVII, 616-617. Sur la racine du verbe hébreu sbt dans le poème de la création voir H. Ausloos, Art. cit., 34. La note 15.
[24] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi 21-23.
[25] Cf. M. Defossez, “Sabbat”, in Dictionnaire encyclopédique de la Bible
1149-1150.
[26]
Cf. L. Nemoy
(ed.), The Code of Maimonides (Mishneh
Torah) Book Three. The Book of Seasons Vol. XIV trans. by S. Gandz - H.
Klein (New Haven, Yale University Press 1961) 160.
[27] A partir de quelle
époque? Probablement au III° siècle av.
J.-C. pour la diaspora et au I° siècle
pour la Palestine. Cf. H. Cousin, Le monde où vivait Jésus (Paris, Cerf
1998) 287.
[28]
Cf. L. Jacobs,
“Sabbath”, Encyclopaedia Judaica XVII,
618-619.
[29] Quand on récite ce
poème, les fidèles dans la synagogue se tournent vers la porte d’entrée afin
d’accueillir la “fiancée Shabbat”.
Cf. B. Halpern – Guedj,
“La prière juive”, in M. Meslin
(dir.), Quand les hommes parlent aux
Dieux. Histoire de la prière dans les civilisations (Paris, Bayard 2003)
288.
[30]
Cf. S.
Ganzfried, Code of Jewish Law
(New York 1961) 47-48.
[31]
Cf. A. Natan, Shema Israel. Midrashim dal libro della
Genesi (London, 2000) 44.
[32]
Cf. L. Jacobs, “Sabbath”, Encyclopaedia Judaica XVII, 619-620.
[33] Cf. H. Ausloos, Jésus et l’idolâtrie du sabbat 37-38.
[34] Cf. C. Spicq – p. Grelot,
« Sabbat », in X. Léon-Dufour
(dir.), Vocabulaire de théologie biblique
(Paris, Cerf 2005) 1151-1154.
[35]
Cf. C. G. Montefiore,
Rabbinic Literature and Gospel
Teachings (London, Macmillan 1930) 243.
[36] Cf. C. G. Montefiore, Rabbinic
Literature and Gospel Teachings 244.
[37]Cf. Jean-Paul II, Le Jour du Seigneur 19.
[38]
Cf. H. Freedman
(Trans.), “Exodus Chapter XX”, Encyclopedia
of Biblical Interpretation. A millennial Anthology Torah Shelemah IX (ed. M.M. Kasher) (New York, American biblical Society 1979).
[39] Notre traduction est basée sur celle de A.
Mello, Il dono della Torah.
Commento al decalogo di Es. 20 nella Mekilta di R. Ishmael (Roma, Città
Nuova 1982) 85.
[40] Dans la traduction de
A. Mello, le mot « gér » ne se trouve pas. Mais, on le trouve
dans le texte de H. Freedman. Nous en discuterons dans la partie exégétique de
notre travail.
[41] A. Mello n’a pas
traduit le mot (^yr<ê(['v.Bi) du
v.10, nous avons constaté que d’autres auteurs l’ont traduit avec d’autres
tournures, notamment M. A. Ouaknin l’a rendu par: « dans tes
portes ». Voir M.A. Ouaknin, Le Dieci parole 96. Mais littéralement
le mot signifie « dans tes villes ».
[42] Cf. M. A.
Ouaknin, Le Dieci Parole 98-99.
[43] Cf. Ibidem., 98-99. Pour mieux approfondir la syntaxe du verbe Zakhor en Ex
20,8 Voir P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique (Roma,
P.I.B 1996) 123 v ; P. Joüon – T.
Muraoka, A Grammar of Biblical
Hebrew (Roma, P.I.B. 2008) 113m et E.
Kautzsch, Gesenius’ Hebrew Grammar (Mineola, New York 2006)
113bb.
[44]
Cf. H. Freedman
(trans.), “Exodus Chapiter XX”, Encyclopedia
of Biblical Interpretation. Torah
Shelemah,
160, n. 190. Ces paroles «souviens-toi du sabbat et garde-le» ont été
prononcées simultanément. Il s’agit d’une omission textuelle. Ces deux paroles
ont été prononcées dans une unique expression. Souviens-toi (Ex 20,8) et
Observe (Dt 5,12), Voir aussi A. Mello,
Il dono della Torah 85.
[45] Cf. J. Kohn, Chemoth
avec le commentaire de Rachi, 297. Cf. J.
Kohn, Chemoth avec le commentaire
de Rachi 297.
[46] Selon la liturgie, le
sabbat se termine avec la Havdalà (séparation) qui comprend trois bénédictions:
sur le vin, les épices et la lumière. Pour la compréhension de ce vocable voir
la troisième partie du travail, l’office sabbatique particulièrement la
liturgie du sabbat (après-midi).
[47] Cf. G.Trotta (a cura di), Il Sabato nella
tradizione ebraica (Brescia, Morcelliana 1991) 19-27.
[48] Cf. A. Mello, Il dono della Torah 86-87.
[49] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 70.
[50]
Cf. A. J. Heschel, The Sabbath. Its Meaning for Modern Man 71.
[51] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 100.
[52]
Cf. A. J. Heschel, The
Sabbath. Its Meaning for Modern Man 28-30.
[53]
Cf. H. Freedman
(trans.), “Exodus Chapiter XX”, Encyclopedia
of Biblical Interpretation. Torah
Shelemah, 156, n. 176.
[54]
Cf. Ibidem,
158, n. 181.
[55]
Cf. A. J. Heschel,
Op. cit. 103.
[56]
Cf. H. Freedman (trans.),
Op. cit., 164, n. 205.
[57]
Voir A. Kaplan, Sabbat. Un giorno di Eternità 35.
[58]
Cf. Ibidem
30-34.
[59]
Cf. Talmud de Jérusalem, Shab 7,2.
[60] Cf. J. Kohn, Chemoth avec le commentaire de Rachi 299.
[61]
Cf. H. Freedman
(trans.), “Exodus Chapiter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation.
Torah Shelemah, 168, n. 223.
[62]
L’étranger (gér) “is interpreted in its later sense of
proselyte. There were two kinds: the righteous (true, complete) proselyte, who
accepts all the laws of authentic Judaism; and the resident proselyte, who has
merely renounced idolatry” voir. Ibidem, 168, n. 228
[63] Cf. M. A. Ouaknin, Le Dieci Parole 101.
[64] Cf. B. Halpern – Guedj, “La prière juive”
288-289.
[65] Cf. M. A.
Ouaknin, Le Dieci Parole 102-104.
[66]
Cf. H. Freedman (trans.), “Exodus Chapter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah, 172, n. 231.
[67]
Cf. H. Freedman
(trans.), “Exodus Chapter XX”, Encyclopedia of Biblical Interpretation. Torah Shelemah, 173, n. 236-237.
[68] Cf. Ibidem 172, n. 235.
[69] Cf. A. Wénin, “Le Décalogue. Approche contextuelle, Théologie et
anthropologie”, in C. Focant (dir), La Loi dans l’un et l’autre Testament (Paris, Seuil 1997) 36-37.
[70] Cf. C. Di Sante, La prière D’Israël. Aux sources de la liturgie chrétienne (trad. de
l’italien par Louis Dussaut) (Paris, Desclée-Mame 1986) 15.
[71]
Cf. A. J. Heschel, The Sabbat. Its Meaning for Modern Man ( New York 1951) 61-62.
[72]
Cf. G. Wigoder
(ed), “Sabbath”, The New Encyclopedia of
Judaism 668. Voir aussi I. Elbogen, Jewish Liturgy: A Comprehensive History (Trans. By R. P.
Scheindlin) (New York 1993) 91-92.
[73] Il y a deux façons
d’écrire ce mot : chofar ou shofar. C’est une corne de bélier servant aux
sonneries particulières.
[74] Le Kiddouch est un précepte biblique que
l’on trouve en Ex 20,8 qui consacre l’entrée du sabbat. Mais le kiddouch comme cérémonie a été institué
par les sages, doit être récité sur une coupe de vin. Voir S. Ganzfried, Code of Jewish Law 79-83.
[75] Les zemiroth ou zemirot sont des poèmes liturgiques qu’on chante en
famille, entre amis et avec les convives à la table du shabbat. Ces chants
contribuent à créer une ambiance festive durant les trois repas sabbatiques, le
vendredi soir, le Sabbat midi et en fin d’après-midi (séoudah chelichit
“le troisième repas”). Ce poème rappelle les préceptes de l’observation du
sabbat: Il convient de s’abstenir de travailler le jour du Sabbat et de
célébrer la sainteté de ce jour au cours de trois repas de sanctification.
C’est alors que le Sabbat est source de sérénité “Comme les jardins au nord des
fleuves”. Cf. B. Halpern –
Guedj, “La prière juive” 298.
[76]
Cf. G. Wigoder (ed.),
“Sabbath”, The New Encyclopedia of Judaism
669.
[77] Le Shema Israël, ce
poème doit son succès au fait que son refrain reprend les grands principes de
la foi d’Israël. Ces mots: “Écoute Israël...” et “l’Éternel est Dieu” sont
prononcées d’une seule voix par tous les fidèles. Quant à la troisième phrase,
elle aussi en forme de credo: “L’Éternel est le roi, L’Éternel a régné,
l’Éternel régnera à jamais!”. Elle conjugue plusieurs sources bibliques et se
trouve sous cette forme dans d’autres parties de la liturgie. Voir B.
Halpern – Guedj, “La
prière juive” 318. Cette prière comprend trois parties: la première tirée du Dt
6,4-9; la seconde partie Dt 11,13-21; la troisième partie Nb 15,37-41.
[78]
Cf. A. Steinsaltz, A Guide to Jewish Prayer (New York 2000) 114.
[79]
Cf. S. Ganzfried, Code of Jewish Law 84-86.
[80]
Cf. G. Wigoder
(ed), “Sabbath”, The New Encyclopedia of
Judaism 669.
[81] Comme le début du
sabbat est marqué par le Kiddouch qui
souligne son importance et sa sacralité, ainsi sa fin est accompagnée d’une
brève cérémonie antique appelée Havdala
(séparation) parce qu’elle marque la différence entre le sabbat qui est en
train de terminer et les jours fériés qui doivent commencer. Elle consiste dans
le fait de réciter quatre brèves bénédictions: sur une coupe de vin, sur des
herbes parfumées, sur la lumière du feu et sur la division entre Israël et les
autres peuples. La lumière dans cette cérémonie ne signifie rien d’autre que la
libération de l’esclavage du travail pendant six jours. En fait, la prière de
Havdala distingue le shabbat, qui est de l’ordre de la sainteté (Kodesh), de la
dimension profane (hol) dans laquelle l’homme est censé achever l’œuvre de la
création, en faisant aboutir le projet du Créateur. Voir B. Halpern – Guedj, “La prière juive 311.
[82] Pour mieux
approfondir cette notion, il faut lire : E.
Munk, Il mondo delle preghiere (Roma, Litos 1992).
[83]
Cf. G. Wigoder (ed), “Sabbath”, The New Encyclopedia of Judaism 669.
[84]
Cf. A. J. Heschel,. The Sabbath. Its Meaning for Modern
man 12.
Commentaires
Enregistrer un commentaire